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N° 501 - du 1 février 2018 au 7 février 2018


Anthony van Dyck, Charles Ier dans trois positions, 1635–36, huile sur toile, 84,4 x 99,4 cm, Royal Collection Trust / © Her Majesty Queen Elizabeth II, 2018.

L'AIR DU TEMPS

La collectionnite, ce vice impuni

De nos jours, qui ne collectionne ? Timbres, automobiles de course, tire-bouchons, «magnets », outils anciens, et, bien sûr, dessins et tableaux… Autrefois, tout le monde n’avait pas les moyens d’assouvir sa passion. Mais ceux qui le pouvaient manipulaient souvent des sommes qui les apparentent aux oligarques actuels. Le hasard du calendrier culturel fait que des deux plus insignes collectionneurs du XVIIe siècle, dont la sûreté de goût peut se vérifier dans les plus grands musées du monde, sont célébrés en même temps : Charles Ier à Londres, Léopold de Médicis à Florence. Ce combat à distance mobilise les plus grandes stars du temps, que chacun voulait attirer à lui à coup d’offres prestigieuses, un peu comme les clubs de foot s’arrachent aujourd’hui les génies du ballon rond. Les Messi, Ronaldo et Mbappé que l’on s’échangeait alors en un similaire mercato s’appelaient Van Dyck, Rubens ou Gentileschi…

EXPOSITIONS


Aphrodite (Vénus accroupie), marbre romain, IIe siècle, 119 cm. Royal Collection Trust / © Her Majesty Queen Elizabeth II 2018.

Charles Ier, roi esthète…

LONDRES - Il n’a pas vécu très vieux, son règne ayant été écourté comme son corps (il fut décapité en 1649 à 48 ans). Peu au fait pour les affaires politiques face au roué Cromwell, Charles Ier Stuart eut néanmoins le temps de se constituer l’une des plus belles collections d’art de l’histoire. La Royal Academy a entrepris d’en réunir un pan significatif. La tâche n’a pas été facile car l’ensemble a été dispersé aux quatre vents quelques mois seulement après que la tête du souverain eut roulé sur le billot par un froid janvier (comme Louis XVI)… Et si les efforts de son fils et successeur Charles II (1660-1685) ont pu en faire revenir un certain nombre au bercail (comme Vénus avec Mercure et Cupidon du Corrège), beaucoup de toiles et de sculptures font aujourd’hui la fierté de musées mondiaux (comme Le Souper à Emmaüs du Titien au Louvre ou le portrait d’Henriette, épouse française du roi, par Van Dyck, à la National Gallery de Washington. Charles ne se bornait pas à acheter, il commandait aussi à Rubens, Guido Reni… et même aux artistes locaux : les ateliers de tapisserie de Mortlake, qui livrèrent une superbe interprétation des Actes des Apôtres de Raphaël.
Charles I: King and Collector à la Royal Academy of Arts, du 27 janvier au 15 avril 2018

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Il Baciccio, Léopold de Médicis en habit cardinalice

… et Léopold, prélat collectionneur

FLORENCE - Légèrement postérieur au roi Stuart, Léopold de Médicis (1617-1675) n’a pas eu une fin aussi tragique, même si le statut des Médicis a parfois été branlant en Toscane. Le destin de sa collection a également été plus paisible : l’essentiel a été donné par ses neveux au musée des Offices. Fils de Côme II et d’une archiduchesse autrichienne, il tire de ces sangs mêlés des intérêts variés et cosmopolites. La peinture, bien sûr, mais aussi les antiques, qu’on lui fait parvenir de Rome et de Naples, où les fouilles livrent des trésors, telle cette statue en basalte d’un jeune homme en toge. Et encore les instruments scientifiques, dont ceux qui servirent à Galilée, ou les curiosités exotiques - laques japonaises ou masque en travertin provenant de Teotihuacán… Pour assouvir sa soif d’art, Léopold dépêche ses agents sur tout le continent. Parmi ses passions, il en est encore une que l’exposition met en avant : son goût pour les autoportraits d’artistes, qu’il rassembla en nombre, pour dessiner une sorte d’histoire de l’art biographique de son temps.
Leopoldo de’ Medici, principe dei collezionisti au Palazzo Pitti, jusqu’au 25 février 2018.

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Pessoa le boulimique

MADRID - A sa façon, il est collectionneur : Fernando Pessoa (1888-1935) a accumulé les pseudonymes, qui ont chacun une telle identité, une telle vie propre, qu’on les appelle plutôt des hétéronymes. On en compte une bonne centaine ! Ce faisant, le poète a aussi formulé une série de termes qui, en dehors de leur simple inventivité lexicale, peuvent être pris comme une description des avant-gardes portugaises de son temps, de l’intersectionnisme au sensationnisme. L’exposition qui célèbre sa créativité est donc accompagnée d’œuvres de ses contemporains comme Souza Cardoso, qui avait été une découverte au Grand Palais, à Paris, il y a deux ans, Almada-Negreiros ou Sarah Affonso, tandis que le bouillonnement lisboète de l’entre-deux-guerres est rendu par une sélection de revues expérimentales.
Pessoa, toda arte es una forma de literatura au Reina Sofía, du 7 février au 7 mai 2018

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LIVRES

32 nuances de pastel

Le Petit Palais de Paris, en ne puisant que dans son fonds, a récemment donné un aperçu de la richesse du pastel et de ses expressions. La Fondation de l’Hermitage à Lausanne reprend le discours (du 2 février au 21 mai) en se fondant sur des apports de collections privées et de musées riches en la matière (Kunstmuseum Winterthur, musée Jenisch, musées de Genève, etc.) Cette matière ductile permet aussi bien d’étonnantes symphonies monochromes de gris et de noir (Armand Guillaumin) que des explosions multicolores (Augusto Giacometti). Les plus spécialistes sont réunis dans ce catalogue, de Rosalba Carriera à Sam Szafran, en passant par l’incontournable Degas. Dispensant des découvertes comme celle de Firmin Baes, avec sa Jeune Fille au chou, l’ouvrage ne fait pas l’impasse sur l’art contemporain qui continue, à la marge, d’utiliser ce médium ancien, par exemple Sean Scully ou Nicolas Party…
Pastels du 16e au 21e siècle, sous la direction de Sylvie Wuhrmann et Aurélie Couvreur, La Bibliothèque des Arts/Fondation de l’Hermitage, 2018, 224 p., 49 €.

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