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N° 480 - du 29 juin 2017 au 5 juillet 2017


El Greco, Immaculée Conception de la chapelle Oballe, 1608-1613, détail (ange), Musée de Santa Cruz, Tolède © Parroquia de San Nicolás, Tolède © David Blázquez.

L'AIR DU TEMPS

Savons-nous encore regarder ? La leçon du Greco

SÈTE - Claudel disait : « L’œil écoute ». A l’époque, l'œil était entraîné, fortifié par la disette, la frugalité. Il n’avait guère que le spectacle du monde en direct à s’offrir. Aujourd’hui, notre malheureux appendice oculaire est submergé par l’image, fixe mais surtout mobile, souvent différée ou virtuelle. Risquons un mauvais jeu de mots : il ne sait plus où donner de la tête. Le spectacle est devenu banal de foules suréquipées d’instruments électroniques, parcourant les salles des musées au pas de charge, photographiant chaque tableau et son cartel. Regarder ? Pas le temps ! On fera le tri plus tard après avoir tout déchargé sur les réseaux sociaux ! C’est en partant de ce constat - nous savons encore voir mais plus regarder - que le musée Paul Valéry propose une expérience intéressante. On y a installé un grand retable du Greco, originaire de l’ancienne chapelle Oballe à Tolède (aujourd’hui au musée de Santa Cruz), et disposé à ses pieds un arsenal de canapés immaculés. L’exercice auquel est convié le visiteur ? S’asseoir et lever les yeux… Distinguer les personnages, la Vierge en pleine assomption, les anges musiciens aux ailes énormes, les couleurs - roses et bleus acides - le profil de Tolède, un miroir, un puits, la lune, la colombe du Saint-Esprit… On peut s’en contenter ou, après s’être rassasié, passer dans les cabinets suivants où sont explicités l’iconographie, les circonstances de la création, la redécouverte du Greco, son influence sur les peintres modernes (Picasso, Kokoschka, etc.). Gide disait que l’art naît de contrainte et meurt de liberté. On peut en dire autant de notre regard qui s’est un peu trop émancipé. Il fait bon le rappeler à l’ordre, lui imposer quelque pénitence. C’est pour son bien : en cette époque de culte du corps, ne mérite-t-il pas aussi de se muscler ?
El Greco, l’Immaculée Conception de la chapelle Oballe au musée Paul Valéry, du 24 juin au 1er octobre 2017.

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EXPOSITIONS


David Hockney, A Bigger Splash, 1967, acrylique sur toile, 242,50 x 243.90 x 3 cm © David Hockney Collection Tate, London

Hockney, l’expérimentation permanente

PARIS - Un artiste qui s’est beaucoup interrogé sur notre façon de regarder est le Britannique David Hockney, ce qui l’a par exemple amené à reconstituer les camere oscure avec lesquelles travaillaient les maîtres anciens. Lui-même est à sa manière victime de notre persistance rétinienne collective : il sera pour toujours le VRP des piscines californiennes. Son fameux Bigger Splash est bien là, jaillissement d’écume dans un bleu sans nuages, face à un plongeoir encore oscillant. Sauf que Hockney a peint cette toile en 1967, il y a un demi-siècle, et que le récent octogénaire a emprunté bien d’autres chemins pour interroger notre façon de représenter la réalité. Des compositions abstraites et collages des débuts (dont un bel autoportrait) aux œuvres créées à la photocopieuse, au fax, à la vidéo ou à l’iPad, des petits formats aux gigantesques paysages (Bigger Trees, assemblage de 50 toiles, mesure 12 mètres de long), Hockney en vient dans ses dernières toiles à remettre en cause notre confortable perspective euclidienne pour une version « inversée ».
David Hockney, une rétrospective au Centre Pompidou, du 21 juin au 23 octobre 2017.

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William Henry Hunt, Le Meunier dans son moulin, 1824, encre et aquarelle, musées de Birmingham.

