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N° 365 - du 13 novembre 2014 au 19 novembre 2014


Hengameh Golestan, Sans titre de la "Kurdish series", 1979, tirage numérique sur papier Hahnemühle. © L'artiste et Silk Road Gallery (Paris Photo).

L'AIR DU TEMPS

Spécial photo : Paris centre du monde ?

Impossible d’établir une statistique fiable sur le nombre de photographies prises chaque année dans le monde. Selon Yahoo! et d’autres experts, on approcherait de mille milliards. Un grand bond en avant depuis que les appareils argentiques ont été détrônés par de nouveaux instruments numériques, téléphones portables et tablettes, aux capacités de stockage illimitées. Il y a vingt ans encore, on économisait sa pellicule de 36 poses et l’on n’aurait pas imaginé la gaspiller en « selfies ». L’abondance n’améliore pas la qualité – c’est un axiome avéré depuis longtemps – mais il faut reconnaître que la photographie est entrée de manière insistante dans notre vie quotidienne. D’où le succès croissant de manifestations comme les pionnières Rencontres d’Arles, le salon Paris Photo (dont la 18e édition ouvre ce 13 novembre), et la multiplication d’expositions et de livres de photographie. En ce traditionnel Mois de la Photo (un novembre parisien sur deux), l’agenda est pléthorique - le catalogue remplit un gros volume chez Actes Sud. Et l’on peut être sûr que chaque tirage exposé sera rephotographié dix ou cent fois, alimentant la folle multiplication. Pourtant, à une époque où tout le monde sait faire une photo, il n’est pas sûr que l’on sache aussi bien voir, ou regarder, qu’autrefois. « L’œil écoute », disait Claudel. Une maxime à méditer… et à pratiquer.

Le programme du Mois de la Photo

EXPOSITIONS


Roman Vishniac, Jeunes sionistes bâtissant une école et une fonderie tout en se formant aux techniques de construction, Wieringermeer, Pays-Bas, 1939 © Mara Vishniac Kohn, courtesy International Center of Photography 

Vishniac, travail de mémoire

PARIS - Son nom est devenu synonyme d’une vie juive disparue d’Europe centrale, en Pologne, en Hongrie, en Roumanie, dans la mystérieuse Ruthénie subcarpatique. Roman Vishniac (1897-1990), juif russe, a documenté les derniers moments de ces communautés pour le Jewish Joint Distribution Committee. Interné en 1939 en France au camp du Ruchard, il réussit finalement à la fin 1940 à atteindre les Etats-Unis, où il essaiera en vain d’attirer l’attention sur le génocide en cours. Ses images emblématiques – des ghettos de Lodz aux écoles talmudiques de Sata Mare - sont présentes dans l’exposition, qui ne s’y limite cependant pas. Car Vishniac a aussi produit des clichés plus optimistes - les rues de Berlin dans les années vingt, les camps d’entraînement aux Pays-Bas des pionniers juifs en route pour la Palestine, les clubs de jazz new-yorkais des années quarante, foyers de la lutte contre la ségrégation. Jusqu’à ses étonnantes images scientifiques de microbes, bactéries et micro-organismes, qui deviendront son activité principale – peut-être pour garder foi en la vie après avoir assisté à l’indicible…
Roman Vishniac, de Berlin à New York, 1925-1975, au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, du 17 septembre 2014 au 25 janvier 2015.

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Renée Jacobi, vers 1930. Épreuve gélatino-argentique, tirage d’époque. Centre Pompidou, musée national d’art moderne, Paris © Centre Pompidou, MNAM / CCI, Dist. RMN-GP

