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EN DIRECT DE LA 55E BIENNALE DE VENISE

Dépêche 1 de nos correspondants Preston Thayer et Marjorie Och

 

La 55e Biennale de Venise a ouvert hier, le 29 mai, à la presse. Mais les visiteurs curieux avaient déjà pu entrevoir, les jours précédents, des œuvres en cours d’installation dans la ville.


ELPIDA HADZI-VASILEVA (MACÉDOINE)

Notre première rencontre a été celle d’Elpida Hadzi-Vasileva, sur son travail Silentio Pathologia. Basée en Angleterre, l'artiste représente son pays d'origine, la Macédoine. Ce n'est que la quatrième Biennale « post-yougoslave » pour la Macédoine. Le spectateur se voit offrir un parcours labyrinthique qui commence avec une coque solide en tôle d'acier de 3 mètres de hauteur, traverse des rideaux formés de milliers de cocons de vers à soie, et ondule autour d'un déploiement de peaux de rats albinos tannées et cousues ensemble, pour se terminer avec des écheveaux de soie noire entourant deux cages où sont logés des rats vénitiens - vivants, blancs et apprivoisés.

Elpida Hadzi-Vasileva, Silentio Pathologia, détail. Photo: Marjorie Och


Les contrastes du dur et du tendre, du noir et du blanc, du transparent et de l'opaque établissent une dichotomie entre les morts et les vivants. Ici, l'artiste dessine une pathologie silencieuse de l'histoire - la peste bubonique, introduite à Venise au XIVe siècle, par l’intermédiaire de rats voyageant sur les navires engagés dans le commerce de la soie. Tout cela évoque la propagation rapide des maladies aujourd'hui, et la création probable de nouveaux virus demain. Une œuvre puissante et poétique qui met la barre très haut pour les installations qui tentent d'être à la fois locales et universelles.

Elpida Hadzi-Vasileva, Silentio Pathologia, détail. Photo: Marjorie Och


ARIEL GUZIK (MEXIQUE)

Une comparaison intéressante peut être faite avec Ariel Guzik, du Mexique. Il a construit une machine sonore haute de quatre mètres, appelée Cordiox, qui transforme les modifications de l’environnement en musique.

La température, l’humidité, la présence de personnes dans la salle - tous ces facteurs créent des vibrations dans un cylindre creux en quartz de 180 x 45 cm, avec seulement 5 mm d'épaisseur. Les cordes adjacentes (comme celles d'un piano) vibrent en harmonie avec le quartz, et créent des sons. Bien que le travail de Hadzi-Vasileva soit en grande partie artisanal, il aborde un souci très contemporain - la propagation des maladies. Bien plus high-tech, le travail de Guzik se concentre plutôt sur des idées d'harmonies naturelles («la musique des sphères»).

En dépit de leurs différences, les deux œuvres sollicitent de multiples interprétations et abordent de manière efficace la question de l’intégration au site. Silentio Pathologia est installé dans l'ancienne Scuola dei Laneri (la confrérie des travailleurs de la laine). Comme la soie, la laine était une marchandise dont les routes commerciales pourraient avoir été impliquées dans la propagation de la peste. Le Cordiox de Guzik est située à l'église de San Lorenzo, dont l'acoustique a été célébrée pendant des siècles par des sommités musicales comme Antonio Vivaldi. Bravo aux commissaires Ana Frangovska (Macédoine) et Itala Schmelz (Mexique) pour leur sensibilité dans le choix de sites qui permettent de jouir au mieux de l’œuvre d’art.

Ariel Guzik et sa machine Cordiox à produire des sons. 2013. Photo: Marjorie Och.


Preston Thayer et Marjorie Och depuis Venise.