ArtAujourdhui.Hebdo
N° 307 - du 6 juin 2013 au 12 juin 2013
Le MUCEM à Marseille © Lisa Ricciotti
L'AIR DU TEMPS
MUCEM, MUMOK et MAMBO, même combat
MARSEILLE - Le MUCEM ouvre cette semaine. Il bénéficie de l’aura de Marseille capitale européenne de la culture et de la personnalité « larger than life » de son concepteur, Rudy Ricciotti (malencontreusement placé sous contrôle judiciaire en ce moment-clé, pour une affaire de travail au noir sur sa résidence personnelle). Mais qui sait vraiment ce que recouvre cet acronyme étrange ? En dehors des quelques initiés, qui savent qu’il est le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (et héritier des collections du défunt Musée des arts et traditions populaires), le MUCEM rejoint pour les ignorants les files toujours plus garnies des musées-onomatopées, dont les pays du Sud sont particulièrement friands. Le V&A londonien et le MoMA new yorkais avaient la légitimité de l’ancienneté, le MAMBO bolonais a celle de l’humour. Mais que dire des escouades de MALBA, MACBA, MUMO, MUMOK, MART, SMAK, MACRO, MAXXI et autres DIA ? On peut les confondre au mieux avec une danse déhanchée des années cinquante, au pire avec une chaîne de supermarchés ou une marque de canapés design. Allons, un dernier effort ! Quand nous dirons enfin MBA plutôt que de nous contenter d’un plat Musée des Beaux-Arts, nous serons devenus absolument modernes.
• Le MUCEM ouvre le 7 juin 2013.
BIENNALE DE VENISE
Une analyse du Palais encyclopédique
Dépêche numéro 2 de nos correspondants Preston Thayer et Marjorie Och
EXPOSITIONS
Giorgio Morandi, Nature morte, 1936, huile sur toile, 32 x 37 cm, Mamiano di Traversetelo (Parma), Fondazione Magnani Roca
Morandi, leçon de choses
BRUXELLES – C’est l’un des maîtres de la nature morte, notre Chardin du XXe siècle. Giorgio Morandi (1890-1964), discret et casanier, a produit dans son atelier de Bologne d’innombrables bouteilles, pots et carafes qui sont devenus autant d’icônes de la vie silencieuse des choses. Attentif à toutes les avant-gardes qu’il a pu côtoyer (surréalisme, futurisme, peinture métaphysique), Morandi est resté foncièrement indépendant. Défendu par Roberto Longhi, deus ex machina de l’art italien, il remporte le Grand Prix de la Biennale de Venise en 1948 mais n’altère en rien ses habitudes de vieux garçon. Une centaine d’œuvres venues des meilleures collections (notamment Museo Morandi, MART, fondation Magnani Rocca, fondation Longhi, fondation Spadolini) seront confrontées à des interprétations contemporaines de Luc Tuymans et Claudio Parmiggiani.
• Morandi à Bozar du 7 juin au 22 septembre 2013.
Ces expositions ouvrent aussi cette semaine
Photos trafiquées
HOUSTON – Avant Photoshop, on ne retouchait pas les photos. Faux ! La pratique est aussi ancienne que la photographie, et pas seulement pour les besoins des régimes dictatoriaux, comme le prouve abondamment Faking It au Museum of Fine Arts. Du 2 juin au 25 août 2013
Stars d’Albion
LONDRES - Deux peintres britanniques de génération différente, Patrick Caulfield (photo, Portrait of Juan Gris), un contemporain de Hockney, et Gary Hume, membre des très médiatiques Young British Artists, bénéficient d’une rétrospective fouillée à la Tate Britain. Du 5 juin au 1er septembre 2013
Un avant-goût de Looser
ZURICH – La Collection Hubert Looser d’art contemporain, qui doit rejoindre les fonds du musée en 2017, fait l’objet d’une « avant-première » au Kunsthaus (photo : Sans titre XI de Willem de Kooning). Du 7 juin au 8 septembre 2013.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Penone, homme-tronc
C’est l’heure de l’Arte Povera ! Après son copain Pistoletto, célébré au Louvre, c’est au tour de Giuseppe Penone de recevoir un hommage institutionnel de premier ordre : après Murakami ou Koons, il investit le château de Versailles. Sa matière première n’a guère changé avec les années : le bois brut, sous forme de branches ou de troncs entiers, d’éléments de bronze travaillés à la cire perdue, de marbre ou de céramique, qu’il met en scène en galerie, accentuant l’effet de contraste entre nature et artifice, ou à l’extérieur. L’invitation s’inscrit dans le cadre de l’année Le Nôtre, le génial créateur des jardins, qui sera ainsi confronté à un épigone plus jeune de trois siècles…C’est dans les allées du parc et au Bosquet de l’Etoile que seront installées une vingtaine de ses œuvres emblématiques et monumentales.
