La Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe présente, pour la première fois en Allemagne, l’un des grands maîtres de la peinture de genre du Siècle d’or en Flandre, David Teniers le Jeune. Grâce au riche fonds du musée - l’un des plus importants et plus anciens du pays - et à des prêts exceptionnels provenant des grandes collections publiques et privées d’Europe et des États-Unis, l’exposition dévoile 140 œuvres exceptionnelles, parmi lesquelles 90 peintures et dessins de Teniers, dont bon nombre n’avaient jamais été montrés, en même temps que des toiles de certains de ses plus brillants précurseurs et contemporains : Adriaen Brouwer (1605/1606-1638), Pieter Brueghel le Jeune (1564-1638) et Jan Brueghel le Vieux (1568-1625). Une trentaine de gravures d’après des tableaux, ainsi que trois tapisseries dans le style du maître complètent l’exposition.
Peintre de genre et peintre de Cour
Né à Anvers en 1610, Teniers fait son apprentissage auprès de son père, David Teniers l’Ancien, avant d’être agréé franc maître de la guilde de Saint-Luc vers 1632/1633. Il épouse, en 1637, Anna Brueghel, la fille de Jan Brueghel le Vieux. Le tuteur de la fiancée, témoin du mariage, n’est autre que Pierre Paul Rubens. Bien qu’il excelle dans la représentation de scènes paysan-nes, Teniers n’en fréquente pas moins la haute société: il est peintre de cour et conservateur des collections de l’archiduc Léopold Guillaume, gouverneur des Pays-Bas du Sud. On le retrouve à Bruxelles en 1651 où il occupe des fonctions élevées pour le compte de son protecteur, parmi lesquelles la conservation des importantes collections archiducales.À ce titre, il réalise, en 1660, le Theatrum pictorium, premier catalogue illustré de gravu-res d’une collection de peintures. Il participe activement à la création de l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers en 1664.
Tous les aspects du quotidien
L’exposition de Karlsruhe met en lumière les étapes de l’évolution de l’artiste et la diversité de son œuvre, en s’appuyant sur le meilleur de l’immense production de Teniers. Les débuts du peintre sont marqués par l’influence de la peinture de genre néerlandaise à connotations moralisantes. À l’aide d’une palette sombre, Teniers peint des intérieurs d’auberges, de cabarets et de granges débordant de vie, peuplés de paysans exubérants chez qui il montre la démesure et dont il tourne en ridicule les manières rustiques. Il brosse également avec malice et dextérité les rencontres douloureuses de patients aux mains de guér-isseurs et autres arracheurs de dents, ou encore les ambiances pesantes et dérangeantes de laboratoires d’alchimistes.
Un regard plus tendre
Peu à peu, le regard de Teniers sur ses contempo-rains se fait plus tendre, l’humour moins grinçant et la palette plus claire, aux tons argentés et lumineux. Tout témoigne d’une tendance à la gaieté et à l’édification, mais sans remontrances. Il dépeint le labeur des paysans - semailles, fenaisons, moissons, coupes de bois, pêche… - tout comme leurs loisirs - tir à l’arc, jeu de boules, jeu de cartes, tric trac…. Quant aux femmes, il les montre au lavoir, à la blanchisserie, au puits ou occupées à la cuisine et bien entendu dans leur rôle de mère.
Illustration : David Teniers le Jeune, Autoportrait, années 1630 Huile sur bois
26,2 x 22,3 cm Elmira, Arnot Art Museum. Don de Dr. William C. Beck, 1991
Réjouissances populaires et vie seigneuriale
Une large part de la production de Teniers est consacrée aux réjouissances, aux fêtes villageoises bon enfant et aux scènes grivoises de cabarets. C’est en 1637 qu’il achève son premier grand Mariage paysan. Ces fêtes sont l’occasion de déployer une foule bigarrée à ciel ouvert ou à l’abri d’une taverne, composée de danseurs enjoués et de convives occupés à fumer, jouer ou converser. Il en résulte des tableaux égrenant les tranches de vie d’un pays idyllique, véritable Arcadie flamande. Quoiqu’il ait tout particulièrement été apprécié pour ses scènes de genre, les paysages animés, les tableaux déclinant les saisons, idylles pastorales et sujets divers représentent une large part de l’activité de Téniers. De temps en temps, le peintre élargit son répertoire populaire à des seigneurs se promenant dans leurs riches propriétés et se montre lui-même, entouré de sa famille. Par la diversité et l’originalité des œuvres présentées, cette rétrospective promet des découvertes tant pour les amateurs que pour les chercheurs.
PUBLICATION
Catalogue de l'exposition (en allemand) Textes de Marcus Dekiert, Margret Klinge, Dietmar Lüdke, Jessica Mack-Andrick et Astrid Reuter. 400 p., avec illustration de toutes les œuvres présentées, dont 90 en couleur. Edition Kehrer Verlag Heidelberg, 28 €.
Pour voir d'autres illustrations, cliquez sur ENGLISH VERSION en haut de page
|