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N° 37 - du 1 mars 2007 au 7 mars 2007

L'AIR DU TEMPS

En prêter ou pas

Le patron des musées de Berlin, Klaus Dieter Lehman, a eu un coup de sang contre le Louvre, l’accusant, dans le Sueddeutsche Zeitung, de se comporter, à l’instar du Guggenheim, comme une entreprise cotée en Bourse ne cherchant qu’à maximiser son profit. Un point de sa démonstration est intéressant. Il porte sur les prêts d’œuvres aux expositions à l’étranger. Dans cette logique de course à l’audience, on peut craindre que les tableaux ne voyagent plus que dans des rassemblements de foule fortement médiatisés et évitent les rétrospectives bien pensées mais mal « situées ». L’Italie offre cette semaine les deux cas de figure. D’un côté, un « blockbuster » annoncé dans la ville la plus touristique du pays, Florence : la énième rétrospective Cézanne (au palazzo Strozzi) avec roulements de tambour, site internet, annonces tonitruantes de découvertes. De l’autre, dans une cité moins courue, Gênes, une exposition patiemment préparée sur un peintre du pays, brillant coloriste du XVIe siècle mais méconnu du grand public : Luca Cambiaso (au palazzo Ducale). Il y a fort à parier que les tour-opérateurs et les journaux télévisés vont se faire les porte-voix de la première et mettre la seconde aux oubliettes, rendant toujours plus difficile la mise sur pied de ce type de rendez-vous. Si l’internationalisation des grands musées implique qu’ils se mettent au diapason de cette tendance, ce serait certes ennuyeux dans un monde qui perd chaque jour un peu plus de sa diversité culturelle. A eux de nous détromper.

Informations sur l'exposition Luca Cambiaso

EXPOSITIONS

Lalique aux mille feux

PARIS – Son nom symbolise la réussite la plus haute des arts décoratifs français mais également un mariage réussi entre l’art et l’industrie. Si René Lalique (1860-1945) est connu pour ses bijoux, il fut également un entrepreneur brillant, ouvrant des verreries à Combs-la-Ville, près de Paris, et à Wingen-sur-Moder, en Alsace, où il appliqua les techniques les plus avancées de l’époque. L’exposition rassemble plus d’une centaine de pièces pour décrire une longue vie de création. A l’âge de 30 ans, Lalique possède déjà un atelier avec 30 ouvriers. En 1927, à 67 ans, il a un nouvel enfant avec sa troisième compagne tandis qu’il prépare le salon des artistes décorateurs ; en 1935, à 75 ans, il réalise la décoration de la salle à manger de première classe du paquebot Normandie. Croquis, vases, lampes et flacons de parfum pour René Coty sont accompagnés des bijoux que lui inspirèrent la nature et qui frappèrent par leur emploi de matériaux inattendus : collier en émail, opale et améthystes ou peigne en corne, or et noisettes…

  • René Lalique, créateur d’exception 1890-1912, au musée du Luxembourg, du 7 mars au 29 juillet

    Le site du musée du Luxembourg

  • Puissance Lynch

    PARIS - Comme les héros de l’Antiquité grecque, il possède un talent à multiples facettes. Cinéaste évidemment avec Eraserhead, Sailor et Lula ou le récent Inland Empire, acclamé à la dernière Mostra de Venise. Mais aussi musicien, photographe ou peintre. David Lynch, né en 1946, n’aime rien tant que gommer les frontières entre les arts. La rétrospective de la fondation Cartier aborde cette production variée à partir d’une source unique : la collection personnelle de l’homme-orchestre, qui conserve dans des boites savamment organisées tout ce qu’il a pu créer depuis l’adolescence. Tableaux à l’huile, dessins et collages, images détournées, bruits et, évidemment, une forte composante d’images animées. L’inventivité de David Lynch est également attendue au tournant des Soirées nomades de la fondation, dont il sera l’ordonnateur au mois de mars.

