ArtAujourdhui.Hebdo

N° 446 - du 20 octobre 2016 au 26 octobre 2016

Buffet, le retour du mal-aimé

PARIS - A 20 ans, sans le sou, il devait peindre sur des pantalons et des draps que lui donnait sa grand-mère. A 30 ans, il était riche, propriétaire d’un château et d’une Rolls, surnommé « le peintre au bras d’or » par un journal allemand. A sa mort, en 1999, il était, avec Soulages, l’artiste français le plus connu au monde et une idole au Japon, qui lui a consacré un musée entier. Un seul pays n’a cessé de le snober : la France, dont les musées, au contraire, n’ont acquis qu’une seule œuvre de lui, en 1950… Le temps de la revanche (post-mortem) semble venu avec cette grande rétrospective qui lui ouvre enfin les portes d’une institution majeure. On y lit sa vie de paillettes : la longue liaison avec Pierre Bergé ; l’amitié avec Jean Giono et Jean Cocteau ; le mariage avec Annabel, rivale de Juliette Greco à Saint-Germain-des-Prés ; ses expositions chez Maurice Garnier qui attiraient la foule chaque mois de février. Mais aussi les scandales pour obscénité (Vacances en Vaucluse), les combats (son immense triptyque sur les Horreurs de la guerre), les doutes et l’émouvante fin (atteint de Parkinson, il se suicide après avoir produit une série sur la mort, laissant comme dernier témoignage un film réalisé par son fils). L’accrochage abondant ne peut effacer totalement l’impression de facilité, de kitsch (les séries sur les automobiles, sur Jules Verne) mais permet de dissocier Buffet de ce sempiternel trait hérissé, qui ressemble à une gravure sur métal, et qu’il avait fini par porter comme un stigmate. Ses œuvres de l’après-guerre - vues d’atelier, portraits, hommes ascétiques dans des chambres de bonne - ont conservé leur puissance. Un signe ne trompe pas : même après leur rupture, Pierre Bergé a conservé, pendant un demi-siècle, les toiles de cette époque.
Bernard Buffet, rétrospective au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, du 14 octobre 2016 au 26 février 2017.

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