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N° 78 - du 14 février 2008 au 20 février 2008

L'AIR DU TEMPS

Circulez, il n’y a rien à vendre

Le grand débat sur l’aliénabilité finit donc en pétard mouillé. Le rapport demandé à un observateur pragmatique mais défenseur connu des collections publiques, Jacques Rigaud (l’un des pères du musée d’Orsay), a conclu comme attendu : il n’est pas question que les institutions françaises se mettent à vendre leurs œuvres, comme on le fait aux Etats-Unis. Tout au plus pourraient-elles le faire à la marge. La possibilité de se défaire de pièces des collections publiques avait déjà été envisagée par la loi « musées » de 2002 mais il s’agissait surtout de pouvoir se débarrasser des êtres vivants qui se multiplient dans les muséums d’histoire naturelle. Jacques Rigaud ne voit aucun intérêt, ni financier ni stratégique, à vider les réserves des musées, qui ne sont pas si riches qu’on le prétend. Une seule exception : les FRAC (Fonds régionaux d’art contemporain), qui ont beaucoup acheté et qui n’ont pas les moyens de bien conserver. Pour le reste, il faudrait simplement donner un peu d’air aux réserves en les faisant circuler dans le cadre d’expositions temporaires ou en multipliant les dépôts entre musées. Les conclusions du rapport Rigaud sont prudentes mais au fond assez logiques. Ceux qui attendaient un brûlot, l’équivalent d’un rapport Attali sur l’art, resteront sur leur faim…

MUSÉES

Mr Broad offre un musée

LOS ANGELES – Fondateur de la société de promotion immobilière Kaufman & Broad, Eli Broad est l’une des premières fortunes américaines. Philanthrope, il a déjà offert 100 millions $ à Harvard et autant au MIT. C’est maintenant l’amateur d’art qui se met en avant : il a en effet apporté 60 millions $ au plan de développement du Los Angeles County Museum of Art (LACMA). Cet apport a notamment servi à financer un nouveau pavillon dessiné par Renzo Piano. Ce bâtiment en travertin, avec d’immenses lofts éclairés de lumière naturelle pour les expositions temporaires, prend naturellement le nom de son mécène : ce sera le Broad Contemporary Art Museum (BCAM). Sa pièce maîtresse sera Band, l’immense sculpture de Richard Serra récemment acquise. L’inauguration du 16 février promet d’être un moment délicat. Elle fait suite à une sorte de camouflet infligé par Eli Broad au LACMA : après lui avoir plus ou moins explicitement promis sa collection personnelle et celle de sa fondation (près de 2000 œuvres au total), il vient de se dédire, préférant bâtir un autre musée bien à lui. C’est donc avec amertume que les directeurs admireront les 160 pièces exposées à l’ouverture du BCAM : ces Koons, Hirst, Jasper Johns, Rauschenberg ou Basquiat de première catégorie n’ont pas vocation à y demeurer.

  • Le Broad Contemporary Art Museum est inauguré le 16 février sur le campus du LACMA

    Le site du LACMA

  • EXPOSITIONS

    Balla au centre

    MILAN – Le Turinois Giacomo Balla (1871-1958) est l’un des grands prophètes de la galaxie futuriste fédérée par Marinetti. Cette rétrospective lui est consacrée à Milan, ce qui n’est pas un détail : c’est la patrie de son principal rival en notoriété, Boccioni, et le quartier général du futurisme. Environ 200 œuvres sont exposées, le double de la dernière exposition monographique, qui remonte à 1971. Autant dire qu’il s’agit d’un rassemblement complet : huiles, dessins, sculptures, photographies, sans oublier un corpus substantiel de croquis pour costumes de scène pour la Scala, de manuscrits et même de « parolelibere » et d’art postal. La période considérée comprend évidemment les années futuristes – de 1909, date du manifeste, jusqu’à la décennie 1920 - mais elle étudie aussi de près la « montée » vers le futurisme, qui passe par le divisionnisme, à partir de 1900. Si ses œuvres les plus connues ne sont pas toutes présentes, comme le fameux Dynamisme d’un chien en laisse, certains prêts sont notables comme Agaves sur la mer (1905, coll. priv.) ou Automobile en course (1912, MoMA).