• Giuseppe Penone au château de Versailles, du 11 juin au 30 octobre 2013.
LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE
VENTES
Très Erté
PARIS - Sa vie est un roman : aristocrate de Saint-Pétersbourg fuyant la Révolution, Romain de Tirtoff (1892-1990) trouve en France son terrain d’élection, y menant une vie créative tous azimuts sous un pseudonyme transparent, Erté (pour ses initiales R.T.). Dessinateur pour le couturier Paul Poiret et pour la revue Harper’s Bazaar, peintre raffiné, il sera même créateur de costumes pour les Folies Bergères. C’est ce dernier avatar qui est au cœur de la vente, qui met en scène un autre personnage tout aussi romanesque. Hélène Martini, née en Pologne, emprisonnée pendant la guerre à Kaliningrad (Koenigsberg), deviendra ensuite, avec son mari, l’énigmatique agent secret syrien Nachat Martini (disparu dès 1960), la reine des cabarets parisiens. Elle en possèdera plus d’une dizaine, comprenant le Sphinx, le Palladium, le Raspoutine et les célèbres Folies Bergères pour lesquelles Erté produira de très nombreux costumes. Trois cents d’entre eux, représentant des princesses, des gigolettes, des voyous, des tentatrices et des danseurs mexciains, sont proposés à partir de 300 € pièce. Deux autres ventes à venir permettront de disperser les quelque mille feuilles de cette collection.
• Collection Hélène Martini, dessins d’Erté le 8 juin 2013 à l’hôtel-Drouot (SVV Bailly Pommery et Voutier)
LIVRES
Le Corbusier, par Le Corbusier
Le premier volume de laCorrespondance de Le Corbusier nous avait déjà désarçonné tant l’auteur semblait éloigné du deus ex machina de l’architecture moderne. Mais il est vrai qu’il était jeune, pas encore quadragénaire, ce qui autorisait une liberté de parole. Pourtant, dans les deux décennies qui suivent, objet du présent tome (1926-1946), Le Corbusier intime reste attachant avec ses lettres détaillées à sa « chère petite maman », où il est question de la mort du chien Pinceau, du jardin « foutu » à cause du gel, des bains pris dans l’Allier. La période de la guerre est évidemment à scruter avec attention, Le Corbusier ayant été accusé d’antisémitisme et de sympathie pour le régime de Pétain. Son installation à Vichy pendant plus d’une année, de fin 1940 à juillet 1942, n’a rien arrangé ! On ne peut pas l’exonérer d’une tentation autoritaire, ou au moins opportuniste, mais il n’est pas aisé de porter un jugement définitif à partir de citations sorties de leur contexte… Il y a deux ans, l’UBS avait retiré Le Corbusier d’une campagne de publicité au vu de propos de ce genre : « Hitler peut couronner sa vie par une œuvre grandiose: l’aménagement de l’Europe » (lettre du 31 octobre 1940). Mais l’année précédente, le même demandait aux siens : « Cet atroce Hitler passerait-il par la Suisse ? » (28 octobre 1939). Un grand écart à l’image de l’homme lui-même, protéiforme, ambitieux, calculateur, fait autant d’ombre que de lumière…
• Le Corbusier, Correspondance, lettres à la famille 1926-1946, éditions Infolio, 2013, 1008 p., 35 €.
BRÈVES
BÂLE – La foire d’art contemporain Volta se tient du 10 au 15 juin 2013.
LODZ – La 12e édition du Fotofestiwal (festival international de photographie) se tient du 6 au 16 juin 2013.
LONDRES – Le Serpentine Pavilion, commande architecturale annuelle dont l’édition 2013 a été confiée au Japonais Sou Fujimoto, est inauguré le 8 juin 2013.
MADRID – Le festival Photo España, créé en 1998, se tient du 5 juin au 28 juillet, avec un programme de 74 expositions présentant 328 artistes différents
PRAGUE – La 6e Biennale d’art contemporain se tient du 6 juin au 15 septembre 2013.
VIENNE – Le Vienna Photobook Festival, consacré au livre de photographie, se tient les 8 et 9 juin 2013.