ArtAujourdhui.Hebdo
N° 119 - du 29 janvier 2009 au 4 février 2009
L'AIR DU TEMPS
Maître Poutine et son chevalet
On connaissait déjà quelques exemples d’hommes politiques artistes. Churchill, peignant de médiocres aquarelles au-dessus de la falaise de Madère, est le plus connu. Il y eut aussi l’Ukrainien Tarass Chevchenko ou David, qui fut député sous la Révolution en même temps que chantre du néo-classicisme. Voici qu’un nouveau membre postule au club. Malgré son emploi du temps chargé, l’ex-président et néo-premier ministre russe Vladimir Poutine, vient de montrer qu’il avait un joli coup de pinceau. En quelques minutes, il a brossé une scène rare : une fenêtre blanchie par le givre et encadrée de jolis rideaux. Cette vigoureuse composition a ému les aparatchiks, qui ont lutté pour se l’approprier lors d’une vente aux enchères (de charité) moscovite. Beaucoup se sont plaint du prix de départ absurdement bas pour un chef-d’œuvre de cette trempe : seulement 5 millions de roubles. Ces experts se sont montrés d’une clairvoyance louable : le 16 janvier 2009, l’huile a effectivement été adjugée 37 millions de roubles (près d’un million d’euros), soit la plus haute enchère de l’année en Europe de l’Est. C’est assurément un signal encourageant pour le marché : l’art russe continue d’être porteur et les oligarques continuent d’investir.
EXPOSITIONS
Palladio and Co
LONDRES – Le destin d’Andrea Palladio (1508-1580) est curieux : il n’a guère quitté sa région natale mais peu d’architectes de son temps ont eu autant d’influence aussi loin et aussi longtemps. Les concepts qu’il a mis au point, notamment sa fameuse fenêtre en plein cintre ou ses villas à portiques et plan centré (la Rotonda), ont été repris en Angleterre (la Burlington House) et aux Etats-Unis (la Maison-Blanche), jusqu’au XVIIIe et XIXe siècle. L’exposition de la Royal Academy, déjà présentée à Vicence, sa ville natale, montre, avec plans, maquettes et tableaux de ses contemporains à l’appui, que son génie n’est pas seul responsable. Palladio a aussi bénéficié de l’engouement de ses pairs, qui ont joué le rôle de passeurs, s’inspirant de ses plans et divulguant son traité, les Quatre Livres de l’Architecture. La cheville ouvrière de ce passage de témoin est le non moins génial Inigo Jones, qui emporta ses dessins en Angleterre au début du XVIIe siècle et fit de Palladio une référence obligée.
Reflets d’Asie dans un œil américain
NEW YORK – On a toujours pensé qu’une relation particulière unissait les Etats-Unis à l’Europe dans le domaine artistique. Peut-être mais elle n’est pas la seule, répondent de façon provocatrice les commissaires de l’exposition-fleuve du Guggenheim : et voici que sont explicités, au moyen de 250 œuvres de 100 artistes, les liens tout aussi particuliers qui ont été tissés entre l’Amérique et l’Asie. Depuis l’intrusion du commodore Perry dans les eaux japonaises en 1853, les exemples abondent, du japonisme de Mary Cassatt et Whistler jusqu’au minimalisme d’Ad Reinhard et à l’art vidéo de Bill Viola, qui incorporent les techniques et les concepts de la méditation orientale. Sans oublier évidemment l’influence que la calligraphie a pu avoir sur la production de Franz Kline, Robert Motherwell ou Sam Francis. A l’heure où la Chine devient le partenaire privilégié de l’Amérique, l’exposition a évidemment une dimension politique…
La remontée des fétiches
PARIS - Enfin, ils sortent des réserves, ces objets qui ont tant fasciné les Européens ! Objets protecteurs, divinatoires ou destructeurs. Objets couverts de clous, ficelés ou résultant d’invraisemblables amalgames de salive, d’ongles, d’œufs et de têtes d’iguane… On veut bien sûr parler des fétiches, qui ont pendant longtemps résumé la religion africaine - forcément primaire - aux yeux des Occidentaux. Le musée du Quai Branly montre ses plus beaux exemplaires, qu’il renforce par des prêts du musée de Tervueren. Le mystère qui en émane (l’élément qui donne la force, poudre ou manuscrit, est généralement caché au cœur de l’objet), leur aspect sculptural, leur façonnage en patchwork ont fasciné les surréalistes. La magie reste entière tant nous avons peu de clés pour les comprendre. Ainsi cet extraordinaire boli du Mali en évolution permanente : une sorte de boule, sans cesse complétée par de nouveaux apports d’os, d’écorces, de sang frais et de noix de cola mâchée. Ou ces sacs divinatoires pleins de pinces de crabe, de coquillages, de cailloux. Ou cette croix algérienne avec une main et des miroirs pour repousser le mauvais œil. C’est une arborescence infinie : 92 fétiches sont présentés, chacun étant un univers en soi, invitant à un patient décryptage…
VENTES
Londres à quitte ou double
LONDRES – Sous quels auspices s’annonce 2009 ? Médiocres ? Mauvais ? Ou très mauvais ? Les grandes ventes londoniennes d’art moderne du début février apporteront un nouvel indice. Une chose est déjà sûre : le nombre de lots a été réduit et les auctioneers tentent de ne proposer que des œuvres indiscutables. En période de crise, c’est une maxime, les chefs-d’œuvre continuent de se vendre. C’est ce qu’essaieront de vérifier Sotheby’s et Christie’s. Chez la première, le 3 février, sont proposés une Scène de rue de 1913 de Kirchner (5-7 millions £) et le dernier bronze en mains privées de Degas sur le thème de la Petite danseuse de quatorze ans, qui fit scandale en 1878-80 (9-12 millions £). Chez Christie’s, le lendemain, la vacation (47 œuvres seulement) est estimée à 60 millions £. Les couturières de Vuillard et L’abandon (les deux amies) de Toulouse-Lautrec en constituent deux points forts (entre 5 et 7 millions £ chacun). Le vrai test concerne un beau Monet de 1876, Dans la prairie, présenté à la troisième exposition impressionniste de 1877. Les organisateurs en attendent 15 millions £.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Fred Kleinberg, Nick Cave, 2007, huile sur toile, 150 x 150 cm, courtesy galerie Polad-Hardouin, Paris.
