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N° 455 - du 22 décembre 2016 au 11 janvier 2017

Ceci est le dernier numéro de 2016. Notre prochain numéro paraîtra le 12 janvier 2017. JOYEUX NOËL !


Vincenzo Foppa, Le jeune Cicéron lisant, vers 1464, fresque marouflée sur toile, 101,6 x 143,7 cm, Wallace Collection, Londres.

L'AIR DU TEMPS

Des livres sous le sapin

Les fêtes ? C'est l'occasion de se retrouver, de célébrer, de manger et de boire, mais aussi de lire. La lecture, c’est la vie ! Une gymnastique intellectuelle qui complète celle du corps, comme le prônait Addison. Voici une sélection de beaux livres parus dans le dernier semestre. Suivant une tendance qui se confirme depuis des années, les catalogues s'octroient la part du lion. De Russie en Italie, de Vienne jusqu'au Caire, voici quelques chemins buissonniers et cosmopolites - un terme peu dans le goût du temps mais qui nous reste cher - à emprunter à l'heure où le froid nous saisit...

DÉCOUVERTE

Le Caire, nid de surréalistes

Qu’il y eût un surréalisme français, belge ou hongrois, on le savait. Mais égyptien ? A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Le Caire bruit d’audaces étonnantes. On y promeut un « art dégénéré », on y fait des performances de danse du ventre avec masques à gaz, on y produit une peinture cousine de celle de Dalí ou Ernst, on y expérimente des surimpressions photographiques que ne désavouerait pas Man Ray. Le catalogue passe en revue cette diversité (présentée au Centre Pompidou jusqu’au 16 janvier, avant d’émigrer à la Tate Liverpool), menée par un groupe Art et Liberté où trempent des personnalités de premier plan comme les écrivains Georges Henein, Edmond Jabès, Albert Cossery. On a le sentiment de découvrir un continent naufragé : pas seulement parce que le nu et le sacrilège y avaient un droit de cité bien oublié, mais parce que le cosmopolitisme qui y régnait avait quelque chose d’insensé. Parmi les participants à cette frénésie créatrice, se trouvaient en effet la belle Lee Miller, mariée à un riche homme d’affaires cairote ; l’Arménienne Ida Kar, élevée entre la Russie, l’Iran et la France avant de devenir l’épouse du poète anglais Victor Musgrave ; Eric de Némès, illustrateur hongrois passé par Beyrouth ; ou Angelo de Riz, anarchiste italien, qui quitta son pays et finit décorateur de salles de bal et de cinéma, dont le Rivoli. De ces deux derniers météores, on ne connaît ni la date de naissance ni les circonstances de la mort. Ce qui nous les rend encore plus romanesques. Dieu, loin de la Seine, que la périphérie égyptienne du surréalisme était jolie !
Art et liberté. Rupture, guerre et surréalisme en Egypte 1938-1948, sous la direction de Sam Bardaouil et Till Fellrath, 2016, Skira/Centre Pompidou, 256 p., 35 €.

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ART MODERNE

Chez Chtchoukine

Des années qu’on l’attendait même si l’événement semblait hypothétique : la grande collection d’art moderne constituée au début du XXe siècle par l’industriel russe Chtchoukine (né en 1854, mort en exil en 1936 à Paris) est reconstituée à la Fondation Louis Vuitton. Le catalogue décrit le personnage, les origines de sa passion qui lui valut les sarcasmes de ses contemporains et l’admiration de ses pairs - dès 1910, le palais Troubestskoï est ouvert à la visite. Mais il va plus loin : favorisé par son grand format à l’italienne, il nous fait pénétrer dans l’intimité de ce Moscou avant-gardiste de 1900. Salle par salle, on découvre l’accrochage de la collection, restitué par des photographies anciennes : le cabinet Cézanne, le cabinet Picasso, l’ancienne chapelle (avec Guillaumin et Whistler), le salon de musique (avec Monet et Maurice Denis), la salle à manger (avec des Gauguin et une tapisserie de Burne-Jones) et, évidemment, le salon rose où abondaient les Matisse. Sur une photo, on voit même des indications à l’encre noire : elles proviennent du peintre lui-même qui indiquait où il aurait voulu voir accrochées les toiles peintes à Tanger en 1912. La preuve d’une entente rare entre le commanditaire et son artiste préféré…
Icônes de l’art moderne. La collection Chtchoukine, sous la direction d’Anne Baldassari, Gallimard, 2016, 478 p., 49,90 €.

