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Musées

Sylvie Lecoq-Ramond, conservateur en chef du Musée d’Unterlinden

Une des œuvres virtuoses de Jost Haller, le retable de Bergheim, rare témoin du style de cet artiste méconnu.


Jost Haller Retable du Tempelhof
de Bergheim, vers 1445-1450,
détail, Musée d'Unterlinden,
Colmar © photo:O.Zimmermann
Le retable réalisé pour les chevaliers Johannites de Bergheim (Haut-Rhin) témoigne de l’exceptionnel talent de cet artiste méconnu. Rentré au musée en 1852, à la suite des confiscations révolutionnaires, Le «Retable du Tempelhof de Bergheim» fut l’objet d’une commande contractée par une filiale des hospitaliers de Strasbourg. Cette commanderie des chevaliers de Saint-Jean voulait voir réunis au sein de ce retable leurs deux saints patrons. Réalisé vers 1445-1450 pour l’église de la commanderie, on a longtemps crut qu’il s’agissait d’une prédelle. Plus récemment, on pense que c’est un retable d’hôtel qui devait être placé devant la caisse de l’hôtel.

Le panneau tout en longueur reçoit deux scènes religieuses. Dominant pratiquement tout l’espace, elles sont représentées au premier plan sur un fond de paysage commun : la Prédication de saint Jean-Baptiste (à gauche) et le Combat de saint Georges avec le dragon (à droite). Le motif du perroquet, perché à droite sur le rocher surplombant saint Georges, assure cette unité. En effet, symbolisant l’éloquence, il est lié à Saint Jean-Baptiste le prédicateur et non à Saint Georges. Contraint d’adopter pour cette partie une composition horizontale, Jost Haller a choisi la représentation du combat à pied du saint qui est connue en gravure, une génération avant lui, par le maître E. S. et le Maître des cartes à jouer. L’attaque du guerrier s’élançant avec fougue vers son adversaire semble trouver son modèle dans l’une des miniatures de Jean Fouquet.


Jost Haller Retable du Tempelhof
de Bergheim, vers 1445-1450,
détail © Musée d'Unterlinden,
Colmar
L’œuvre frappe par ses couleurs acides tels que le rouge, le vert qui sont surtout présents dans la scène de Saint Jean-Baptiste. Ces coloris se retrouvent également dans la Crucifixion du même peintre et nouvellement acquise par le musée, mais aussi dans certaines miniatures provenant du Livre de prières de Lorette d’Herbeviller. Les figures élancées, douces et figées aux yeux grands ouverts en amande semblent arrêtées dans leur action. La gamme colorée, très riche aux couleurs vives, brillantes : le rouge framboise de la robe de la princesse, le carmin, le bleu azur du ciel, ainsi que des couleurs raffinées, le mauve en l’occurrence qui est très présent. D’autre part se distingue le traitement précieux de l’armure du chevalier, pour laquelle furent employées des feuilles d’or et d’argent. Le souci du détail se révèle, entre autres, par l’armure et la végétation, qui trouve son origine dans la peinture flamande, bien qu’il n’y soit jamais allé.


  Propos recueillis par L'Art Aujourd'hui
24.12.2001