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N° 469 - du 13 avril 2017 au 19 avril 2017


Joan Mitchell, Ladybug, 1957, huile sur toile, 197,9 x 274 cm. The Museum of Modern Art, New York. Achat, 1961. © Estate of Joan Mitchell.

L'AIR DU TEMPS

Mesdames, avez-vous l’esprit abstrait ?

NEW YORK - Quand on pense à l’art abstrait, une ribambelle de noms viennent à l’esprit : Kandinsky, Malevitch, les cubistes, dont Picasso, Braque et Gris, puis Mondrian, les expressionnistes abstraits avec Pollock, Rothko, de Kooning, éventuellement les Japonais de Gutai ou Soulages… De tous les pays, certes, mais pas de tous les sexes : comme souvent dans l’histoire de l’art, les femmes ont la portion congrue. Elles ont pourtant apporté leur part à l’édifice, mais, hormis Natalia Gontcharova, Vieira da Silva ou Joan Mitchell, elles souffrent de ce qu’on l’on qualifie pudiquement d’un « déficit de notoriété ». Le MoMA, qui aime de temps en temps jouer les iconoclastes (récemment, en accrochant les artistes des pays musulmans bannis par l’administration Trump), ouvre le dossier avec un titre transparent (« Making Space », c’est-à-dire « Faire de la place »). Les 100 œuvres d’une quarantaine d’artistes, créées entre la fin de la guerre et les années soixante, proviennent entièrement de la collection du MoMA, et beaucoup ont été acquises récemment - histoire de remettre les pendules à l’heure ! A côté des locales Lee Bontecou ou Lee Krasner, on y voit une belle représentation venue d’au-delà des frontières des Etats-Unis, avec Lygia Pape (Brésil), Magdalena Abakanowicz (Pologne), Carol Rama (Italie), Louise Bourgeois (d’origine française), Louise Nevelson (d’origine ukrainienne) ou Agnes Martin (d’origine canadienne). Une véritable internationale !
Making Space: Women Artists and Postwar Abstraction au MoMA, du 15 avril au 13 août 2017.

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EXPOSITIONS


William Strang, Femme au chapeau rouge, 1918, 102,9x77,5 cm. Glasgow Museums (dépôt de Glasgow Life).

Et les queer, alors ?

LONDRES - La Tate Britain n’est pas en reste, qui présente une exposition assez audacieuse sur l’art queer (homosexuel, transgenre, etc.) en Grande-Bretagne, en remontant assez loin dans le temps. A l’heure où certains Etats américains (la Caroline du Nord) se disputent sur l’accessibilité des toilettes pour les transgenres, voilà qui est encourageant. Dommage qu’on ne puisse bientôt plus compter ces excentriques Anglais dans notre Union européenne, une perte que l’on mettra longtemps à mesurer… C’est pour fêter le 50e anniversaire de la dépénalisation partielle de l’homosexualité masculine en Grande-Bretagne que l’exposition est proposée. On se rappelle la peine infamante qui fut infligée en 1899 à Oscar Wilde pour ce qui était alors un crime : déchirer dans la geôle de Reading de l’étoupe avec ses mains délicates tout en étant interdit de lecture et d’écriture pendant deux ans (la porte de sa cellule est exposée). On conçoit que la représentation d’amours illicites de la part des artistes était un acte de courage : la sélection, qui remonte au XIXe siècle, comprend Aubrey Beardsley, Duncan Grant, Oliver Messel, Edward Burra, Angus McBean…
Queer British Art à la Tate Britain, du 5 avril au 1er octobre 2017.

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Maria Sibylla Merian, Banane, extrait de Metamorphosis insectorum Surinamensium, Amsterdam 1705, Landesbibliothek zu Dresden, Leipzig, Frankfurt a.M., © bpk / Staatsbibliothek zu Berlin / Ruth Schacht.

