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N° 489 - du 26 octobre 2017 au 1 novembre 2017


Mata Hari. Courtesy Fries Museum, Leeuwarden.

L'AIR DU TEMPS

Mata Hari, l’espionne qui venait de la mer du Nord

LEEUWARDEN - Son nom est immensément connu et son destin parmi les plus romanesques dans un univers, celui des espions, qui n’en est pourtant pas avare. Mais d’où vient donc cette femme arrêtée dans les salons cossus de l’Elysées Palace et fusillée le 15 octobre 1917 à Vincennes pour intelligence avec l’ennemi ? Son nom sonne japonais, ses exploits de danseuse orientale lui confèrent un pedigree indien ou javanais, sa vie conjugale a des relents écossais (elle fut mariée à un MacLeod). En réalité, Mata Hari était simplement hollandaise : sa ville natale sera, avec Malte, capitale européenne de la Culture 2018. On ne prononcera pas mieux Leeuwarden mais on saura définitivement que cette petite ville de la Frise, là-haut, face aux vents sourds de la mer du Nord, fut son berceau. Mata Hari y naquit en 1879 en tant que Margaretha Zelle, fille d’un chapelier. Une exposition, dans le joli Fries Museum inauguré il y a deux ans, réveille le mythe. Difficile de démêler le vrai du faux chez celle qui eut d’innombrables liaisons (dont une avec Céline à Londres, dit-on), qui fascina le sévère Emile Guimet, fondateur du musée du même nom (qui lui permit de s’y donner en spectacles très osés) et qui fut incarnée, pour immortaliser encore davantage son destin, par Greta Garbo… Des photographies, des cartes de visite des Rothschild ou de la princesse de Croÿ, ses carnets intimes, des lettres (notamment à sa fille, répondant à l’étonnant nom de Non), l’annonce d’un spectacle dénudé au Palazzo Barberini, les minutes de l’interrogatoire par le capitaine Bouchardon ou sa condamnation à mort par le conseil de guerre : le dossier réuni est copieux. Pas sûr qu’il nous en dise plus sur sa culpabilité. Au fond, qui en a cure ?
Mata Hari, the Myth and the Maiden au Fries Museum, du 14 octobre 2017 au 2 avril 2018.

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• Voir, sur le site du musée, l’excellent blog de la journaliste Hanneke Boonstra.

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• Nous apprenons parallèlement l’ouverture prochaine d’un musée de l’espionnage à New York, dessiné par l’architecte David Adjaye.

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EXPOSITIONS


Alexandre Séon, Le Sâr Joséphin Péladan, 1891, huile sur toile, 132,5 x 80 cm, Musée des Beaux-Arts, Lyon.

L'esprit de la Rose-Croix

VENISE - De 1892 à 1897 se tinrent à la galerie Durand-Ruel les éditions annuelles d’un salon particulier, celui de la Rose-Croix. Emanation de la confrérie ésotérique du même nom, animée par l’excentrique Joséphin Péladan, à la barbe et au regard de prophète, ils réunissaient des artistes motivés par un arsenal mystique, médiéval et symbolique qui se voulait une sorte de chemin parallèle vers la connaissance. Volontairement hermétique, ce mouvement éphémère a produit des œuvres inspirées aussi bien par la mythologie antique (Orphée) que par les légendes médiévales (dans le sillage de Wagner) ou les mystères chrétiens. Hormis Khnopff ou Toorop, peu de ces artistes sont aujourd’hui connus du grand public et c’est donc à la découverte d’une atmosphère archaïque, parfois adaptée au monde moderne de l’usine et du travail, que convie l’exposition. Si Alexandre Séon, grâce à des rétrospectives récentes, commence à être mieux étudié, le travail reste à faire sur Charles Maurin, Marcel-Berronneau, Ville Vallgren ou Rogelio de Egusquiza. Même leurs noms étranges et poétiques invitent au dépaysement…
Simbolismo mistico. Il Salone de la Rose+Croix a Parigi. 1892-1897 à la Peggy Guggenheim Collection, du 28 octobre 2017 au 7 janvier 2018.