Boiffard, étrange surréaliste

PARIS – Le Centre Pompidou vient d’inaugurer sa Galerie de photographie. Non pas qu’il ait négligé d’en exposer jusqu’à présent mais ses nombreux tirages étaient montrés avec les peintures et sculptures, dans une approche pluridisciplinaire. Cet espace additionnel de 200 mètres carrés, qui présentera trois expositions par an, est étrenné avec l’énigmatique Boiffard (1902-1961), maître surréaliste, qui fournit les images du Nadja d’André Breton. Mais pas seulement : il collabora à des photomontages avec Eli Lotar et Jean Painlevé, laissa nombre de portraits de ses amis Prévert, Bataille, de beaux nus de sa compagne René Jacobi et une curieuse Géopsychologie de Paris, entre un voyage autour du monde en voilier et un doctorat en médecine… Devenu radiologue, Boiffard décéda d’un cancer du poumon. On attendait depuis sa mort l’indispensable rétrospective…
Jacques-André Boiffard au Centre Pompidou, du 5 novembre 2014 au 2 février 2015.

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Le Rijksmuseum infidèle aux maîtres anciens

AMSTERDAM – Le Rijksmuseum est connu pour ses Rembrandt et ses Vermeer, moins pour sa collection de photographies. Il en possède pourtant 130 000 dont 20 000 accumulées depuis une vingtaine d’années, qui portent sur le XXe siècle. Alors qu’il a récemment adopté une attitude révolutionnaire (laissant libres de droits toutes les reproductions de ses tableaux de maîtres anciens), il propose dans son aile Philips rénovée une sélection de 400 pièces, des avant-gardes parisiennes (Brassaï, Man Ray) jusqu’aux créateurs contemporains.
Modern Times, photographie du XXe siècle au Rijksmuseum, du 1er novembre 2014 au 11 janvier 2015.

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Steichen, le style Vogue

LONDRES – Edward Steichen (1879-1973) est notamment connu pour l’exposition mémorable qu’il produisit en 1955, The Family of Man. D’abord présentée au MoMA, elle a ensuite tourné dans le monde entier. Au cours de sa longue carrière, Steichen a été un portraitiste de talent mais a aussi brillé dans la mode. C’est ce pan de son activité qu’explore l’exposition : une quinzaine d’années (1923-37) où, en tant que photographe en chef chez Condé Nast (éditeur de Vogue et de Vanity Fair), il aida à définir les canons de la photo de mode.
Steichen, the Condé Nast Years à la Photographers Gallery, du 31 octobre 2014 au 18 janvier 2015.

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A VOIR AUSSI DANS LE CADRE DU MOIS DE LA PHOTO

Carlos Cruz-Diez, patriarche de l’art cinétique, dévoile à 92 ans un pan inédit de son œuvre : ses photographies. Un parcours de plus d’un demi-siècle, depuis les fêtes religieuses de son Vénézuela natal jusqu’aux portraits de ses compagnons artistes de Paris (Soto ou Tinguely). A la Maison de l’Amérique latine, du 5 novembre 2014 au 31 janvier 2015.

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• Virtuose du noir et blanc, Michael Kenna donne sa vision d’un Paris onirique et crépusculaire, dans lequel ponts, marronniers et monuments émergent d’une lumière ouatée. Au Musée Carnavalet, du 28 octobre 2014 au 1er février 2015.

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• Rendue célèbre par ses images de femmes nues dans un étang, la Finlandaise Tuija Lindström, installée depuis longtemps en Suède, explore aussi les thèmes du paysage ou de la nature morte. Cette exposition montre son travail des années 1980. A l’Institut suédois, du 14 novembre 2014 au 18 janvier 2015.

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Regards croisés montre les rapports étroits entretenus entre le théâtre et la photographie depuis l’invention de cette dernière. Outre des images d’acteurs célèbres d’il y a cent ans (dont Sarah Bernhardt), est montrée un bel ensemble réalisé par Agnès Varda au Festival d’Avignon en 1954-55, avec Gérard Philipe, Daniel Sorano et Philippe Noiret en gros plan… A la Maison de Victor Hugo, du 6 novembre 2014 au 1er mars 2015.

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Roger Ballen, connu pour ses poignantes images documentaires sur l’Afrique du Sud où il vit depuis trente ans, propose dans sa plus récente série Asylum of the birds un étrange univers, d’esprit surréaliste, ou hommes et oiseaux cohabitent. A la galerie Karsten Greve, du 8 novembre 2014 au 3 janvier 2015.

