Au cœur d’un parc préservé de 17 hectares, le château-musée du Cayla est l’ancienne demeure du poète Maurice de Guérin (1810-1839), qui fut un grand ami de Barbey d’Aurevilly. Son exposition d’été, placée sous le signe des rituels et des éléments qui composent la vie, est consacrée à Christine Valcke. L’artiste, peintre et lithographe, tente, sur la toile ou sur le papier, de témoigner de notre passage dans le monde.
Des mots qui retracent les paysages de l’existence
L’exposition est placée à la rencontre de deux univers : ceux de l’écriture et de la couleur. Christine Valcke, née à Anvers (Belgique) en 1958, vit et travaille dans le sud de la France. Depuis 1995, elle réalise des installations et explore les possibles du papier et de la couleur. Sa rencontre avec le lithographe Philippe Parage en 2000 a été déterminante. Ici, elle s’empare de formes élémentaires, cercles, lignes et crée ses propres empreintes en écho à des œuvres littéraires qui l’ont inspirée. Les objets du quotidien symbolisé sont des prétextes à combler les vides d’interrogations philosophiques. Où est l’essentiel dans cette vie, sinon dans les mots qui tracent et retracent les paysages de l’existence ? Christine Valcke cherche à témoigner de ces traces ténues de la mémoire.
Rencontre avec l’univers du Cayla
Sa palette, associée à une relecture du temps, compose ainsi sa « maison apaisée ». Que cette exposition soit présentée dans une maison d’écrivain n’est pas un hasard. Elle est une nouvelle lecture picturale de l’univers du Cayla, marqué à la fois par le temps qui est passé, celui de Maurice et Eugénie de Guérin, ces auteurs romantiques dont on cultive ici la mémoire, celui du temps qui se déroule sous nos yeux et celui d’une nature environnante qui bruisse de mots toujours renouvelés. Le rituel de la vie n’est pas une sacralisation du passé mais un hommage à ces petits actes de tous les jours dont le charme réside dans la répétition et le côté gratuit et désuet. On en retrouve d’ailleurs la trace dans la lecture du paysage et les journaux intimes.
« Le château m’ouvre ses portes… »
Christine Valcke a été inspirée par Maurice de Guérin et par son œuvre et résume ainsi l’aventure de cette exposition : « Je rêve qu’il pleut. Mon parapluie se retourne. Il est plein d’eau de pluie. Dedans nagent des poissons rouges. Voir, percevoir, capter l’esprit d’un lieu et laisser venir la réponse. La laisser venir à la façon de l’eau claire qui coule dans le lavoir un peu plus bas ou de celle qui soudain remplit le parapluie. Je marche autour du château, descends au lavoir et commence à entendre ce lieu de mémoire résonner sur ma propre mémoire. Elle fait remonter en moi d’autres paysages, d’autres couleurs, en écho. Le château m’ouvre ses portes et avec la lumière du dehors, tout s’appelle, se répond, devient visible ou s’éloigne, s’oppose ou se complète, croisements permanents, infinis, entre le lieu, sa mémoire, sa présence, la vie partout vibrante tout autour et en moi. Ce sont des mouvements, des rythmes, des équilibres fugaces ou durables que je reconnais ou non, qui surgissent ou s’échappent et que je tente de retenir sur le papier ou sur la toile. »
Illustration : Christine Valcke.
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