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N° 366 - du 20 novembre 2014 au 26 novembre 2014


Cité Miroir, Liège © Dominique Houcmant - Goldo

L'AIR DU TEMPS

Lettre de Liège : bienvenue à la piscine

On connaissait déjà une superbe piscine Art déco transformée en musée : celle de Roubaix, qui a intelligemment conservé son nom, donc son histoire. En voici une deuxième à inscrire sur la liste : celle de Liège. Un peu plus tardive, elle symbolise cet esprit de résistance liégeois (qui fit rebaptiser par les Français de 14, reconnaissants de l’héroïsme local qui ralentit les troupes du Kaiser, le « café viennois » en « café liégeois »). Elle fut en effet imaginée en 1936 par l’échevin Georges Truffaut (1901-1942), qui devait s’illustrer pendant les combats. Inaugurée en 1939 (avec un abri anti-aérien), ayant reçu des millions d’usagers dont l’enfant du pays Simenon, désaffectée en 2000, elle est alors menacée de démolition. Sauvée par l’action d’une association, Les Territoires de la Mémoire, dont la pétition recueille 200 000 signatures, soit l’équivalent de la population de la ville, elle est restaurée de manière sobre pour un budget de 20 millions d’euros. Après l’inauguration de janvier 2014, sa première exposition (voir ci-dessous) porte pertinemment sur un épisode noir de l’année 1939.
• Les anciens Bains et Thermes de la Sauvenière, de l’architecte Georges Dedoyard, ont été rebaptisés La Cité Miroir.

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EXPOSITIONS


Paul Gauguin, Le sorcier d'Hiva Oa ou Le Marquisien à la cape rouge, 1902 © © Musée des Beaux-Arts de Liège (Bal) © Ville de Liège.

Quand Hitler vendait l’art dégénéré

LIÈGE – C’est une enquête de plus d’une décennie qu’a menée l’historien de l’art Jean-Patrick Duchesne pour reconstituer une unique vente aux enchères, qui se tint au Grand Hôtel de Lucerne, en Suisse, le 30 juin 1939. Elle n’avait rien d’anodin : les dirigeants nazis, après avoir expurgé leurs musées de l’art « dégénéré » et allumé un gigantesque autodafé (dans la caserne des pompiers de Berlin, en mars 1939), voulurent explorer une nouvelle voie. Cette peinture honnie ne pourrait-elle rapporter des devises et financer l’effort de guerre ? Les 125 œuvres sélectionnées (provenant toutes de musées et non de spoliations) présentaient un éventail large des refusés, comme une histoire de l’art en creux : Gauguin, Van Gogh, Chagall, Ensor, Marie Laurencin, Picasso, Kokoschka. Juifs, fous, homosexuels, décadents, dévergondés, féministes… Informé de la vente, un érudit local, Jules Bosmant, futur directeur du musée des Beaux-Arts, se démène pour rassembler 5 millions de francs belges. Ils permettront à la ville d’acheter neuf chefs-d’œuvre, le plus convoité, un Van Gogh, leur étant raflé sous le nez par le Fogg Art Museum d’Harvard. Dans une mise en scène mêlant ombre et lumière, ces neuf chefs-d’œuvre (dont La Famille Soler de Picasso) sont accompagnés de 17 autres toiles et sculptures adjugés à la même vente et dispersés dans d’autres collections. à travers le monde.
L’art dégénéré selon Hitler, la vente de Lucerne, 1939 à la Cité Miroir, du 17 octobre 2014 au 29 mars 2015.
• Le catalogue (Collections historiques de l’Université de Liège, 232 p.) recense les 125 œuvres de la vente et leur destin individuel.

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Paul Signac, Le Château de Comblat, collection du BAL © Ville de Liège.

Paris au mois d’août

LIÈGE – Soucieux de ne pas favoriser la spéculation, ce qui aurait fait les affaires du Reich et légitimé sa politique, les acheteurs de la vente de Lucerne décidèrent tacitement de ne pas pousser les enchères. A la fin de la journée, la délégation liégeoise, bien que nantie de neuf œuvres majeures, se trouva encore en possession d’un beau magot : moins de 20% des 5 millions avaient été dépensés ! Une partie du solde fut employé lors d’une visite par les échevins Buisseret, Gilbart et Ochs aux galeristes et artistes parisiens. Ils en revinrent avec neuf autres toiles de valeur dont un Nu de Signac, une Violoniste de Kees van Dongen ou encore ces Coquillages d’Ensor. Il restait encore de l’argent à dépenser ! Mais on était le 1er août 1939… Un mois plus tard, Hitler envahissait la Pologne.
Les achats de Paris au musée des Beaux-Arts de Liège, du 17 octobre 2014 au 29 mars 2015.

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Figure de proue, XIXe siècle, bois, nacre, 20 x 8,7 x 12,2 cm. © Musée du quai Branly, photo Claude Germain.

