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N° 343 - du 17 avril 2014 au 23 avril 2014

L'AIR DU TEMPS

Comment le vieux Matisse réinventa la couleur

LONDRES - Alité, diminué, Matisse est-il fini ? Non ! En 1947, dans son lit de douleur, il découpe des papiers de couleur et demande à l’infirmière de les coller au mur. Il met ainsi au point une nouvelle technique qui va l’occuper durant ses dernières années. A vrai dire, comme le montre la grande exposition de la Tate Modern, la limite n’est pas aussi claire : Matisse a mené ses premières expérimentations en la matière dès les années 1930, et l’on connaît de superbes huiles tardives, des fenêtres ouvertes sur des jardins éblouissants. Cependant, de 1947 à sa mort, en 1954, les papiers découpés sont bien son mode opératoire principal. Le célèbre Escargot, acheté par la Tate en 1962, est évidemment là, mais il est accompagné de près de 120 autres œuvres : les dessins originaux du livre d’artiste Jazz, les quatre célébrissimes Nus bleus, exceptionnellement réunis, les couvertures de la revue « Verve » publiée par Tériade, la Gerbe et la gigantesque Grande décoration aux masques (1953), prêtée par la National Gallery de Washington – 10 mètres de long ! Quelques mois avant de disparaître, Matisse était plus ambitieux que jamais…
Henri Matisse, the Cut-Outs à la Tate Modern, du 17 avril au 7 septembre 2014.

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EXPOSITIONS


Louis Julien Aulnette du Vautenete (1786–1863), Le Retour du pèlerin, 1818, huile sur toile, 46,7x 38,5 cm. Rennes, musée des Beaux-Arts. Cliché © RMN-Grand Palais / Louis Deschamps

Troubadour, mon amour

LYON et BOURG-EN-BRESSE – Au début du XIXe siècle, on commence à s’intéresser à une période jusque-là méprisée, le Moyen Age. Comment représenter ses événements et surtout, son décor ? C’est la question que se pose une nouvelle école de peinture, stimulée par la production éditoriale d’Horace Walpole, Walter Scott et autres Mary Shelley. Lyon se montre particulièrement dynamique en la matière, donnant naissance au style « troubadour », qui restitue l’ambiance des siècles anciens, de ses gentes dames et tournois chevaleresques, avec un grand luxe de détail (donjons et salles de garde, tentures et mobilier, étoffes et habits, etc.), pas toujours véridiques. Cachés par Ingres, ses représentants les plus notoires comme Pierre Révoil (1776-1842) ou Fleury Richard (1777-1852), sont bien oubliés aujourd’hui. Ils connaissent une salutaire exhumation en deux lieux différents, qui mènent depuis quarante ans une véritable politique d’enrichissement de leurs collections. La dimension internationale n’est pas négligée tant le genre a connu une ramification européenne, avec Leighton, Palagi, Rosales et leur acolytes, qui produisirent à tour de bras des Dürer au balcon de sa maison à Nuremberg, François Ier visitant l’atelier de Benvenuto Cellini et autre Démence de Jeanne de Castille

L’invention du passé, histoires de cœur et d’épée en Europe, 1802-1850 au musée des Beaux-Arts de Lyon, du 19 avril au 29 juillet 2014.

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L’invention du passé, gothique mon amour, 1802-1830 au monastère royal de Brou, du 19 avril au 21 septembre 2014.

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Mapplethorpe face à Rodin

PARIS - Une même fascination pour le corps, un même goût pour briser les conventions. Le rapprochement inattendu entre les statues de Rodin et les photographies de Mapplethorpe se fait en sept sections, entre Mouvement et Damnation.
Mapplethorpe-Rodin au musée Rodin, du 8 avril au 21 septembre 2014.

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La Palatine de Florence

FLORENCE - Avant de devenir par son mariage Electrice Palatine, Anne-Marie-Louise (1667-1743) fut une Médicis, élevée dans la capitale toscane. Son souvenir est cultivé avec ferveur dans cette exposition et, d'une façon plus générale, par les défenseurs du patrimoine. C'est en effet elle qui, par un pacte de famille avec la dynastie régnante de Lorraine, obtint que les chefs-d'œuvre du grand-duché soient inaliénables et ne quittent jamais Florence.
Arte e politica au Museo delle Cappelle Medicee, du 8 avril au 2 novembre 2014.