  • David Lynch : The air is on fire, à la fondation Cartier, du 3 mars au 27 mai

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  • L’Arménie, une longue mémoire chrétienne

    PARIS – Les khatchkars : il y a fort à parier qu’ils constitueront une découverte pour le public français. Il s’agit de dalles de pierre en position verticale, décorées d’une croix, qui sont présentées de façon suggestive dans les fossés médiévaux du Louvre. Pour décrire quinze siècles de civilisation arménienne, très marqués par le christianisme (l’Arménie est le premier Etat à en faire sa religion, au IVe siècle), le musée présente également des stèles, des chapiteaux décorés, des vantaux de portes de monastères, des reliquaires en argent et autres objets liturgiques, des manuscrits dans l’alphabet national mis au point au Ve siècle par le moine Mesrop Machtots. A l’intersection, souvent violente, de plusieurs influences – arabe, mongole, perse, turque – le pays connaît son âge d’or du XIIIe au XVe siècle : c’est la Grande Arménie, marquée par la fondation de sanctuaires et de monastères.

  • Armenia Sacra au musée du Louvre, jusqu’au 21 mai

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  • PATRIMOINE

    Mobilisation pour un Poussin

    PARIS – La presse française s’est fait l’écho de la croisade mené par le musée des Beaux-Arts de Lyon, avec le musée du Louvre, pour s’assurer la possession d’un tableau de Poussin de 1657, La Fuite en Egypte. Ce tableau, en mains privées, a été jugé trésor national par l’administration et un certificat de sortie lui a été par conséquent refusé. L’interdiction de sortie vient d’arriver à échéance, à l’issue des 30 mois réglementaires et l’administration est désormais tenue de délivrer son certificat de sortie dans les quatre mois. Ce qui laisse, jusqu’au 11 juin, un délai supplémentaire pour réunir les 15 millions d’euros nécessaires à l’achat…Si une entreprise prenait en charge l’achat de ce Poussin pour le musée de Lyon, elle bénéficierait, selon la loi du 4 janvier 2002, d’une réduction d’impôt sur les sociétés de 90%. Avis aux intéressés : d’autres certificats arriveront à échéance dans les trois mois qui viennent, pour des œuvres moins coûteuses : un Cerf aux abois d’Alexandre-François Desportes (1729) et un meuble de toilette d’Eugène de Beauharnais en acajou, ébène et bronze doré par Biennais (1805-1810).

    Pour connaître la liste des trésors nationaux

    L'ARTISTE DE LA SEMAINE

    Cristina Iglesias : éloge du végétal

    C’est l’artiste du moment à Madrid : elle a en effet signé les portes du nouveau bâtiment du Prado (dessiné par Rafael Moneo), qui sera inauguré au printemps. Ces battants en bronze de plusieurs tonnes portent sur leur surface ses traditionnels motifs d’entrelacs végétaux. Cristina Iglesias (née en 1956) fait en même temps l’objet d’une exposition à la galerie Elba Benítez, qui présente quelques commandes de grandes dimensions qui lui ont été passées dans la dernière décennie. Outre les portes du Prado, une fontaine à Anvers et des projets d’Habitations végétales, les projets incluent ses productions les plus connues, les Corredores ou couloirs composés d’une canopée suspendue au-dessus du visiteur. Canopée transparente, en « dentelle », sur laquelle sont reproduits des textes que la lumière projette en ombre sur le sol. Dans l’actualité Iglesias, qui semble avoir déjà connu tous les honneurs (représentation de l’Espagne à la Biennale de Venise 1993, expositions monographiques au Reina Sofía, aux Guggenheim de Bilbao et New York, à la Whitechapel de Londres), on se doit aussi de mentionner la rétrospective qui ouvre le 10 mars au musée de Grenoble, consacrée à Juan Muñoz. Brutalement décédé en 2001, Muñoz était l’un des enfants terribles de l’art espagnol des années 90, avec Cristina. Il était aussi son époux…

