ArtAujourdhui.Hebdo

N° 325 - du 28 novembre 2013 au 4 décembre 2013

Joseph Mallord William Turner, La Bataille de Trafalgar, oil on canvas, 261.5x368.5 cm. National Maritime Museum, Greenwich, London.

L'AIR DU TEMPS

Turner, prince de la mer

LONDRES (Greenwich) – La légende dit que, comme Ulysse, il se fit attacher au mât d’un navire. Non pour résister aux appels des sirènes mais pour pouvoir observer une tempête de près… L’anecdote, apocryphe ou pas, ne fait que confirmer le rapport étroit entre Turner (1775-1851) et la mer. Le peintre anglais en a fait le sujet principal de la moitié de ses toiles, passant de marines classiques à des évocation pré-impressionnistes. C’est donc peu dire que cette rétrospective était attendue, aussi bien par les loups de mer que par les esthètes en chambre. Elle réunit des pièces venues de loin, comme ces Baleiniers du Metropolitan Museum de New York ou ce Naufrage d’un navire de transport de la fondation Calouste Gulbenkian à Lisbonne. Pour les visiteurs, ce sera aussi l’occasion de voir sur place l’un de ses chefs-d’œuvre, l’évocation de la bataille de Trafalgar, un tableau de près de 4 mètres, la seule commande royale reçue pendant sa carrière et qui fut âprement critiquée, pour son manque de véracité, par ceux qui vécurent l’événement…
• Turner and the Sea au National Maritime Museum, du 22 novembre 2013 au 21 avril 2014.

EXPOSITIONS

Ateliers grand-ducaux, Melchisedech et le candélabre devant le Temple, XVIIe siècle, mosaïque de pierres dures © Florence, Museo dell` Opificio delle Pietre Dure.

Dix siècles de Florence

BONN - Le Louvre met actuellement Florence à l'honneur, sur une période très particulière, les débuts de la Renaissance. La Bundeskunsthalle porte son regard sur la même ville mais élargit la vision. Comment Florence s'est-elle imposée au Moyen Age et comment a-t-elle continué à vivre après une floraison aussi extraordinaire ? Si le baroque n'y a guère eu de prise en architecture, le maniérisme a marqué les peintres d'une ville qui s'est inventé, pour freiner son déclin, un rôle de «gardienne du goût», avec la fondation de plusieurs académies. Florence a connu un regain de gloire au XIXe siècle quand elle est brièvement devenue capitale de l'Italie unie, avant Rome et qu'elle a vu se développer un mouvement artistique novateur, celui des Macchiaioli. Rassemblant aussi bien des chefs-d'œuvre universels (dont, selon l'Unesco, Florence possède la plus grande concentration au monde) que des objets d'art décoratif (les mosaïques de pierres dures, les marbres ruiniformes ou pietre paesine), les commissaires entendent relever la gageure de ce panorama démesuré grâce à des prêts de 70 institutions différentes, dont 45 de Toscane, En complément, l'exposition Villa Romana raconte l'histoire d'une «Villa Médicis» allemande, fondée par Max Klinger en 1905 et qui continue depuis plus d'un siècle d'accueillir des artistes contemporains.
• Florence ! à la Bundeskunsthalle, du 22 novembre 2013 au 9 mars 2014.

Ces expositions ouvrent aussi cette semaine…

Pirandello, le fils

AGRIGENTE - Moins connu que son écrivain de père, Fausto Pirandello (1899-1975), a eu une carrière de peintre exigeant, à la pâte rugueuse… Les Fabbriche Chiaromontane ont réuni une soixantaine de tableaux réalisés pendant les années de guerre (1939-45). Ill. Al mare, 1945, huile sur toile). Du 23 novembre 2013 au 23 février 2014.

Fragonard outre Rhin

KARLSRUHE - A la Kunsthalle, Fragonard, poésie et passion est l'une des premières expositions d'envergure consacrées en Allemagne au maître français. Du 30 novembre 2013 au 23 février 2014.

Cartier, marqueur de goût

PARIS - C'est l'un des joailliers les plus connus du monde mais c'est également un patrimoine séculaire dans le domaine des arts décoratifs. La saga de Cartier est exposée au Grand Palais. Du 4 décembre 2013 au 16 février 2014.

