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N° 490 - du 2 novembre 2017 au 8 novembre 2017


Jean-Auguste-Dominique Ingres, Odalisque en grisaille, vers 1824-1834, 83,2x109,2 cm, huile sur toile, Metropolitan Museum, New York (exposition à la National Gallery, Londres).

L'AIR DU TEMPS

La peinture doit-elle être en couleurs ?

LONDRES - Quand on dit grisaille, on pense à un ciel bas, à une banlieue terne, à une existence morne. Le terme a rarement une connotation positive. Pourtant, lorsque l’érudit Fabri de Peiresc l’utilise pour la première fois en 1625 dans ses Lettres, il sert seulement à désigner un tableau fait en deux couleurs. La National Gallery a exploré ce filon : la peinture qui choisit de s’exprimer dans une gamme minimale. Une véritable aberration pour les tenants du Pop Art ! A quand remonte cette habitude de la monochromie (ou de la bichromie, si l’on tient le blanc et le noir pour des couleurs), et pour quelles raisons ? L’enquête remonte au XIIe siècle, quand les moines cisterciens ont produit des vitraux austères - on pouvait alors apparenter l’excès de couleur à la jouissance, donc au péché. Plus tard, d’autres motivations ont prévalu : montrer sa virtuosité ; travailler spécifiquement sur la lumière et les ombres ; ou tout simplement donner des indications au graveur, à une époque où les peintures pouvaient être transposées en estampes pour une meilleure diffusion. S’appuyant sur des chefs-d’œuvre comme le Sainte Barbe de Jan van Eyck, passant par les avant-gardes (Malevitch), finissant de nos jours avec Bridget Riley ou Olafur Eliasson, l’exposition surprend avec une Grande Odalisque d’Ingres. Comment le champion du classicisme a-t-il osé atténuer ainsi l’inimitable grain de peau de sa beauté orientale ? En réalité, Ingres n’a pas produit une seule odalisque en « noir et blanc » (il s’agit plutôt de nombreuses nuances de gris) mais au moins cinq (une sixième a même été signalée aux enchères en 2013) ! Ayant été données à des amis ou conservées dans la famille (comme celle qui vient du Metropolitan Museum de New York), elles sont toutes de format plus réduit que le chef-d’œuvre de 1814. Mais elles sont toutes postérieures - de 1817 à 1834. Pour Ingres, le monochrome était une affaire sérieuse - il l’est encore mais s’est aujourd’hui la photographie qui en est devenue le principal dépositaire…
Monochrome. Painting in Black and White à la National Gallery, du 30 octobre 2017 au 18 février 2018.

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EXPOSITIONS


Giandomenico Tiepolo, Hercule avec Cerbère enchaîné, fresque. Courtesy Palladio Museum.

Tiepolo chez Palladio

VICENCE - Le brave Palladio doit se retourner dans sa tombe : l’institution qui lui est dédiée dans le palais Barbarano répond au nom, certes international, mais inesthétique, de « Palladio Museum ». C’est sans doute plus facile à décrypter que « Centro Internazionale di Studi di Architettura Andrea Palladio ». Mais, tant qu’à simplifier, « Museo Palladio » aurait-il été si difficile à interpréter pour les touristes arrivés jusque là ? Sa renommée universelle suffisait amplement à lui servir de palladium, pour utiliser un mot rare à bon escient. L’initiative est en revanche très intéressante de présenter une sélection de fresques de Giandomenico Tiepolo (1727-1804), le fils du plus célèbre Giambattista, que les descendants des commanditaires ont jalousement préservé depuis près de 250 ans dans leur demeure. Il s’agit du palais Valmarana Franco (qui appartenait au fils du patricien pour lequel fut réalisé le cycle encore plus célèbre de la villa Valmarana ai Nani). Dans une grisaille qui fait parfaitement écho à l’exposition de Londres, ces fresques, qui abandonnent l’atmosphère de fêtes champêtres en vogue vingt ans plus tôt, optent pour une déclinaison rigoureuse de l’architecture palladienne.
Tiepolo segreto au Palladio Museum, à partir du 3 novembre 2017.

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Bas-relief avec des soldats assyriens et la roue d’un char royal, Musée du Louvre.

Le mythe de Ninive

LEYDEN - Il y a 27 siècles, c’était la plus grande ville du monde : environ 100 000 habitants et, dit-on, 15 kilomètres de murailles entièrement couvertes de bas-reliefs. Aujourd’hui, de cette capitale de l’empire assyrien dont la brutalité effrayait tous les voisins du Proche-Orient, il ne reste que quelques vestiges dans un quartier de Mossoul. Il faut dire que les Babyloniens, désireux d’abattre cette menace, la rasèrent au sol en 612 av. J.-C. Mais le mythe demeure, encore plus fort depuis sa redécouverte au milieu du XIXe siècle : il fait l’objet d’une exposition réunissant des reconstitutions et des objets (sceaux, cylindres, tablettes, reliefs, sculptures). Les vestiges matériels ne sont pas tout : c’est le site de Ninive qui a donné au monde une épopée antérieure à la Bilbe, celle de Gilgamesh…
Nineveh au Rijksmuseum van Oudheden (Musée national de l’Antiquité), du 20 octobre 2017 au 25 mars 2018

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VENTES


Masque dit « de Conflans », provenant d’un casque militaire, art romain, Ier-IIe siècle, bronze, ancienne collection Henry de Montherlant, estimation : 150 000 -200 000 €.