  • Giacomo Balla, à Palazzo Reale, du 14 février au 18 mai 2008

    Le site du Palazzo Reale

  • Les années Penck

    PARIS – Artiste né en Allemagne de l’Est comme Baselitz, Penck a quitté son pays d’origine en 1980, à l’âge de 41 ans, pour s’installer à Londres puis à Düsseldorf. Grand amateur de symboles, Penck, ou plutôt Ralf Winkler, l’a dès l’abord démontré dans le choix de son pseudonyme, qui renvoie à la Guerre froide, l’une de ses obsessions récurrentes : Albrecht Penck (1858-1945) était un géologue, spécialiste de l’âge glaciaire… Il a ensuite, à partir du début des années soixante, élaboré tout un alphabet de pictogrammes inspirés par la science et de personnages en bâtons, immédiatement reconnaissables, qu’il a déclinés sur de nombreux supports, jusqu’aux livres d’artistes, dont il s’est fait une spécialité. L’exposition du musée d’Art moderne de la Ville de Paris rassemble plus de 120 œuvres, couvrant tout son parcours créatif, jusqu’aux toiles plus monumentales et colorées de son actuelle période dublinoise.

  • Penck, peinture-système-monde au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, du 14 février au 11 mai 2008

    Le site du musée

  • A la recherche des primitifs hollandais

    ROTTERDAM - Si les primitifs flamands jouissent d’une juste renommée, il n’en va pas de même pour leurs homologues hollandais. La faute, en partie, à la religion : ces peintres des XVe et XVIe siècles étaient catholiques, sous l’autorité du duc de Borgogne. Lorsque la Réforme a pris pied aux Pays-Bas, elle a entraîné un changement complet de style – les églises sont devenues plus austères et les retables dorés ont disparu. Elle a aussi été accompagnée d’excès iconoclastes : ceux de 1566 et 1572 ont fait disparaître des milliers d’œuvres. C’est donc à un travail d’enquête exigeant que se sont livrés le musée Bojmans van Beuningen et le Rijksmuseum (actuellement en rénovation) pour réunir une soixantaine de panneaux produits autour de 1500 à Delft ou Haarlem, portraits, scènes religieuses ou d’intérieurs. Leurs auteurs ont souvent des noms poétiques comme le Maître de la Vierge entre les Vierges ou le Maître du diptyque Brunswick. Cette absence d’état-civil précis ne fait que démontrer le discrédit et l’anonymat dans lesquels le changement religieux a précipité ces artistes autrefois célèbres.

  • Primitifs hollandais au musée Bojmans van Beuningen, du 18 février au 25 mai 2008.

    Le site du musée Bojmans van Beuningen

  • L’ARTISTE DE LA SEMAINE


    Françoise Pétrovitch, courtesy galerie RX

    Françoise Pétrovitch : lavis quotidiens

    Il y a quelques années, Françoise Pétrovitch s’était fait remarquer par un projet hors du commun, « Radio-Pétrovitch » : chaque matin, elle écoutait France-Inter et retranscrivait la première information entendue en un dessin. Ce qui, chez d’autres, aurait duré quelques jours se perpétua chez elle pendant plus d’un an. On aura compris que le travail en série, à contre-courant de la culture dominante du zapping, est l’un de ses caractères essentiels. Au lavis, qui est l’un de ses outils préférés, mais aussi en céramique ou en verre, elle a ainsi multiplié les personnages de notre temps, « Twins », « Supporters », « Poupées » ou « Tenir debout » (des jambes de femme sur fond blanc). L’artiste, née en 1964 à Chambéry, est doublement à l’honneur : elle présente des sculptures en verre à la galerie RX et investit le Cabinet d’arts graphiques du musée d’Art moderne de Saint-Etienne avec une peinture murale et des « fragments d’équidés » en grès noir.

