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N° 35 - du 15 février 2007 au 21 février 2007

L'AIR DU TEMPS

Histoire d’os

Les grands musées anglo-saxons sont fort embarrassés par les demandes de plus en plus pressantes des pays « spoliés ». L’Italie et la Grèce mènent la croisade des nations qui entendent récupérer des objets illégalement parvenus dans des collections étrangères et ont réussi à obtenir des restitutions du Metropolitan Museum de New York et du Getty de Malibu. L’effet domino pourrait avoir des conséquences dévastatrices : une partie des collections françaises n’a pas fait l’objet d’achats réguliers (pensons à Napoléon en Italie ou en Espagne par l’entremise du général Soult). Et l’Italie n’est pas à l’abri de revendications : en Turquie, on n’a pas oublié la croisade et le sac de Constantinople en 1204… Foin d’exotisme : le quotidien The Guardian soulignait récemment un danger beaucoup plus proche. Les néo-païens et les sociétés druidiques se sont mises à revendiquer, sotto voce pour le moment, les ossements de leurs lointains ancêtres. Tant qu’ils seront conservés dans des musées d’anthropologie ou d’histoire naturelle, leurs authentiques possesseurs ne pourront trouver le repos de l’âme. Plusieurs institutions dont le National History Museum, le British Museum et le musée de Manchester prennent au sérieux ces nouvelles exigences. Ils ont compris ce qu’il advient lorsqu’un gardien maladroit réactive une ancienne malédiction : les squelettes se remettent en mouvement. Démonstration dans La Nuit au musée avec Ben Stiller qui vient de sortir sur les écrans.

MARCHÉ

Londres au niveau de New York

LONDRES – On a beaucoup glosé en novembre sur les résultats époustouflants des ventes new-yorkaises : un milliard de dollars d’art moderne et contemporain en une semaine. L’Amérique semblait inatteignable. Et voilà que Londres a quasiment égalé ce chiffre avec 757 millions de dollars la semaine du 5 février : 392 millions chez Christie’s, qui garde une légère avance sur son éternel rival Sotheby’s (365 millions). Dans le détail, c’est une avalanche de records : 153 œuvres ont dépassé le million de dollars. Un Bacon provenant de la collection de Sofia Loren (Study for Portrait II est devenue la seconde œuvre la plus chère de l’après-guerre en ventes publiques (27,5 millions de dollars chez Christie’s). A 47 ans, Peter Doig est dorénavant l’artiste européen vivant le plus cher (son White Canoe est parti à 11,4 millions de dollars). La photographie a dépassé son propre maximum (avec Andreas Gursky et son 99 cents II à 3,4 millions de dollars). Raoul Dufy a pulvérisé sa meilleure performance (passant de 3 à 8 millions de dollars) avec la Foire aux oignons. La litanie des pics et des excès, alimentés par le cash des nouvelles fortunes de Russie ou d’ailleurs, est infinie. Les pessimistes font remarquer que les grandes crises ont souvent été précédées de ce type de hausses spéculatives…

Arco à l’heure de Lourdes

MADRID – La foire espagnole d’art contemporain a une nouvelle tête. Après deux décennies sous la baguette de Rosina Gómez-Baeza, c’est encore une femme qui est aux commandes : Lourdes Fernández (née en 1961), qui a travaillé 5 ans à la galerie Marlborough et s’est occupée de la biennale Manifesta à San Sebastián en 2000-2001. Son premier exercice est marqué par une légère diminution du nombre d’exposants - 271, soit vingt de moins qu’il y a deux ans - compensée par le retour de poids lourds comme la new-yorkaise Pace-Wildenstein. L’intérêt général de l’Occident pour les scènes asiatiques trouvera à s’alimenter avec la présence de la Corée, pays invité, tandis que la vague de fond des nouvelles technologies a rendez-vous au Black Box, animé par Carolina Grau et Marc-Olivier Wahler, nouveau patron du Palais de Tokyo. Dans la section Proyectos (projets spéciaux), on remarque la présence abondante de Pékinois, Berlinois, Madrilènes et Lucernois et l’absence criante de galeries françaises. Un constat alarmant à l’heure ou l’Hexagone ne cesse de s’interroger sur sa perte d’influence culturelle… Des transformations de fond sont attendues pour le 27e ARCO en 2008 avec le déménagement vers de nouveaux pavillons plus spacieux, qui permettront notamment une meilleure mise en scène des grandes installations.