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• La photographe japonaise Yuriko Takagi pénètre dans l’intimité des fleurs, en noir et blanc. Comme Weston ou Blossfeldt avant elle, elle y trouve des formes surprenantes et parfois de troublantes analogies avec le corps humain. A la galerie Lazarew, du 14 novembre au 20 décembre 2014.

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• Si elle est surtout connue pour ses images de flamenco et de corrida, Isabel Muñoz a bien d’autres cordes à son arc, des maras d’Amérique centrale aux derviches tourneurs. Adepte de techniques exigeantes (travail aux sels de platine et de fer), elle présente un ensemble sur une Méditerranée minérale. A l’Institut Cervantes, du 14 novembre 2014 au 17 janvier 2015.

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• C’est le grand retour des anonymes : les Photos trouvées, dans le cas présent réalisées au XXe siècle, passionnent de plus en plus les amateurs. Magie du genre : on ne connaît ni les auteurs ni les personnages mais on est touché par les scènes et les atmosphères… A la Maison de la photographie Robert Doisneau (Gentilly), du 24 octobre 2014 au 25 janvier 2015.

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• Le salon Fotofever se tient du 14 au 16 novembre 2014 au Carrousel du Louvre.

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• Le salon Photo Off se tient du 13 au 16 novembre 2014 à la Bellevilloise.

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VENTES

Man Ray tous azimuts

PARIS – En 1995, une grande vente Man Ray (1890-1976) avait été orchestrée par la succession de l’artiste. Près de vingt ans plus tard, Sotheby’s remet le couvert avec une autre série d’œuvres provenant de son atelier : 300 lots comprenant évidemment des photographies mais pas seulement. On verra aussi des dessins (notamment des portraits de sa femme Juliet ou des shadow drawings au fusain), des tableaux et des objets surréalistes (fer à repasser creux, presse-papier phallique, etc.), son Portrait imaginaire du marquis de Sade ou un projet de pochette pour les Rolling Stones. En 2012, la cote de Man Ray avait bondi à 660 000 euros avec un portrait solarisé de Meret Oppenheim datant de 1929. Rien de tel n’est attendu pour cette session et c’est même une huile (Much Ado About Nothing) qui pourrait faire la plus belle enchère (estimée 60 000 euros).
Man Ray chez Sotheby’s le 15 novembre 2014.

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LIVRES

La patte Paris Match

« Le poids des mots » mais surtout le « choc des photos ». On connaît la célèbre formule de Paris Match, à laquelle le magazine fait honneur depuis plus de soixante ans. Guerres, catastrophes et love stories ont orné les couvertures de ses quelque 3000 livraisons. Puisant dans des archives abondantes, ces deux volumes présentent un aperçu du volet « art », ouvert dès le premier numéro du 23 mars 1949 avec un reportage chez Raoul Dufy. Voici Matisse peignant avec une perche depuis son lit, Salvador Dalí dans une mise en scène surréaliste au bord de la mer, Balthus à 90 ans (lorsqu’il autorise pour la première fois l’entrée d’un photographe !). Mais aussi Derain et Vlaminck se retrouvant après 40 ans de brouille, Poliakoff sortant de sa Rolls, Van Dongen avec Bardot, Chagall sous le plafond de l’Opéra, Bernard Buffet dans un bric-à-brac de libellules géantes. Certains portraits ont fait date, d’autres, sortis des cartons, semblent presque inédits. On regrettera que les noms des photographes ne soient qu’imparfaitement mentionnés…
Portraits d’artistes, coffret de 2 volumes (Dans l’intimité des peintres ; Les écrivains, portraits intimes) publiés séparément en 2011 et 2012, Glénat, 2014, 416 p., 45 €.

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LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE


MATTHEW BRANDT - Woodblocks

15 novembre 2014 - PARIS - Galerie Praz-Delavallade

Ou comment transposer sur bois les empreintes digitales de grands artistes…

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