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Dix, guerre à la guerre

DRESDE - La Guerre, un grand triptyque de 4 mètres de long, est l'une des œuvres majeures d'Otto Dix, qui connut le premier conflit mondial dans sa chair et en fit un thème obsessionnel, parfois longtemps après (en l'occurrence entre 1929 et 1932). Il est présenté avec des études préparatoires et les 50 gravures de la série du même nom, achevées plus tôt, en 1924.
Otto Dix, Der Krieg au Staatliche Kunstsammlungen, du 5 avril au 13 juillet 2014.

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VENTES

Passions russes

PARIS - Quand un slaviste meurt, c’est une bibliothèque qui disparaît… On pourrait détourner la formule célèbre appliquée aux érudits d’Afrique. En passant sous le marteau, le fonds de José Johannet (1924-2013), élève de Pierre Pascal et l’un des premiers agrégés de France, intéressera les russophiles – qu’ils soient tsaristes ou trotskistes… Les uns privilégieront la Bibliothèque antique russe de Nicolas Novikoff (1775), les autres une rare plaquette consacrée par Trotski en 1918 à l’organisation de l’Armée rouge (500 €). La diversité des intérêts de Johannet se lit dans le contenu de sa bibliothèque, où voisinaient une édition originale (1855) des Ames mortes de Gogol, la Description géographique complète de notre patrie, publiée en 11 volumes entre 1899 et 1914 (500 €) et ces nombreuses éditions publiées en Allemagne au début des années vingt, de Pouchkine à Léon Chestov. On y trouve aussi des revues d’avant-garde comme Lef (« Gauche »), dirigée par Maïakovski et dont les couvertures étaient dessinées par Rodtchenko. L’historique numéro 1 de 1924, passé sous les fourches caudines de la censure, qui en expurgea l’éditorial « Ne faites pas commerce de Lénine », justifié par la mort récente du dirigeant bolchevik, est une pièce rare (1000 €).
Bibliothèque russe à l’hôtel Drouot le 23 avril 2014 (Tajan).

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L'ARTISTE DE LA SEMAINE

Mirza fait chanter la Villa Savoye

Faire vivre les monuments historiques avec la création contemporaine, c’est un souci légitime… et qui ne concerne pas que les abbayes médiévales. La preuve avec la Villa Savoye, véritable manifeste édifié par Le Corbusier entre 1928 et 1931. Située à Poissy en banlieue parisienne, elle fut à deux doigts d’être démolie dans les années soixante. Sauvée et en cours de restauration, elle accueille le Britannique Haroon Mirza (né en 1977, Lion d’argent à la Biennale de Venise 2011), qui lui donne un environnement sonore. Comme dans les flûtes d’Erik Samakh, c’est la lumière qui nourrit les synthétiseurs et produit une mélodie aléatoire. L’originalité de la démarche de l’artiste, financée par le Lab’bel du groupe Bel, tient aussi à sa façon d’apprécier l’espace : c’est les yeux bandés, en aveugle, qu’il a, à chacun de ses passages, choisi d’aborder les lieux…
Haroon Mirza, the Light Hours à la Villa Savoye, du 3 avril au 29 juin 2014.

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LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE

LIVRES

L’Europe des carnavals

Héritier du défunt musée des Arts et Traditions populaires, qui a marqué une étape importante dans la muséographie du XXe siècle, le Mucem se doit d’honorer sa mémoire. Quelques mois après son inauguration, il le fait avec une exposition qui radiographie la persistance des pratiques carnavalesques à travers le monde. Ce qui était autrefois rituel très codifié, que la religion cherchait à arracher au paganisme, est généralement devenu un folklore dont on a perdu les clés de compréhension… sauf quand il est devenu politique. Les effigies de Sarkozy, de militaires nazis (lors d’une édition contestée du carnaval d’Alost en Belgique en 2013) ou le char des « emprunts grecs » au carnaval de Nice sont immédiatement identifiables. Ils ont plus d’une fois substitué les ours, diables ou « conards » de Rouen, figures de la transgression, qui symbolisaient des rituels d’initiation. D’Israël en Lituanie, de Sardaigne en Iran, le panorama est très large et abondamment illustré.
Le monde à l’envers, Mucem/Flammarion, 2014, 336 p., 39,90 €.

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