VENTES

Aristide Maillol, Dina sur la rivière, pastel, fusain et craie sur papier d'emballage, 1938, 83x128 cm. Estimation : 250 000 à 350 000 €. Courtesy Artcurial.

Les formes de Dina

PARIS - Sa vie est un roman. Dina Vierny (1919-2009), née en Bessarabie, transplantée à Paris dans les remous des années trente, devient, à quinze ans, le modèle préféré de Maillol, qui prévoit un pupitre spécial pour que la collégienne puisse continuer à étudier pendant les temps de pose… Sa beauté solaire inspire au vénérable sculpteur, qui a soixante de plus qu’elle, des dessins, des huiles et des sculptures pleines de sensualité. Par son intermédiaire, Dina Vierny sera aussi une muse pour Matisse, Derain ou Bonnard. Résistante, aidant des républicains espagnols à se réfugier en France, elle deviendra galeriste dans l’après-guerre. Faisant découvrir de nouveaux artistes du bloc de l’Est, elle couronnera par l’inauguration de la fondation Maillol sept décennies d’engagement artistique. C’est dans le cadre de sa succession que sont proposés cette petite dizaine de lots : outre la Liberté de Bulatov, des dessins de Matisse, Dufy, avec Maillol en invité d’honneur. Une épreuve de sa fameuse Rivière, nymphe en bronze, est estimée 2 millions €. Dans la même vente, sans lien avec ce fonds Maillol, on observera le destin du célèbre Pont de l'Europe de Caillebotte (estimé 3 millions €).
• De la collection Dina Vierny le 2 décembre 2013 chez Artcurial.

L'ARTISTE DE LA SEMAINE

Stefan Sagmeister, le design du bonheur

Il y a deux ans, on avait pu s'initier aux Arts décoratifs à l'univers de ce créateur inclassable, né à Vienne en 1962 mais actif à New York depuis deux décennies. Inclassable car a priori designer mais tout autant publicitaire, typographe, musicien, artisan, dessinateur… et adepte du contre-pied permanent. Il refusa ainsi de réaliser une affiche pour la campagne d'Obama en 2007 (une commande que maint créateur aurait appelé de ses vœux) car elle coïncidait avec l'année sabbatique qu'il avait décidé de s'octroyer tout les sept ans. Connu pour ses pochettes de disques (Lou Reed), pour son livre à roulettes BMW, pour les logos évolutifs de Levi's à New York ou de la Casa da Musica à Porto, Stefan Sagmeister revient à Paris pour une expérience particulière : définir, mesurer et, si possible, accroître le bonheur des visiteurs de sa nouvelle exposition. Croisant les genres, de la musique au sport, des statistiques à la danse, celle-ci est présentée comme il se doit dans un lieu transdisciplinaire.
•Stefan Sagmeister, The Happy Show à la Gaîté lyrique, du 28 novembre 2013 au 9 mars 2014.

LIVRES

Top 200

Face au foisonnement de l’art contemporain, on a la tentation, comme autrefois au collège, de se référer à des précis, des manuels, des vademecums. Quel rapport Pierre Huygue entretient-il avec l’esthétique «relationnelle» ? Quelle différence entre Roni Horn et Rebecca Horn ? Où Gustav Melgzer, auteur du Symposium sur la destruction puise-t-il justement son énergie destructrice ? Comment se situent Julie Mehretu et Wangechi Mutu, l’une d’origine éthiopienne, l’autre kenyane, dans la nouvelle mouvance africaine ? Ce volume se propose de recenser de façon simplifiée deux cents créateurs actuels (une acception prise au sens large puisque l’on y croise aussi bien Jonas Mekas, né en 1922, que Jonathan Meese, né en 1970, ou des artistes décédés comme Eva Hesse ou Louise Bourgeois). On passera sur la terminologie irritante («artiste de renom», «artiste important», «artiste pionnier», «figure majeure») pour retenir des résumés plutôt efficaces et qui présentent l’intérêt de commenter deux ou trois œuvres précises plutôt que de discourir dans le vide.
• Le grand livre de l’art contemporain. 200 artistes expliqués, par Charlotte Bonham Carter, Eyrolles, 2013, 256 p., 29,90 €

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