Lointaines Salomon

PARIS – Lorsqu’un navigateur espagnol du XVIe siècle, Alvaro de Mendaña, y fut ébloui par l’éclat d’énormes pépites d’or, il eut la certitude d’avoir trouvé le royaume de Salomon. Il ne s’agissait que de pyrite mais ce lointain archipel d’Océanie trouva définitivement son nom… Bien qu’il ait une certaine importance dans l’imaginaire collectif français puisque c’est là que disparut La Pérouse en 1785, cette poussière d’îles aux quatre-vingts langues est mal connue. Comment l’esprit des ancêtres, véhicule du pouvoir ou « mana », s’incarne-t-il dans les objets rituels (reliquaires, pectoraux) ? Comment s’échange la monnaie (objets complexes en plumes et écaille de tortue) ? Quelle est l’importance de la mer, qui donne naissance à des pirogues et figures de proue finement sculptées ? Quelques prêts internationaux et, surtout, la riche collection du musée (donation Roland Bonaparte, fonds de la célèbre expédition de la Korrigane en 1934-36, etc.) permettent de répondre à ces questions.
L’éclat des ombres, l’art en noir et blanc des îles Salomon au musée du quai Branly, du 18 novembre 2014 au 1er février 2015.

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VENTES


Lot n° 81, Restif de la Bretonne, La Découverte australe Par un Homme-volant, ou Le Dédale français Nouvelle très-philosophique: Suivie de la Lettre d'un Singe, &ca. Leipzig, Et se trouve à Paris, s.d. [1781]. Estimation : 800-1000 €.

La passion Carrière

PARIS - Scénariste pour des films mémorables de Buñuel (Le charme discret de la bourgeoisie), de Schlöndorff (Le Tambour), de Deray (La Piscine), romancier, grand voyageur : Jean-Claude Carrière (né en 1931) est tout cela à la fois. Ses goûts se reflètent-ils dans sa bibliothèque ? Les enchères à records ne sont pas toujours aussi intéressantes que celles qui reflètent le jardin secret d’un homme cultivé… Les 307 lots, tous assez accessibles (sauf une édition de 1888 des Illuminations de Rimbaud, estimée 6000 €) démontrent une curiosité tous azimuts. A côté des mazarinades burlesques de 1649, cette inventive poésie bouffonne de la Fronde (600 €), ou d’une édition de 1792 du Libertin de qualité de Mirabeau, voisinent les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné, les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola (en italien), du Quevedo (en espagnol) et de belles éditions d’Alfred Jarry. Un vrai guide pratique à la constitution d’une bibliothèqu de caractère.
Bibliothèque Jean-Claude Carrière le 21 novembre 2014 à l’hôtel Drouot (SVV Binoche Giquello).

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LIVRES

Le monde selon Spies

Il a traversé ce dernier demi-siècle en faisant une infinité de rencontres. Celles de Picasso (dont il rédigea le catalogue raisonné de la sculpture) et de Max Ernst (dont il est l’un des spécialistes) sont les plus connues. Mais Werner Spies, qui fut directeur du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou, et à qui l’on doit la fameuse exposition « Paris-Berlin » en 1978, en a bien d’autres à son actif, comme il l’explique dans ces abondantes mémoires. Et pas seulement dans le domaine de l’art. Le natif de Tübingen (en 1937) a aussi bien fréquenté Audiberti et Samuel Beckett que Jérôme Lindon (des Editions de Minuit), Rossellini ou Peter Handke. Un who’s who emblématique d’une Europe ouverte et cosmopolite – que le retour des nationalismes est susceptible de mettre à mal.
Les chances de ma vie. Mémoires par Werner Spies, Gallimard, 2014, 624 p. 25 €.

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LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE

EN BREF

BÂLE - La Basel Ancient Art Fair, spécialisée en art antique, se tient du 21 au 26 novembre 2014.

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BERLIN – Le gouvernement allemand a annoncé le 14 novembre 2014 avoir débloqué 200 millions € pour la construction d’un nouveau musée d’art moderne, programmé pour 2021.

Le site de la Fondation du patrimoine culturel prussien

CAMBRIDGE (États-Unis) - Réunis sous un même toit de verre et d'acier dessiné par Renzo Piano, les trois musées de l'université de Harvard (Fogg Museum, Arthur M. Sackler et Busch-Reisinger) ont rouvert le 17 novembre 2014.

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PARIS – Le prix d’architecture de l’Equerre d’argent a été attribué le 17 novembre 2014 à la Cité des métiers Hermès, à Pantin, dessinée par l’agence RDAI.

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PARIS – Le musée des Lettres et Manuscrits, suspecté d’escroquerie en bande organisée, a fait l’objet le 18 novembre 2014 d’une perquisition par la Brigade de répression de la délinquance financière.

L’article dans Le Point