Fred Kleinberg : rock attitude
Comme tout un chacun, il a taquiné la musique et a été marqué par ces monstres sacrés que sont Tom Waits ou Lou Reed. Passé derrière la toile, fidèle à une représentation figurative, obsédé par le visage (le sien ou celui de l’autre, à Paris, Moscou ou Pondichéry), il était prévisible que Fred Kleinberg (né en 1966) soit de nouveau attiré par ces personnalités cabossées. Les faces burinées – taillées à la serpe, disait-on autrefois – et creusées par les excès lui ont servi de matériau idéal. Travaillées en grande dimension (des carrés de 130 cm de côté), au fusain qui accentue les ombres, les têtes de Nick Cave ou Iggy Pop révèlent une superficie de cernes, rides et crevasses qui en font de véritables paysages.
LIVRES
Cartier-Bresson, maître du Monde
Henri Cartier-Bresson est le premier photographe français à être publié dans Le Monde, le premier à voir un compte-rendu d’exposition accompagné d’une image, le seul à être interviewé deux fois sur trois pages, enfin le seul artiste à se voir accorder la manchette (lors de sa mort, en 2004). Ni Picasso ni Matisse ne bénéficieront de ce traitement. C’est donc bien une relation particulière qui unit le quotidien parisien du soir et Cartier-Bresson, qui aimait à dire « Je suis lecteur du Monde, du New York Times (…) parce qu’ils n’ont pas d’images. Les images, je les trouve moi-même (…) ». Michel Guerrin, actuel responsable des pages Culture, recense les principaux articles qui lui ont été consacrés en plus d’un demi-siècle, de 1955 à 2006. Comprenant notamment l’entretien « historique » d’Yves Bourde en 1974 et les morceaux de bravoure d’Hervé Guibert, ils composent une biographie passionnante et aident à définir le credo d’un homme qui disait : « La peinture est mon obsession ».
BRÈVES
ANGOULÊME – Le 36e festival de la bande dessinée se tient du 29 janvier au 1er février 2009.
BOSTON – L’université Brandeis a annoncé qu’elle allait fermer, pour des raisons budgétaires son musée – le Rose Art Museum, fondé en 1961 - et vendre la totalité de sa collection, qui comprend 8000 pièces, dont des œuvres de De Kooning, Jasper Johns et Matthew Barney.
COPENHAGUE – Dessiné par Jean Nouvel, le nouveau Palais des concerts de la capitale danoise a ouvert le 17 janvier 2009.
LONDRES – La Triennale d’art contemporain de la Tate Modern, dont le commissaire est Nicolas Bourriaud, ouvre le 3 février, sous le titre Altermodern.
LOS ANGELES – Pour le futur musée qu’il entend construire à Malibu, le collectionneur Eli Broad a convoqué cinq architectes : Thom Mayne, Shigeru Ban, Rafael Viñoly et les français Jean Nouvel et Christian de Portzamparc.
PARIS – La ministre de la Culture, Christine Albanel, a annoncé que trois sites avaient été présélectionnés pour le futur centre de réserves, de recherche de restauration et d’études du patrimoine : Cergy-Pontoise, Nanterre et Neuilly-sur-Marne.
PARIS – Hervé Lemoine, auteur du récent rapport sur l’institution d’un musée de l’histoire de France, a été nommé conservateur du musée des Monuments français.
WASHINGTON – Le compositeur et musicien Quincy Jones a lancé une pétition pour la création d’un secrétaire d’Etat à la culture dans l’administration Obama. L’appel a été signé par plus de 200 000 personnes.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
JEAN ACHARD, UN PAYSAGISTE À L'ÉCOUTE DE LA NATURE
GRENOBLE - Le musée Hébert montre le parcours de l'un des grands peintres dauphinois, aussi à l'aise dans le rendu des pics de Belledonne que des sous-bois d'Ile-de-France. Compagnon de route de l'école de Barbizon, Jean Achard (1807-1884) a été une personnalité généreuse marquée par l'idéal saint-simonien.
art.metz 2009 9E FOIRE D’ART DE LA GRANDE RÉGION
METZ - Au cœur d'un bassin de 11 millions d'habitants, à moins d'une demi-heure du Luxembourg et de l'Allemagne, art-metz profite d'une situation géographique enviable. La 9e édition de la foire d'art contemporain est marquée par la création d'un nouvel espace galeries, à la présentation très muséale.