Ombres portées
E.H. Gombrich
L’hiver est la saison idéale pour surveiller son ombre. Avec le soleil rasant, elle est longue et très encombrante. En réalité, sommes-nous si sensibles à sa présence ? Si tout le monde a remarqué que les ombres sont accentuées chez les ténébristes du XVIIe siècle, Caravage ou La Tour, qui a noté, en revanche, qu’elles sont quasiment absentes de la peinture de la Renaissance ? Léonard conseillait de voir le monde à travers une sorte de brume, un soleil voilé… Ce court essai de Gombrich (écrit en 1996, à 87 ans) est une manière d’histoire de l’ombre, et de ses éclipses. Le discours s’appuie sur les collections de la National Gallery de Londres, qui permettent de couvrir la plupart des typologies - sauf les premiers exemples sur les mosaïques de l’Antiquité ! Des primitifs flamands à Chirico, elles contiennent des figures virtuoses comme les ombres sur des murs courbes (Joseph en Egypte de Pontormo), les ombres vues à travers un globe de verre (Salvator Mundi de Previtali) ou les effets d’ombres chinoises chez Wright of Derby (Expérience sur un oiseau dans une pompe à vide). On comprend le malheur de Peter Schlemihl, le héros de Chamisso, qui eut la mauvaise idée de vendre la sienne au diable…
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Critique parue dans la newsletter N° 418 - du 11 février 2016 au 17 février 2016