Rodin/Bourdelle Correspondance

Que peuvent se dire deux grands artistes qui s’estiment et qui aiment à s’entretenir ? Pour ceux d’aujourd’hui, peut-être ne le saurons-nous jamais, les mails et les conversations sur portable étant fortement périssables. Pour les anciens, nous possédons des documents éclairants, les lettres manuscrites… Entre Rodin (1840-1917) et Bourdelle (1861-1929) que séparaient deux décennies, on en compte bien 320, échangées de 1891 à 1912. D’un côté, on ne se départira jamais du « Cher maître » (Bourdelle n’oublie pas qu’il a travaillé pour Rodin), de l’autre on passera du « Cher Bourdelle » au « Cher grand ami ». On se confie sur l’art, la création pure mais aussi sur des sujets très concrets – Rodin indique qu’il cherche « un modèle homme d’une quinzaine d’années environ, bras ronds », Bourdelle décrit un château qu’il a visité en Suisse ou fait des listes d’objets antiques qu’il a vus chez les antiquaires. La liberté, la vivacité de ces missives font leur intérêt en rendant leur humanité à deux monstres sacrés.

• Rodin/Bourdelle Correspondance, édition de Colin Lemoine et Véronique Mattiussi, Gallimard, 2013, 416 p., 25 €.