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Giuseppe Arcimboldo, La Terre, huile sur bois, 70,2x48,7 cm, Collections princières, Vienne, Lichtenstein

Archi bol d’eau

ROME - On pourrait se contenter de fréquenter le palais Barberini pour ses collections (c’est un musée national d’art ancien) et pour ses fameux plafonds de Pierre de Cortone. Il offre pendant quelques mois une nouvelle séduction : une petite rétrospective du très médiatique Arcimboldo (1526-1593). Les œuvres du champion ès puzzles de fruits étant rares et difficiles à rassembler, on n’en montre qu’un échantillon choisi - une vingtaine d’œuvres qui viennent tout de même de onze musées différents… Un important complément montre le contexte de la peinture maniériste et des dessins d’histoire naturelle, d’Ulisse Aldrovandi notamment. Si l’Eté et l’Hiver ont été vus récemment, la Terre n’a pas été montrée depuis plus de vingt ans. Portraits réversibles, portraits ridicules, portraits en légumes de saison : Arcimboldo a aujourd’hui encore des héritiers, comme Vik Muniz ou Bernard Pras, qui ont adapté le discours à des thématiques contemporaines.
Arcimboldo au Palazzo Barberini, du 20 octobre 2017 au 11 février 2018.

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MUSÉES


Figure de théâtre sur l'eau (Wayang klitik), Java, XVIe siècle, bois, pigments, feuille d'or, 50,5 cm.

Une fenêtre sur le monde

VIENNE - Les musées d’ethnologie ont connu des remaniements profonds ces dernières années, souvent accompagnés de changements de dénomination pour apparaître plus politiquement corrects. Ils n’ont plus grand chose à voir - ce que certains regrettent - avec les atmosphères de cryptes ou de chapelle à esprits des anciens cabinets de curiosités ou de la mystérieuse galerie d’Ethnographie du Trocadéro… Après le musée du quai Branly et avant le très attendu musée de Tervuren près de Bruxelles (en juin 2018), voici le tour de la plus grande institution autrichienne en la matière. Trois ans de travaux ont permis de redéployer les collections, de les remettre dans une perspective plus critique et d’utiliser à fond les outils modernes. Si le musée n’a officiellement ouvert dans un bâtiment dédié qu’en 1928, ses racines sont bien plus anciennes : en 1806, il était intégré au cabinet d’histoire naturelle et, bien avant, quelques chefs-d’œuvre de ses collections étaient déjà exposés avec fierté par les empereurs Rodolphe II à Prague ou Ferdinand II au château d’Ambras… Deux fonds étonnants méritent d’être mis en avant : les 253 objets de la collection du navigateur James Cook, acquis à Londres en 1806, et les quelque 15 000 objets et photographies réunis au cours de son voyage autour du monde de 1892-1893 par l’archiduc François-Ferdinand, plus célèbre pour son assassinat à Sarajevo en 1914…
• Le musée d’Ethnologie de Vienne (Weltmuseum) rouvre au public le 25 octobre 2017.

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LIVRES

Gauguin, éloge de l’errance

Fuir, fuir toujours, fuir « l’atmosphère de gaz hydrogène et de mélasse » comme le disait joliment Théophile Gautier, fuir l’étouffant Salon annuel, fuir sa charge d’agent de bourse, fuir sa famille, ses cinq enfants et sa rigide Danoise (« la liberté, c’est l’abandon de la famille », clamait Nietszche). Plus qu’un impressionniste, un nabi ou un symboliste, Paul Gauguin (« P. Go », comme il aimait parfois à signer) est de l’école des fugitifs ! Ce livre à l’agréable format vertical suit le petit gars de Notre-Dame-de-Lorette (où il naît en 1848), qui saura rompre les amarres avec la Rive droite pour bourlinguer du côté de Rio, de la Martinique et du Pérou. Ce dernier pays serait volontiers sa patrie de cœur - c’est de là qu’était sa grand-mère adorée, Flora Tristan. Mais, comme on le sait, il ne s’y arrêtera pas et ira encore plus loin dans l’espace, Tahiti, où il gagne sa croûte en peignant les filles des avocats de Papeete, puis les Marquises, pour y mourir en vieil anar aigri mais toujours jouisseur. D’autres voyages, plus proches mais tout aussi décisifs, au Pouldu ou à Arles, sont évidemment évoqués par l’auteur - au patronyme étonnamment proche ! - qui ont aidé à façonner le grand remue-ménage de l’art moderne.
Gauguin, voyage au bout de la terre, par Stéphane Guégan, Chêne, 2017, 192 p., 29,90 €.

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LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE


LAURE PROUVOST

26 octobre 2017 - PARIS - Galerie Nathalie Obadia

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Notre sélection de nouvelles expositions dans les galeries