ArtAujourdhui.Hebdo

N° 320 - du 24 octobre 2013 au 30 octobre 2013

Elad Lassry, Eggs (détail), 2010, photographie, cadre peint, 37x29x4 cm. Collection particulière. Courtesy de l’artiste, Remerciements à 303 Gallery, New York (exposition Cookbook, Palais des Beaux Arts, Paris).

L'AIR DU TEMPS

Quand la cuisine entre au musée

La cuisine est un art : cela fait longtemps que les grands chefs – Fernand Point, Fernand Oliver, Troigros puis, aujourd’hui Bras, Gagnaire, Redzepi ou Blumenthal ont acquis une renommée équivalente à celle des artistes ou des architectes. Les futuristes avaient déjà eu l’idée de banquets thématiques – celui de Turin en 1929 est resté dans les mémoires. Les plats sont aujourd’hui des compositions de couleurs et de formes qui, grâce aux techniques modernes (azote liquide, alginate de sodium), font pâlir la palette des peintres et les reliefs des sculpteurs. Un peu comme il en est advenu avec les auteurs de BD, le temps est donc venu de faire entrer ces créateurs dans l’univers muséal. On avait vu le pape Ferran Adria célébré à la Somerset House de Londres cet été. Voici, à l’Ecole des beaux-arts de Paris, une sélection plus large, comprenant Alleno, Bottura ou Scabin, dont les œuvres sont décortiquées comme le seraient celles de maîtres anciens, à partir d’esquisses et de dessins préparatoires… Des artistes sont également convoqués dont, évidemment, Daniel Spoerri, avec ses reliefs de repas, mais aussi le rare Gianfranco Baruchello. Né en 1924 donc contemporain de Bocuse, à mi-chemin entre le dadaïsme et la performance, il s’interroge sur notre univers alimentaire. Pour allier la pratique à la théorie, on annonce des dîners-expositions…
• Cookbook, l’art et le processus culinaire au Palais des Beaux-Arts, du 18 octobre 2013 au 9 janvier 2014.

EXPOSITIONS

Albrecht Dürer (1471–1528), Portrait d'un inconnu, 1521 (1524?), bois de chêne, 50 x 36 cm, Madrid, Museo Nacional del Prado. © Madrid, Museo Nacional del Prado

Dürer, homme-orchestre

FRANCFORT – Il n’est pas fréquent de voir rassemblées autant d’œuvres (environ 200) d’Albert Dürer, l’un des artistes majeurs de la Renaissance (1471-1528). Certes, beaucoup sont des estampes, genre dans lequel ce fils d’orfèvre excella, ou des dessins, mais on y trouve également une belle sélection de peintures. Pionnier du droit d’auteur et de la vente par correspondance et VRP, favori des princes (l’anecdote est connue de Rodolphe II faisant porter par une compagnie d’hommes à pied la Vierge du Rosaire de Venise à Prague), Dürer fut aussi bien un virtuose du portrait que de l’histoire naturelle (son Lièvre est un best-seller universel), un illustrateur de vitraux aussi bien qu’un écrivain. Les panneaux du célèbre retable Heller sont réunis pour l’occasion tandis que les œuvres de ses contemporains (Lucas de Leyde, Bellini ou Schongauer) aident à mieux comprendre son génie inquiet, qui nous a laissé avec la célèbre Mélancolie un manifeste des névroses occidentales…
• Dürer au Städel Museum, du 23 octobre 2013 au 2 février 2014

Le mythe iroquois

BERLIN – A côté des Apaches, des Sioux et des Cheyennes, les Iroquois du Nord des Etats-Unis et du Canada ont durablement marqué l’imaginaire occidental. Le Martin-Gropius-Bau dédie une grande rétrospective à leur histoire et à leur culture. Du 18 octobre 2013 au 6 janvier 2014.

Pinault-sur-Seine

PARIS – Elle délaisse un moment son sanctuaire vénitien du Palazzo Grassi pour faire escale à la Conciergerie : la Collection Pinault y présente quelques-unes de ses œuvres-phares (Photo : Tetsumi Kudo, Votre Portrait, 1970-75). Du 21 octobre 2013 au 6 janvier 2014.