  • Cristina Iglesias à la galerie Elba Benítez, jusqu’à la fin du mois de mars, San Lorenzo 11, Madrid, du mardu au samedi de 11h à 14h et de 16h30 à 20h30, tél. : +34 91 308 04 68

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  • LIVRES

    Désiré Charnay, quand la photo était aventure

    Lorsqu’une exposition invite à voyager, le catalogue est une occasion supplémentaire de s’évader. Surtout lorsqu’il dessine le portrait d’un personnage aventureux, bourlingueur, à la biographie pleine de zones d’ombre comme Désiré Charnay, photographe et explorateur du XIXème siècle. On connaissait un peu (mais beaucoup moins que les Nord-Américains) ses épiques campagnes de prises de vue dans la jungle maya, à l’époque de la redécouverte des grands temples (Palenque, Uxmal, Yaxchilán). Aurait-il rêvé du numérique, lui qui se déplaçait avec ses lourdes plaques au collodion ? Et qui était contraint, si ses bagages n’arrivaient pas, à se fabriquer tout seul du nitrate de cellulose…Dans sa carrière, aussi longue que celle d’un Lalique (voir ci-dessus), il fut enseignant à La Nouvelle-Orléans en 1850, photographe au Yucatán en 1858, à Madagascar en 1863, en Indonésie en 1878, au Yémen en 1896, en Algérie en 1897. Tout cela avant l’invention des low-cost… Et en 1910, à 82 ans, encore conférencier au musée du Trocadéro ! Mêlant reproductions, propos techniques et réflexions sur le voyage (le titre, « le Yucatán est ailleurs », est tiré d’une œuvre de l’artiste Robert Smithson), ce petit catalogue se lit comme un roman d’aventures. Dommage qu’il soit un peu cher…

  • Le Yucatán est ailleurs, expéditions photographiques de Désiré Charnay, musée du Quai Branly/Actes Sud, 2007, ISBN : 2-7427-6527-0, 96 p., 29 €

    En savoir plus sur l'exposition au musée du Quai Branly

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  • BRÈVES

    LONDRES - La maison de ventes Christie's, propriété de François Pinault, vient d'acheter la galerie londonienne d'art contemporain Haunch of Venison. C'est la première fois que l'un des duettistes des ventes publiques prend ainsi position sur le marché "primaire" de l'art contemporain.

    MOSCOU - La seconde biennale d'art contemporain de Moscou se tient du 2 mars au 1er avril, dans une cinquantaine d'espaces culturels de la capitale russe.

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    NEW YORK - Yvon Lambert a inauguré le 24 février le nouveau siège de sa galerie new-yorkaise, à Chelsea, au 550 West 21st Street.

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    PARIS - Le marchand allemand Heinz Berggruen, grand collectionneur de Klee et Picasso, est décédé le 23 février à l'âge de 93 ans. Il laisse un musée à son nom à Berlin.

    La page (en anglais) du musée Berggruen

    TURIN - Une nouvelle forme de commande publique : c'est celle qui a présidé à la création de Totipotent Architecture, devant l'usine Fiat Mirafiori, par Lucy Orta, inaugurée le 3 mars. Parmi les commissaires consultés pour cet assemblage qui évoque les cellules figurent les élèves de deux lycées voisins.

    Lire l'article (en italien) sur exibart.com

    SUR ARTAUJOURDHUI.INFO

    Cette semaine, ne manquez pas

    PRIMITIFS FLAMANDS, les plus beaux diptyques

    ANVERS - Au XVIe siècle, l'avènement de la Réforme fait naître une nouvelle forme de dévotion, plus personnelle, plus intime. C'est à cette époque que se multiplient, pour l'accompagner, les diptyques, compositions religieuses sur deux volets mobiles que l'on pouvait ouvrir ou fermer. Le musée des Beaux-Arts d'Anvers en présente une trentaine, des chefs-d'œuvre reconnus, signés Hugo van der Goes, Gerard David ou Rogier van der Weyden.

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