    LIVRES

    Dessins d’écrivains

    Que font les écrivains quand leur âme vagabonde et que la feuille, devant eux, est blanche ? Ils dessinent, très certainement. Et beaucoup l’ont fait sérieusement, ne se limitant pas à faire du croquis le substitut d’une inspiration en panne. Pierre MacOrlan et Gunther Grass étaient artistes avant d’écrire. Cocteau avait un père peintre et s’est amusé à mêler tous les genres. Hugo a laissé des milliers de lavis, Apollinaire des aquarelles pleines de couleur (et d’un peu de grivoiserie). L’ouvrage, qui accompagne une exposition à l’abbaye d’Ardenne, montre ce que l’on ne montre que rarement, car supposé être le fruit d’une activité secondaire : qui a déjà vu les pages de journal de Louis Althusser avec ces petites têtes admirablement dessinées, les feutres d’Henry Miller sur les pages du Tucson Daily ? Ecrivain qui dessine ou plasticien qui écrit ? La question, posée pour Topor, peut l’être pour d’autres. Hans Arp se considérait comme écrivain et disait plaisamment : « Je ne fais de la sculpture que pour gagner ma vie ».

  • L’un pour l’autre, les écrivains dessinent, Buchet-Chastel/IMEC, 2008, 176 p., 39,50 €, ISBN : 978-2-283-02316-7

    Le site de l'IMEC à l’abbaye d’Ardenne

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  • BRÈVES

    BOURGES – La Box, école nationale supérieure d’art de Bourges, lance un appel à candidature pour ses résidences 2008-2009.

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    LONDRES – Bonne semaine de ventes pour Christie’s et Sotheby’s, qui ont réalisé des chiffres d’affaires respectifs de 224 millions et de 144,5 millions £, du 4 au 6 février. Chez Christie’s, un Triptyque de Francis Bacon a été adjugé 26,3 millions £. Chez Sotheby’s, Franz Marc a battu son record avec Chevaux paissant III, vendu à 12,3 millions £.

    LOS ANGELES – Le Getty Museum a annoncé l’acquisition d’un ensemble complet de photographies d’Irving Penn : la série « The Small Trades », commencée à Paris en 1950 qui rassemble 252 images de petits métiers.

    Le site de la fondation et du musée Getty

    PADOUE – La chapelle de Saint Antoine, l’un des lieux de pèlerinage les plus fréquentés d’Europe (4 millions de visites par an), sera entièrement restaurée. Elle contient de nombreuses œuvres d’art, dont des bas-reliefs de Sansovino.

    PARIS – Artcurial propose une session de vente consacrée au graffiti, le 18 février, avec quelques stars américaines comme Dondi White ou Sonic et des graffeurs et pochoiristes français comme Darco et Miss Tic.

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    PARIS – Coïncidence du calendrier, un autre Jacques Rigaud (voir article L’Air du temps) est à l’honneur : il s’agit du peintre du XVIIIe siècle dont la galerie Coatalem présente douze vues de Versailles et de son parc, réalisées autour de 1730 (à partir du 14 février).

    Le site de la galerie Coatalem

    SHEFFIELD - Sheffield 08, manifestation artistique voulant montrer la capacité de reconversion d’une ville industrielle, se tient du 15 février au 30 mars, avec de nombreuses expositions et commandes publiques présentées en galerie ou dans la rue.

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    UTAH – Spiral Jetty, l’une des œuvres les plus célèbres de Land Art, réalisée par Robert Smithson en 1970, est un chemin en spirale qui émerge à intervalles irréguliers des eaux du Great Salt Lake. Elle est menacée par une campagne d’exploration pétrolière. Une pétition a été remise au gouverneur de l’Etat.

    Le site consacré à la Spiral Jetty

    ZURICH - Des malfaiteurs armés ont dérobé, dans la nuit du dimanche 10 février, à la fondation Bürhle, quatre tableaux de grande valeur, de Cézanne, Degas, Monet et Van Gogh. La police suisse estime la valeur des toiles à plus de 100 millions €.

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    Cette semaine, ne manquez pas

    BGL - Artistique Feelings

    PARIS - Pour le 400e anniversaire de la fondation de Québec, le Centre culturel canadien expose un trio d'artistes contemporains (Bilodeau, Giguère et Laverdière) qui met en relief, en recyclant des matériaux bruts, les dérèglements de notre société de consommation.

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