Anne-Lise Large, une photographe au talent précoce et à la singularité esthétique particulière, nourrie également de philosophie et de théâtre, fige sur le papier des femmes à peine entrevues. Elle procède à sa façon à une mise en image de l’éphémère.
Eloge de la rencontre
Il y a des analogies entre certaines rencontres particulières et celles que le monde nous offre quasi quotidiennement. En effet, combien de personnes avons-nous croisées, combien nous ont marqués ne serait-ce qu’une fraction de seconde ? Une fraction de seconde, le temps s’arrête, l’image se crée et se réfugie dans nos souvenirs pour réapparaître un jour, sous une forme ou sous une autre, de manière consciente ou non. Petite histoire. « Mais oui, mais ça ! Mougins, tu te souviens Anne-Lise que c’est là bas qu’il fallait que tu exposes ? J’avais envoyé un mail à l’office du tourisme… » La voix du philosophe Joseph Cohen raisonnait d’une telle profondeur, trahissait un tel engouement qu’il fallait voir un peu plus loin ce que cachait ce clin d’œil du destin. Quelques minutes avant cette déclaration, sur une plage azuréenne, était apparue la silhouette d’Anne-Lise Large, armée de son boîtier. Cet appareil photo fut le déclencheur de la conversation qui mena quelques temps plus tard vers ce projet d’exposition.
La rêverie face à la réalité du monde
Le monde est inondé de spectres, bien plus qu’avant : facilité de déplacement, communication outrancière, omniprésence des images, changement de vie, perspectives et destins mouvants, population grandissante, nous placent sur le chemin de rencontres furtives. Notre perception du monde est également différente : lumière artificielle, dialogues virtuels, pixellisation, exploration de mondes nouveaux, découvertes scientifiques et nouvelles explications, fictions.
Lorsque notre rêverie se confronte aux réalités du monde, nos yeux sont grands ouverts pour accueillir dans notre esprit l’image d’un ou d’une passante, laissant derrière soi une trace qui guidera notre fantasmagorie, et peut-être nous questionnera. L’inconnu exercera toujours sur nous cette forme de fascination qui nous pousse à vouloir percer certains mystères. Anne-Lise Large en éclaire quelques pans en nous ouvrant les portes d’une certaine intimité de la femme. Elle fixe sur l’image ces moments furtifs durant lesquels notre œil est interpellé et retranscrit un univers singulier, à la lisière de la sensualité. Les visages ne sont jamais entièrement dévoilés, la magie persiste. La lumière et la pénombre jouent un rôle majeur, les jeunes femmes se fondant totalement dans l’environnement, absorbant son intensité lumineuse.
Quelques éléments biographiques
Née en 1982, Anne-Lise Large suit des études en cinéma et en philosophie à Strasbourg, puis à la Sorbonne. Elle s’intéresse très tôt au théâtre et à la mise en scène, en parallèle de sa pratique photographique. Elle approfondit son travail photographique lors de workshops aux côtés d’Antoine d’Agata et de Klavdij Sluban. En 2005, ses photographies sont projetées et commentées à Montévideo (Marseille) par Jean-Luc Nancy et elle crée l’exposition-installation Ph(il/ot)o-graphie au théâtre du Maillon de Strasbourg, une rencontre entre photographie et écriture, regroupant des textes inédits de nombreux auteurs contemporains. Elle expose à l’Institut Français de Dresde (Allemagne) et en 2006, à la galerie François Miron (Paris), lors du Mois de la Photographie. Elle bénéficie de la sélection officielle « Paris Jeunes Talents 2006 » puis reçoit le premier prix universitaire de la Photographie à Strasbourg en 2007. Engagée dans de nombreux projets d’exposition en France et à l’étranger, elle achève son doctorat de philosophie autour de la question du visible et de l’invisible dans l’histoire de la photographie et de la littérature.
En 2007, elle est entrée à l’Agence Magnum Photos comme assistante chargée de production puis comme chargée de projets spéciaux.
Illustration : Anne-Lise Large
PUBLICATION :
Catalogue 48 pages avec un texte d'Hélène Cixous
Prix de vente : 15,00 €
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