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DESSIN

Zadkine, crayons de guerre

Il se présente comme un solide pavé, relié en carton fort, avec des pages doublées. Un objet étonnant, un livre blindé, comme pour protéger un contenu fragile. Ce qui est le cas : il contient les trente-deux dessins de guerre réalisés par Zadkine en 1916 dans des conditions acrobatiques, sur des papiers de fortune, au fusain, à l’encre, au crayon. A partir de ce premier jet en couleur, l’artiste, réformé en 1917, produira dans son atelier de la rue Rousselet (il ne s’installera rue d’Assas, devenu son musée, qu’en 1928) un portfolio d’eaux-fortes. L’idée était de retransmettre la tragédie et l’ennui du front de Champagne où il était brancardier auprès des troupes russes - blessés sur des civières, hôpitaux, joueurs d’échecs - mais tout autant de remédier à son « manque absolu de pécule ». Des cinquante cahiers du départ, il n’en reste que quatre, dont celui entré au musée Zadkine en 1993, et l’artiste ne s’est pas enrichi avec cette opération. Mais, exposés pour la première fois dans leur ensemble (jusqu’au 5 février 2017), ils ont aujourd’hui une valeur inestimable, comparable à l’œuvre parallèle de Léger.
Des(t)ins de guerre, par Véronique Koehler, Paris Musées, 2016, 196 p., 35 €.

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ARTS GRAPHIQUES

Vienne 1900, vive la gravure !

« A la Taschen », le livre mesure 38 centimètres de long et pèse plus de 3 kg. Il demande presque un lutrin pour pouvoir être consulté aisément. Accompagnant une exposition itinérante (d’abord au Schirn Francfort puis à l’Albertina de Vienne jusqu’au 22 janvier 2017), il montre une étonnante tentative de démocratisation de l’art par le biais d’une technique ancienne, la gravure sur bois. Ses interprètes sont les créateurs les plus avant-gardistes de la Vienne 1900, un âge d’or qui continue de nourrir une nostalgie tenace. Travaillant pour la mythique revue Ver Sacrum, pour des éditeurs de cartes postales, de calendriers ou des brochures publicitaires, croquant l’agitation urbaine, l’intimité bourgeoise ou la vie animale, ces artistes qui revendiquaient une dimension artisanale sont restés pour la plupart peu connus. Une enfant qui dort, une carpe qui nage, un tram qui passe… A côté de Koloman Moser (l’un des fondateurs des fameux Wiener Werkstätte), bien d’autres artistes méritent de sortir d’un semi-oubli : Ditha Moser (première femme de Kooman), Karl Otto Czeschka, Emil Orlik, Carl Anton Reichel, Franz Karl Delavilla, Franz von Zülow…
Art for All, sous la direction de Tobias G. Natter, Max Hollein, Klaus Albrecht-Schröder, Taschen, 2016, 414 p., 49, 90 €.

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BOTANIQUE

Voyage autour de la plante

Certains artistes sont parvenus à un degré d’excellence dans la restitution des merveilles végétales. On pense en premier lieu aux photographies de Karl Blossfeldt, aux dessins de fleurs de Joris Hoefnagel mais aussi de Dürer ou Léonard de Vinci (qui croqua, entre autres, quelques anémones), aux papiers peints de William Morris. Le livre, sous une couverture séduisante, emmène dans un voyage au long de plusieurs siècles, où l’on croise des enlumineurs arabes (Abu Ja’far al-Qhafiqi), des radiologues américains (Dain Tasker et ses clichés de roses en 1935), des peintres baroques (les extraordinaires planches à l’huile de Girolamo Pini, datées de 1615 et conservées aux arts décoratifs à Paris), et même l’herbier de la poétesse Emily Dickinson. Les époques les plus récentes sont d’une variété remarquable : à côté des curieux essais de Marc Quinn (pétales en bronze peint), des étonnantes images de cannabis au microscope à balayage électronique, on voit que la technique ancestrale ne s’est pas perdue : Rachel Pedder-Smith, au cours de centaines d’heures à Kew Gardens, a produit en 2006-2009 de minutieuses miniatures que n’aurait pas reniées un maître persan…
Végétal, Phaidon, 2016, 352 p., 49,95 €.

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ART NOUVEAU

Liberty, une histoire italienne

Le liberty ? La déclinaison italienne de l'Art nouveau, qui s'est incarnée aussi bien en peinture que dans des architectures épiques, comme dans les thermes de Salsomaggiore. Accompagnant une exposition rétrospective dans le cadre du palais Magnani de Reggio Emilia (jusqu’au 14 février 2017), le catalogue montre l'extrême diversité des productions réunies sous ce vocable. A côté de la grande peinture décorative dont beaucoup de témoignages ont disparu (café Gambrinus à Milan, café Faraglia à Rome mais il reste l’hôtel Villa Igea à Palerme), les arts décoratifs y tiennent une place non négligeable. L’idée d’une maison-œuvre d’art totale guide des architectes comme Basile et d’Aronco et alimente l’inspiration de maîtres-verriers (Galileo Chini), de céramistes (Valerio Bertelli et sa marquise Casati à tête de Méduse), de sculpteurs. Les femmes nues sont légion, souvent vénéneuses comme dans la production picturale de Lorenzo Viani ou Camillo Innocenti. Le panorama, qui consacre aussi une large place aux aspects graphiques : le cinéma, la publicité, l’édition se sont largement nourries aux sources du Liberty, des pastilles Panerai de Livourne jusqu’aux couvertures des drames de Gabriele D’Annunzio.
Liberty in Italia (en italien), sous la direction de Francesco Parisi et Anna Villari, 2016, Silvana Editoriale, 304 p., 34 €.

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