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ÉCRITS SUR L'ART

Traité de peinture en pigments précieux

Dirk Weber

Voici un livre inclassable. Au premier abord, son propos peut sembler très étroit - les pigments issus de pierres précieuses - et e s’adresser qu’aux spécialistes. Les pages finales sur la « prise d’huile » (le volume d’huile qu’il faut ajouter à la masse de pigment pour avoir des couleurs utilisables en peinture) renforcent la crainte. Derrière le propos sérieux, se cache cependant un petit bijou de style, où les mots sont eux-mêmes précieux (ressouvenir, ce nonobstant) et les phrases travaillées comme des gemmes antiques (le rendu de la « pruine dessus chaque grain de raisin » exige l’usage du rubis). Sans que cela pèse, s’élabore ce bref traité de maître pigmentier qui nous démontre que nous sommes très-incapables de distinguer les couleurs (en tout cas, leurs degrés avec cette dizaine de bleus, du « minore » au « sopra maggiore » utilisé par Mignard), que nous ne savons aucunement comment elles sont faites, et que tout cette ignorance nuit fortement à notre appréciation de l’art. Du lapis-lazuli intégral, qui coûte dix fois le prix de l’or, au mystère du recul de l’azurite, si en vogue au XVIIIe siècle, et aux propriétés de la malachite, dont Rosalba Carriera fut une utilisatrice virtuose, on creuse des chemins de traverse dans l’histoire de l’art. Au passage, l’auteur, le mystérieux G. Bodenstein, l’affirme bien fort : le seul peintre français vraiment divin, c’est Le Sueur. On se pose davantage de questions à l’issue de la lecture qu’à son commencement, et c’est très bien.

• Traité de peinture en pigments précieux chez Dirk Weber, près la gare de chemin de fer de Bonn (mais on le trouve aussi en librairie…), 2006, ISBN : 978-9995071509, 14,80 €


Critique parue dans la newsletter N° 53 - du 21 juin 2007 au 27 juin 2007