ArtAujourdhui.Hebdo

N° 374 - du 29 janvier 2015 au 4 février 2015

Extension du domaine du blasphème

Le blasphème n’est pas un délit dans la législation française, mais le mot brûle aujourd’hui et les ultras le voient partout… Il fut un temps, du moins en Occident, où les œuvres étaient visées, plutôt que les hommes. On se souvient du Piss Christ d’Andrés Serrano, plusieurs fois vandalisé, ou des manifestations en 2011 contre la pièce de théâtre de Romeo Castellucci Sur le concept du visage du fils de Dieu. De récents indices – dont Charlie Hebdo, évidemment - montrent que l’on est arrivé à un durcissement des positions, que l’intolérance redevient une valeur à la mode. La destruction des bouddhas de Bamian – coupables d’être des représentations de la divinité - reste l’exemple le plus marquant du fanatisme religieux en matière de censure artistique. Mais l’iconoclasme – qui rappelle l’époque où les fresques byzantines eurent les yeux crevés – peut s’installer de manière plus insidieuse. L’artiste Orlan a fustigé la décision des organisateurs de « Femina » à Clichy de retirer une œuvre de cette exposition. Zoulikha Bouabdellah avait posé des chaussures à talons hauts, symbole de tentation féminine, sur des tapis de prière. Blasphème, assurément ! Comme l’a révélé The Observer, le Victoria & Albert Museum de Londres a discrètement fait disparaître de sa collection en ligne une représentation du prophète. Dans le même temps, un élu américain faisait décrocher d’une galerie la photographie d’une femme enceinte, jugeant ce sujet « pornographique »… Sophia Aram, l’humoriste de France Inter, qui a récemment présenté sa chronique satirique en burqa, a eu un mot juste : si les croyants ont droit à leur liberté de prier, les athées ont droit à leur liberté de penser. Que le chevalier de La Barre ne soit pas mort pour rien ! On reprendrait bien un petit coup de mai 68 : il est interdit d’interdire…

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