Passions australiennes

PARIS – La Maison rouge poursuit son exploration des collections particulières à travers le monde. La dernière en date vient des antipodes : c’est celle de David Walsh, fondateur du MONA (Museum of Old and New Art) en Tasmanie, qui fait le grand écart de Marina Abramovic à Felice Varini. Du 19 octobre 2013 au 12 janvier 2014.

Les mille talents de Le Nôtre

VERSAILLES – Concluant la grande année dédiée au 400e anniversaire du célèbre jardinier de Louis XIV, Le Nôtre en perspectives montre toutes les facettes de son génie : paysagiste, hydraulicien mais aussi architecte, dessinateur, collectionneur. Du 22 octobre 2013 au 23 février 2013.

FOIRES

Andreas Bowers, courtesy Kaufmann-Repetto

FIAC, la quarantaine rugissante

PARIS – Comme les hirondelles, chaque année elle revient, plus belle et plus forte que jamais nous dit-on. La FIAC, après un passage à vide, fête donc sa belle quarantaine avec 184 galeries provenant de 25 pays. La France, pays hôte, devance, avec 55 galeries, les Etats-Unis (33 galeries) et l’Allemagne (22 galeries). L’attaque étant la meilleure défense, la FIAC a progressivement annexé de nouveaux espaces dans le cadre d’une programmation hors les murs, du Jardin des Plantes à la Cour carrée du Louvre, des Berges de Seine Rive gauche jusqu’au parvis du Petit Palais (qui accueillera une sculpture monumentale de Dubuffet). Se voulant, comme l’univers, en expansion continue, la FIAC suscite également des nocturnes dans des galeries parisiennes non participantes (24 octobre), a concocté un riche programme de performances et inventé des espaces inédits : les films d’artistes seront projetés dans une salle toute particulière – un container de 14 places posé dans le Jardin des Tuileries…
• FIAC, du 24 au 27 octobre 2013.

VENTES

Lot 3 : Apollinaire, De Chirico, Calligrammes, Paris, Gallimard. Estimation : 25 000 / 35 000 €

Souvenirs d’un bactériologiste bibliophile

Né en 1916 à Chicago dans une famille originaire d’Europe centrale, Sam Berkman, une fois diplômé en bactériologie, fonda BioScience Laboratories, devenu un des principaux laboratoires d’analyses médicales aux Etats-Unis. A la cinquantaine, son industrie bien assise, il se prit de passion pour la bibliophilie, mettant sur pied en trois décennies une superbe collection, dont les plus beaux fleurons proviennent d’autres vacations mémorables (comme celle de J.R. Abbey à Londres en 1970). Deux ans après la mort de Berkman, ce florilège de l’édition européenne passe sous le feu des enchères. Parmi ses pièces marquantes, la première édition des Calligrammes d’Apollinaire illustrés par De Chirico et reliés par Bonet (25 000 €) ou le célébrissime Jazz de Matisse publié par Tériade en 1947 (80 000 €). On trouvera à des prix bien plus abordables (quelques centaines d’euros) des éditions de qualité en tirage limité : Duthuit illustré par Masson, Duhamel par Vlaminck, ou Giono par Kisling.
• Bibliothèque Sam Berkman et les Kahnweiler d’une collection anglaise à l’hôtel du Louvre (Paris) le 25 octobre 2013.

LIVRES

Dentelles de papier

« Cinq siècles d’histoire » dit le sous-titre : et c’est effectivement du début XVIe siècle que datent les premiers canivets conservés, des papiers découpés à l’aide de « canifs » très aiguisés, d’où leur nom. L’ouvrage dresse un panorama exhaustif de ce genre mineur mais fascinant par sa minutie, qui a aussi bien occupé des nonnes espagnoles que des bourgeoises amstellodamoises ou des bergers suisses. Beaucoup de ces œuvres sont demeurées anonymes mais quelques noms ont survécu comme celui de Jean Huber (1721-1786), fondateur de l’école suisse, ou Johann Hauswirth, créateur d’un motif classique, la montée à l’alpage. Prières, vœux de bonheur, lettres d’amour et mêmes bulletins scolaires ont donné lieu à des exercices virtuoses. Ce n’est pas la moindre surprise que de voir la vitalité actuelle du genre, représentée par des artistes comme Werner Gunterswiler, Heinz Pfister ou Regina Martin.
• L’art du papier découpé par Felicitas Oehler, Ides et Calendes, 2013, 254 p., 29 €

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