Le cahier dessiné
Dirigé par Frédéric Pajak
Le dessin, qui semblait être, comme la poésie, une valeur en baisse, une quantité négligeable dans un monde plein d’animations et d’effets spéciaux, se retrouve inopinément, par un événement tragique, un facteur capable de mobiliser des foules et de déchaîner les passions (surtout les haines). Qui l’aurait cru ? La grande exposition de 700 dessins (du début du XIXe à nos jours) à la Halle Saint-Pierre, à Paris, est une coïncidence heureuse. Elle montre la puissance, non plus dormante, de ce medium, capable de convoquer l’érotisme, la peur, l’absurde, le blasphème (peut-on encore prononcer le mot ?) De Victor Hugo à Tomi Ungerer, de Vallotton à Topor, la rétrospective (jusqu’au 14 août 2015) et le numéro spécial du Cahier dessiné qui l’accompagne comprennent des moins connus et des plus jeunes, et une quantité de découvertes. Ainsi les architectures hallucinées de Frédéric Lonné (1910-1989), les indignations de Pierre Fournier (mort à 36 ans en 1973). Ou encore les vues impeccables de Bourges par Marcel Bascoulard (1913-1978), qui erra des années dans sa ville, habillé en femme, avec un lourd secret (le meurtre de son père par sa mère) avant de finir lui-même assassiné dans une cabine de camion sur un terrain vague. A croire que le dessin est vraiment une matière explosive…
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Critique parue dans la newsletter N° 373 - du 22 janvier 2015 au 28 janvier 2015