  • ARCO à Madrid, du 15 au 19 février

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  • EXPOSITIONS

    Gilbert & George, la preuve par deux

    LONDRES – C’est probablement le couple le plus emblématique de l’art actuel. Et en même temps si profondément « British » (même si Gilbert est né italien, dans les Dolomites) que les organisateurs de la rétrospective ont hésité avant de l'accueillir à la Tate Modern plutôt qu’à la Tate Britain. Quarante ans de création (ils se sont rencontrés à la St Martin’s School of Art en 1967, quand il avaient 25 ans) qui s’exprime autant dans des œuvres plastiques que dans une posture immuable : toujours ensemble, souvent en costume impeccable et regard neutre, parfois nus dans des positions inconvenantes ou à côté d’agrandissement de parties de leur anatomie. Des performances du début, où ils se voulaient statues, aux reproductions géantes des années 80, qui deviennent chaque fois plus colorées, c’est systématiquement à travers leur propre image que Gilbert & George posent la question de l’identité, de la sexualité, de l’idolâtrie. La Tate passe en revue tout leur parcours en incluant par les Dirty Words Pictures, les Gingko Pictures de la Biennale de Venise ou les Sonofagod Pictures, exposées l’an dernier. Et pour prouver qu’ils ne sont pas définitivement statufiés, les artistes ont aussi créé quelques œuvres spécifiques pour l’exposition.

  • Gilbert & George à la Tate Modern, du 15 février au 7 mai

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  • Retour sur Friesz

    ROUBAIX - Ce n'est pas le plus fameux des Fauves mais c'est un second rôle attachant, fils d'un capitaine de la Marine marchande. Cela fait près de trente ans que l'on n'a pas consacré de rétrospective à Othon Friesz : la dernière s'était tenue en 1979 pour marquer le centième anniversaire de sa naissance. Le musée d'Art et d'Industrie de Roubaix, ancienne piscine Art déco, aime mettre en avant des artistes un peu oubliés ou négligés : on se souvient des expositions consacrées à Jane Poupelet, Gaston Lachaise ou Agathon Léonard. Friesz méritait bien autant. De ses premiers paysages teintés d'impressionnisme jusqu'à l'immanquable "retour à l'ordre" et l'influence de Cézanne, en passant, évidemment par les brefs mais grands moments fauves, sa carrière est décortiquée en 150 œuvres, peintures, dessins, gravures mais aussi céramiques.

  • Emile-Othon Friesz, le fauve baroque à la Piscine, musée d'Art et d'Industrie, du 17 février au 20 mai.

  • L’ARTISTE DE LA SEMAINE

    Christoph von Weyhe : c’est beau un port la nuit

    PARIS – Christoph von Weyhe fait partie de ces artistes obsessionnels, qui reviennent sans cesse sur le même motif. Sa Sainte-Victoire à lui, c’est le port de Hambourg. Le port industriel avec ses grues, ses docks numérotés, ses ponts, ses torchères et ses phares puissants qui trouent la nuit. Car pour limiter encore le champ de son travail, il ne s’intéresse à son sujet qu’aux petites heures. « A la fin des vacances, lorsque je quittais Hambourg et ma famille pour retourner aux Beaux-Arts de Paris, où j’étudiais, le train passait le long du port, la nuit. C’est une image qui est en moi depuis très longtemps. » Quinze ans que cette passion monomaniaque l’habite et qu’il procède de la même façon. Pendant les mois cléments, il est sur place. Il étend à même le sol des feuilles de carton rigide sur lesquelles il travaille rapidement, à la gouache, pour saisir la scène. Puis à Paris, dans son atelier du Marais, il la retranscrit à l’acrylique sur des grandes toiles de 2 mètres. Un travail long et minutieux, qui peut lui prendre jusqu’à trois mois par œuvre. A 69 ans, l’artiste n'entend pas changer de thème. Son voyage au bout de la nuit hambourgeoise n’est pas fini.

  • Christoph von Weyhe chez JGM Galerie, 79 rue du Temple, 75003 Paris, tél. : 01 43 26 12 05.