Montherlant, joue-nous Agamemnon!

Les Egyptiens se faisaient enterrer avec leurs scarabées (ouchebti), les Gaulois et les Etrusques avec leur vaisselle funéraire, les guerriers scythes avec leurs chevaux. Henry de Montherlant (1895-1972), qui jouissait de l’anachronisme, avait demandé pour sa part à être enseveli avec un superbe masque de guerrier romain, mis au jour en 1908, dit le « masque de Conflans » (un peu comme ce notable grec du XVIe siècle av. J.-C., qui s’avéra ne pas être Agamemnon, mais dont la tombe avait livré à Schliemann en 1876 une magnifique effigie en or). La bronca des archéologues empêcha ce sacrifice et l’écrivain, pour se venger de cette indélicatesse, s’éclipsa sous forme de cendres au-dessus du Tibre… Le goût de Montherlant pour l’Antiquité serait né avec la lecture précoce du Quo Vadis ? de Sienkiewicz. Elle s’incarna ensuite dans une collection très personnelle, qu’il abritait dans son appartement du quai Voltaire, et dont cette vente montre la richesse avec un Torse de Diane chasseresse (marbre du Ier siècle), une Tête de femme d’époque hellénistique et d’autres bustes de la même époque.
Collection Henry de Montherlant le 7 novembre 2017 chez Artcurial.

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L'ARTISTE DE LA SEMAINE


Daniel Dezeuze, Persistance du taoïsme, 2005, pastel sur Canson, 110 x 75 cm, Galerie Daniel Templon © Adagp, Paris 2017

Dezeuze : Supports/Surfaces et plus

A la fin des années soixante, Daniel Dezeuze (né à Alès en 1942) fut l’un des fondateurs du mouvement Supports/Surfaces et fit dans ce contexte des œuvres provocantes, qui interrogeaient le concept de peinture, par exemple en accrochant au mur de simples châssis de toiles. Cette dimension conceptuelle a été longuement exploitée par l’artiste, qui a aussi produit des variations sur le thème de l’échelle, du bouclier et même des armes (avec des assemblages d’éléments hétéroclites). Mais on ne peut pas réduire l’artiste à cette seule catégorie. Bien qu’il soit difficile d’y voir la même main, il n’a cessé de pratiquer le dessin, discipline qu’il maîtrise d’une manière beaucoup plus « classique » : ses végétaux, ses insectes sont ceux d’un observateur patient de la nature, grand pratiquant du pastel, à mi-chemin (s’il est possible) entre Degas et Cy Twombly.
Daniel Dezeuze, une rétrospective au musée de Grenoble, du 28 octobre 2017 au 28 janvier 2018.

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LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE


FESTIVAL GAMERZ

3 novembre 2017 - AIX-EN-PROVENCE - Divers lieux

Une rencontre autour de l'art multimédia, qui pose la question du rapport de l'homme à la machine

Our selection of new exhibitions

LIVRES

Alechinsky déroule

Inventer l’eau chaude, le fil à couper le beurre ou la roue, voilà des images communes de la culture populaire. Prenez la roue : sans elle, pas de transport, et une civilisation matérielle qui s’effondre. Et un système philosophique qui en pâtit aussi : comment mieux exprimer la répétition, la perfection, la totalité ? Chez le jeune Alechinsky, la roue avait suscité il y a bien longtemps (près de 50 ans) cet ouvrage, en forme de divagation, où transparaissent les amis ou aînés - Breton, Jorn, Dotremont, Folon, Walasse Ting -, les intérêts littéraires et musicaux, des souvenirs de voyage. Les nombreuses illustrations - œuvres d’Alechinsky lui-même, chromos populaires, photos du volcan de Lanzarote, du perroquet de Breton ou d’Alfred Jarry à bicyclette - voisinent avec un texte nerveux et pétillant, dans le genre « cabinet de curiosités » qu’ont aussi pratiqué Julio Cortázar, W.G. Sebald ou Orhan Pamuk. Alechinsky, que l’on sait attiré depuis toujours par l’écrit, s’y montrait déjà un brillant littérateur.
Roue libre par Pierre Alechinsky, Gallimard, 2017, 192 p., 24,50 €

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EN BREF

MIAMI - Le Bass Art Museum, fondé en 1964 et consacré à l’art contemporain, a rouvert le 20 octobre après une campagne d’agrandissement, avec une rétrospective dédiée à Ugo Rondinone.

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PARIS - Le Salon international du patrimoine culturel a lieu au Carrousel du Louvre du 2 au 5 novembre 2017.

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PARIS - Photo Saint-Germain a lieu du 3 au 19 novembre 2017 dans les galeries du quartier de Saint-Germain-des-Prés.

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TURIN - La foire d’art moderne et contemporain Artissima a lieu au Lingotto du 3 au 5 novembre 2017.

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