Merian, femme fleur

BERLIN - Sur le thème de la sous-représentation des femmes dans l’art, qui motivait il y a quelques années les Guerrilla Girls à des interventions coup de poing, on peut toujours alléguer des exceptions marquantes. Outre l’inévitable Artemisia Gentileschi, qui n’aurait pas imaginé ce rôle de faire-valoir, Rosalba Carriera ou Mme Vigée-Lebrun, on peut compter Sibylla Merian (1647-1713) parmi les pionnières de l’égalité des sexes. Elle brilla au XVIIe siècle dans un domaine quasi scientifique, l’illustration botanique et naturaliste. Esprit indépendant, elle divorça (en 1692, à 45 ans) et entreprit à près de 55 ans un voyage aventureux au Surinam d’où elle tira une abondante moisson, notamment dans le règne multicolore des insectes. L’exposition fait (re)découvrir une autre géante de la discipline, Barbara Regina Dietzsch (1706-1783) dont les images minutieuses resplendissent sur papier noir.
Maria Sibylla Merian and the Tradition of Flower Illustration au Kupferstichkabinett, du 7 avril au 2 juillet 2017.

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Baiser, bacio, beso, kiss…

CALAIS - Avec la libéralisation des mœurs, la dépénalisation de l’homosexualité et de l’adultère, la représentation d’actes amoureux, et notamment du baiser, a-t-elle parallèlement connu une explosion quantitative ? Probablement, même si certaines des images les plus emblématiques ont été produites à des époques a priori prudes : c’est le cas du Baiser de Rodin (1887), qui sert de point de départ à l’exposition. Celle-ci retrace ensuite un bon siècle d’émois à fleur de lèvres, jusqu’à Ange Leccia et Douglas Gordon.
Le baiser dans l’art au musée des Beaux-Arts, du 8 avril au 17 septembre 2017.

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L’ARTISTE DE LA SEMAINE


Rosa Barba, Stage Archive, 2011, film 35mm, perpex, lampes néon, moteurs. Vue de l'installation au Mart, Rovereto 2011, © Rosa Barba.

Rosa Barba : l’écho des archives

Cela fait longtemps que les femmes artistes ne sont plus une curiosité. Trois cents ans après Sibylla Merian, Rosa Barba (née en 1972) n’est pas aussi isolée dans un monde masculin. Elle partage avec son illustre prédécesseur une double culture (allemande-hollandaise pour Merian, allemande-italienne pour elle), qui enrichit le regard. Le sien explore une thématique vieille comme le monde, mais renouvelée par les nouvelles techniques de stockage et la dématérialisation : l’archive. Usant de préférence le medium de la vidéo, prenant appui sur des sites concrets - paysages américains ou port de Rotterdam - elle pose la question de notre intervention sur le monde et de la conservation de nos traces.
• Rosa Barba est exposée à Secession (Vienne) du 6 avril au 25 juin 2017.

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LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE


MAUVAIS OEIL

18 avril 2017 - MARSEILLE - Friche la Belle de Mai

Nemoto Takashi (photo) et Ebisu Yoshikazu sont deux créateurs de manga qui ont conservé une approche underground et volontiers subversive

Notre sélection de nouvelles expositions

LIVRES

Topor revient

Vingt ans déjà qu’il est mort ! Mais comme d’autres trublions disparus trop tôt (Reiser), il semble encore présent et sa causticité continue de nous chatouiller, semblant toujours aussi subversive. Roland Topor (1938-1997), fils d’émigrés juifs polonais, a gardé des années de la collaboration (où il doit se cacher avec sa famille) une saine méfiance envers le genre humain. Comme dessinateur, il l’exerce à bonne école (Hara-Kiri) mais ce n’est pas dans l’actualité qu’il trouvera sa voie. Son œuvre, cruelle, surréaliste, onirique et surtout « panique » (selon le terme inventé par Jean-Michel Ribes) montre l’absurdité de l’existence. Les hommes, blessés, déformés, lubriques, en petits morceaux, y sont les misérables jouets de la destinée. Ce beau catalogue (exposition à la BNF jusqu’au 16 juillet 2017) malheureusement dépourvu d’un index rappelle qu’il a aussi touché au théâtre, au cinéma (la Planète sauvage avec René Laloux), ou simplement à la littérature et qu’il concevait la création comme une entreprise d’amitié collective. La liste de ses complices - de Pol Bury à Jacques Sternberg, de Jodorowsky à Ribes - en fait foi.
Le monde selon Topor, BnF Editions/les Cahiers dessinés, 2017, 242 p., 42 €.

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