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  • LIVRES

    Dix ans avec Charchoune

    Les catalogues raisonnés ne sont généralement pas conçus à l’intention du grand public. Parfois, cependant, ils permettent de dépasser l’œuvre d’un seul artiste pour saisir l’atmosphère d’une époque. C’est le cas avec ce premier volume sur l’œuvre peint de Serge Charchoune (1888-1975), peintre russe d’origine slovaque installé à Paris au début du XXe siècle. Couvrant la période 1914-1924 (quatre autres tomes suivront, jusqu’à 1975), il présente évidemment les tableaux de la période et divers documents comme des fac-similés de lettres à ses galeristes. Mais affiches d’expositions, couvertures de revues et photographies de ses amis du moment (Breton, Soupault, Eluard, Péret) font revivre les épopées dada et surréaliste (avec le procès à Maurice Barrès, accusé de crime contre la sûreté de l’esprit !) ou les débuts du cubisme auxquels il participe activement. Pendant cette décennie agitée, Charchoune est toujours en mouvement. Il est à Paris mais aussi à Barcelone (à l’époque du boxeur-artiste Arthur Cravan) puis à Berlin : c’est un écorché de l’Europe au tournant de la Première Guerre mondiale qui nous est proposé.

  • Charchoune, catalogue raisonné 1912-24, trilingue (français, anglais, russe) par Pierre Guénégan, 60 €, ISBN : 2-9700494-1-4

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  • BRÈVES

    LENS – Face à une escalade des coûts pour l’antenne du Louvre à Lens (par les architectes japonais de Sanaa), le président du conseil régional du Nord-Pas de Calais, le socialiste Daniel Percheron a lancé une alerte. Il rencontre le ministre de la Culture jeudi 15 au soir.

    LONDRES – Après les résultats mirifiques des ventes d’art contemporain et moderne de la semaine du 5 février, Sotheby’s espère poursuivre sur la même tendance avec sa première vente entièrement consacrée à l’art russe contemporain (années 1960 à 1990), le 15 février.

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    MADRID – Profitant du calendrier, le salon Art Madrid se tient en même temps qu’ARCO, du 15 au 19 février, dans le Pabellón de Cristal de la Casa de Campo.

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    PARIS – Le musée du Louvre annonce l’acquisition d’un trésor national, une Sainte Madeleine de Quentin Metsys, dans la collection James de Rothschild depuis 1840, grâce au mécénat du Crédit Immobilier de France.

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    TURIN – En décembre, le Palazzo Madama (musée d’art ancien) a rouvert après 18 ans de travaux. Le 13 février, c’est une autre institution de la ville piémontaise qui a ressuscité : le musée d’Anatomie humaine était fermé depuis 1898…

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    SUR ARTAUJOURDHUI hebdo

    Cette semaine, ne manquez pas..

    RICHARD POUSETTE-DART

    VENISE - C'est l'un des grands noms de l'expressionnisme abstrait américain même s'il a été un peu mis dans l'ombre par ceux de Pollock ou De Kooning. En 1941, il fut d'ailleurs le premier du groupe, avec Adolf Gottlieb, à faire l'objet d'une exposition personnelle. En 47 tableaux, la Peggy Guggenheim Collection parcourt l'ensemble de sa carrière, marquée par les mythes fondateurs de l'Amérique et la philosophie orientale.

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    L'EMPIRE INTERDIT Visions du monde des maîtres chinois et flamands

    BRUXELLES - 143 œuvres sur 1200 mètres carrés pour deux visions du monde : celle de l'Occident, par l'intermédiaire de l'art flamand, et celle de l'Orient, qui s'exprime à travers l'art chinois. L'originale exposition montée par Yu Hui et l'artiste Luc Tuymans confronte dessins, tableaux, calligraphie, cartographie et semble démontrer que si le monde s'est rétréci, les distances "mentales", elles, n'ont pas bougé…

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    LES HUGUENOTS De la Moselle à Berlin, les chemins de l'exil

    METZ - Avec la révocation de l'Edit de Nantes, des centaines de milliers de protestants quittent la France. Cette exposition suit le sort de ceux qui étaient établis en Moselle : à l'aide d'objets de la vie quotidienne, de tableaux, de gravures, d'archives, on reconstitue le drame de ces familles qui ont dû quitter leur terre vers l'Angleterre, les Provinces-Unies ou, plus encore, Berlin et le Brandebourg.

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