Hunt, une Angleterre évanouie

LONDRES - Passionné de campagne, on le surnommait « Nid d’oiseau » (Bird’s Nest). Quasi contemporain de Constable et Turner, William Henry Hunt (1790-1864) a laissé un portrait idéal de l’Angleterre victorienne côté champs, avec ses gentlemen-farmers et ses petits métiers ruraux, au moyen de l’aquarelle, dont il fut un véritable virtuose. L’exposition en propose une petite sélection, en attendant une véritable rétrospective de son abondante production.
William Henry Hunt: Country People à la Courtauld Gallery, du 24 juin au 17 septembre 2017.

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La grandeur de Venise

MADRID - Venise marche toujours ! Avec Titien, Véronèse et Tintoret, elle a trio de choc dont le succès ne se dément pas. Cette nouvelle présentation des classiques, auxquels se joignent Bellini, Giorgione, Lotto ou la famille Bassano, explore les thématiques du paysage ou du portrait féminin. Pour donner un tour plus palpitant à la présentation de ces chefs-d’œuvre, le sous-titre au ton dramatique - Naissance de la beauté et destruction de la peinture - n’évoque pas de quelconques vandales mais cette dissolution de la touche qui préfigure les impressionnistes.
Renacimiento en Venecia au musée Thyssen-Bornemisza, du 20 juin au 24 septembre 2017.

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Marie-Thérèse, une esthète

VIENNE - Mère de Marie-Antoinette, impératrice éclairée, Marie-Thérèse est née il y a 300 ans. Dans le cadre de cet anniversaire, cette exposition rappelle ses goûts esthétiques, plus avancés que sa politique conservatrice. En 1777, elle rendit le palais du Belvedere, où elle avait installé la collection royale, accessible à tous. Favorisant la pratique du portrait, elle s’intéressa de près à la porcelaine et à la sculpture, faisant par exemple exécuter par Moll son tombeau dans la Crypte impériale. C’est l’occasion de redécouvrir nombre d’artistes de l’époque, doués mais guère passés à la postérité, de Karl Josef Aigen à Franz Anton Zauner.
Maria Theresa and the Arts au Belvedere, du 30 juin au 5 novembre 2017.

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LIVRES

Radiographie de l'expressionnisme

Dans la grande litanie des « ismes », l’expressionnisme occupe une bonne place. Mais que recouvre-t-il exactement ? Comme le rappelle cette somme dont la manipulation demande des poignets solides, il fut un temps où l’on mettait Matisse et les fauves sous le vocable d’expressionnisme français. Aujourd’hui, le terme est à peu près monopolisé par la matrice germano-autrichienne (à laquelle s’est greffée, après guerre, l’expressionnisme abstrait américain de Pollock, dont l’auteur évalue d’ailleurs le degré de parenté). Ce sont ces paysages aux couleurs soutenues, discordantes (des chevaux bleus !), ces portraits cernés de grosses lignes noires, cette ambiance générale de liberté primitive. Les deux moments fondateurs sont replacés dans leur contexte européen : Die Brücke (né en 1905 à Dresde, à l’instigation de Kirchner et trois amis, mais ainsi nommé seulement après sa disparition en 1914) et Der Blaue Reiter (fondé en 1911 à Munich avec Kandinsky et Marc en fers de lance). L’expressionnisme aurait pu s’étioler doucement dans une Europe paisible, mais il va se régénérer à deux sources monstrueuses : la guerre et la métropole. En sortira un autre filon, féroce, sanglant, tragique, celui de Grosz, Meidner, Dix, Beckmann, que les nazis s’empresseront de cataloguer comme « dégénéré » mais qui assoira encore plus solidement la postérité du mouvement dans l’histoire de l’art.
L’Expressionnisme, par Itzhak Goldberg, Citadelles & Mazenod, 2017, 400 p., 189 €.

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LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE


CAROLYN CARLSON - Writings on paper

1er juillet 2017 - ROUBAIX - La Piscine

Un autre talent de la célèbre chorégraphe : ses innombrables dessins sur papier

Notre sélection de nouvelles expositions

EN BREF

ARLES - Les Rencontres internationales de la photographie ouvrent le 3 juillet 2017.

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NANTES - La manifestation culturelle Le Voyage à Nantes débute le 1er juillet 2017.

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