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N° 553 - du 13 juin 2019 au 19 juin 2019


Norman Rockwell, Freedom from Want (Liberté de vivre à l’abri du besoin), 1943, huile sur toile, 116,2 x 90,2 cm.
Illustration pour The Saturday Evening Post du 6 mars 1943.
Collection du Norman Rockwell Museum. ©SEPS: Curtis Licensing, Indianapolis. Tous droits réservés.

L'AIR DU TEMPS

Rockwell débarque en Normandie

CAEN - Avec Edward Hopper, c’est l’autre maître américain du réalisme du XXe siècle. Et un observateur aigu de l’évolution de la société, qu’il ausculte et restitue notamment dans les pages du Saturday Evening Post – pendant 47 ans ! Dans ses dernières années, Norman Rockwell (1894-1978) loin de virer au conservateur aigri, témoigne des luttes civiques, fournissant un tableau icône, The Problem We All Live With (1963), où une petite fille noire doit être escortée par quatre policiers blancs pour pouvoir se rendre à l’école. L'œuvre figure dans le parcours de l’exposition, à côté de quatre autres stars, les tableaux des Quatre Libertés, inspirés du discours de Roosevelt. Réalisés en 1943 et jamais sortis des Etats-Unis, ils sont conservés au Norman Rockwell Museum de Stockbridge dans le Massachussetts. Défendant les libertés de pensée et de culte, le droit d’être à l’abri du besoin et d’être protégé, ils firent une tournée triomphale aux Etats-Unis, récoltant 132 millions de dollars pour l’effort de guerre. Leur arrivée au Mémorial de Caen est un accompagnement symbolique des cérémonies pour le 75e anniversaire du Débarquement et leur unique escale européenne.
Rockwell & Roosevelt. Les Quatre libertés au Mémorial de Caen, du 4 juin au 27 octobre 2019.

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EXPOSITIONS


Dora Maar, Nature morte au bocal et à la tasse, 1945, huile sur toile, 45,5 x 50 cm, collection particulière © Adagp, Paris, 2019 Photo © centre pompidou, mnAm-ccI / p. migeat / dist. Rmn-Gp.

Dora Maar existe enfin !

PARIS - Sa notoriété repose sur Picasso, dont elle fut la maîtresse pendant quelques années. Dora Maar la cosmopolite, Franco-Croate ayant vécu à Buenos Aires, puis bien acclimatée à Paris (et dans le Luberon) aurait, selon la légende, fasciné le maître espagnol en jouant avec un couteau à une table du café de Flore. Un jour de 1935, elle aurait fait perler son sang en se perçant la main – de quoi séduire le minotaure… Elle apparaît dans ses toiles des années noires – entre crise et guerre - sous la forme d’une femme éplorée alors que l’autre égérie du moment, Marie-Thérèse, incarne la veine solaire. Dora Maar a laissé un témoignage fondamental sur la peinture de Picasso : c’est elle qui a montré Guernica en train de se faire dans le grenier de la rue des Grands-Augustins. Cette activité de photographe est un pan important de l’exposition, et pas que dans le registre documentaire : elle a signé d’étonnantes compositions surréalistes – elle était amie de Georges Hugnet, de Lise Deharme et d’Eluard avant de rencontrer Picasso. Traumatisée par la rupture avec celui-ci, qui se rapproche de Françoise Gilot, elle se retire progressivement du monde, se réfugiant dans le mysticisme, ne fréquentant plus que quelques proches, comme André du Bouchet, Jean Hugo, son mentor Dom Jean de Monleón ou James Lord. Mais en continuant longtemps à peindre – autre talent sur lequel s’attarde l’accrochage – natures mortes, paysages ou thèmes abstraits. Dora Maar égalera Picasso dans un domaine : la longévité. Largement oubliée, elle meurt en 1997, peu avant de fêter son 90e anniversaire.
Dora Maar. Entre ombre et lumière au Centre Pompidou, du 5 juin au 29 juillet 2019. Catalogue 208 p., 39 €.

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Felice Casorati, Portrait de Riccardo Gualino, 1922, huile sur toile, collection particulière.

Gualino, collectionneur d’exception

TURIN - Qui connaît Riccardo Gualino ? Celui qui fut le patron de la Lux Film, qui produisit Senso de Visconti, Théodora impératrice de Byzance de Riccardo Freda outre des Lattuada, des Zurlini et des Comencini, a l’étoffe d’un héros de cinéma. Serial entrepreneur, ce Turinois (1879-1964) a aussi été à l’origine de la Snia Viscosa, colosse italien du textile. Cependant, s’il est célébré aux Musei Reali de Turin, ce n’est pas pour ces faits d’armes ni pour son remarquable mécénat dans le monde du théâtre, c’est plutôt pour son extraordinaire collection d’art au destin tout aussi romanesque. Assemblée dans les années vingt, elle comporte aussi bien des fonds or (Duccio) que des contemporains (Casorati fait son portrait) ou des géants du XIXe siècle comme Manet (La Négresse). La crise et l’opposition à Mussolini, qui l’envoie en résidence surveillée, lui font perdre cet ensemble remarquable, saisi en 1931 par l’Etat pour couvrir ses dettes. Quelque 150 œuvres qui en faisaient partie ont été réunies, provenant de musées et de prêteurs privés (lui-même s’étant remis à collectionner après-guerre), composant le plus beau des tombeaux pour cet industriel si fin esthète…
I mondi di Riccardo Gualino aux Musei Reali, du 7 juin au 3 novembre 2019.

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LIVRES

Butor, la peinture prise au mot

Michel Butor, qui, comme Dora Maar, s’est éteint peu avant de franchir les 90 ans (en 2016), attire notre attention sur un point original : la peinture, c’est beaucoup de couleurs et de formes, mais c’est aussi beaucoup de lettres et de mots ! Dans ce petit livre au ton alerte, il passe en revue, avec un esprit assez systématique, le travail de scribe des peintres. Où placent-ils leur signature et pourquoi ? La démonstration est assez efficace, notamment pour Miró, qui étire, cache, hache son nom, ou pour Mondrian qui se trouve confronté à un casse-tête : comment laisser son nom sans ruiner l’ordonnance précise de ses damiers ? En dehors de la signature, nombreuses sont les inscriptions. On en voit chez Bruegel, chez Léonard, chez Picabia, chez Magritte, utilisées pour légender, admonester, ou simplement pour la beauté de leurs jambes et de leurs courbes…
Les mots dans la peinture, par Michel Butor, Champs Flammarion, 2019, 168 p., 14 €.

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LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE