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EN DIRECT DE LA 54e BIENNALE DE VENISE

Dépêche 5 : Lumière sur l'art contemporain

Jacopo Robusti dit Le Tintoret, La création des animaux, 1550-1553. Gallerie dell'Accademia, Venezia.
Courtesy Ministero per i Beni e le Attività Culturali (MIBAC)

L’exposition montée par Bice Curiger se déploie sur l'ancien pavillon italien des Giardini et s’étend aussi sur une grande partie de l'Arsenal. Comme le thème choisi par Curiger («Illuminations») le suggère, l’objectif est de faire la lumière sur la scène artistique contemporaine. De façon surprenante, le visiteur y est préparé par trois peintures du grand artiste du XVIe siècle vénitien, Tintoret, placées à l'entrée du pavillon central. En mettant en avant Tintoret, un maître vénitien travaillant avec la lumière et la couleur, Curiger pose une norme contre laquelle vont être évalués ses choix en art contemporain. Que doit-on voir dans cette comparaison ? Que Tintoret ne peut pas être dépassé ? Que la peinture continue de dominer la hiérarchie des différentes techniques ? Que les artistes et les spectateurs ne devraient jamais perdre de vue l’histoire et le contexte ? Ce sont les pensées qui pourraient agiter le visiteur abordant la sélection de la commissaire.

Tintoret n’est peut-être pas une présence arbitraire, mais il pose problème. En dehors du fait qu’il impose des concepts de lumière et de couleur, le travail de Tintoret rappelle aux spectateurs la position contestée de Venise dans l'histoire de l'art - non pas centrale au XVIe siècle (à moins d’être un peintre vénitien!) et pas la seule Biennale au XXIe siècle. La question serait plutôt : est-ce que cette 54e Biennale remet Venise au centre de l'art contemporain? Au temps de Tintoret, la dispute était entre colore et disegno. Aujourd'hui, c'est entre l'art et le marché - et l'influence envahissante d’intervenants comme François Pinault et Victor Pinchuck, qui utilisent tout deux la Biennale pour montrer leurs collections privées, n'est pas salutaire.

Christian Marclay, The Clock (2010), vidéo.

Les Tintoret à l’entrée de «Illuminations» sont repris en écho par Christian Marclay (The Clock, qui lui a valu le Lion d’or) à la fin : l’exposition de Curiger commence par l'intemporel et se termine par une œuvre qui ne traite que du temps. Un montage de 24 heures d'extraits de films mettant en vedette des montres et autres instruments de mesure du temps, The Clock a été la plus grosse sensation de la Biennale, ce qui suggère qu’un appétit pour la narration existe encore chez les critiques et les journalistes qui couvrent l'art contemporain.

Libia Castro/Olafur Olafsson, Il Tuo Paese Non Esiste (2003 à aujourd'hui)

Un intérêt pour les grands récitatifs a été aussi mis en évidence dans plusieurs des pavillons nationaux, où l'opéra s’est révélé une forme idéale pour plusieurs artistes.

Pour l’Islande, Libia Castro et Olafur Olafsson ont filmé un chanteur d'opéra flottant sur les canaux de Venise en gondole, et chantant «Votre pays n'existe pas» devant des Vénitiens perplexes et des touristes interloqués.

Les Pays-Bas ont structuré leur pavillon comme un théâtre d’opéra, et beaucoup des textes d'accompagnement utilisaient l'opéra comme un outil de compréhension de la modernité néerlandaise.
Tout le monde, de Calvin et Rembrandt à Lully et Mondrian sont convoqués pour démontrer les liens entre drame et argent, entre créativité et consensus dans l’art hollandais.

Le pavillon allemand a repris l'installation de 2008 de Christoph Schlingensief, Fluxus Oratorio et a présenté des documents sur le Village Opéra du Burkina Faso, un projet sur lequel Schlingensief travaillait en 2010, au moment de sa mort.

Hajnal Nemeth, Crash - Passive Interview (2010)

La Hongrie a présenté une œuvre multimédia, qui projetait un opéra basé sur des accidents automobiles (incluant des BMW accidentées dans la galerie, et un livret vidéo de chanteurs d’opéra transmettant des entretiens avec des victimes d'accidents).

Hajnal Nemeth, Crash - Passive Interview (2010)

Cela peut sembler absurde mais la plupart des opéras ont des livrets assez mince, tandis que les accidents de voiture sont plus présents dans la vie du public du XXIe siècle que les histoires de fantômes.

Och & Thayer au Palazzo Zenobio. Photo : Marjorie Och

Correspondance de Preston Thayer (New Mexico State University) et Marjorie Och (Université de Mary Washington) depuis la 54e Biennale de Venise