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Musées

© Solomon R. Guggenheim Museum,
New York. Photo: Ellen Labenski

Réveillon amer pour les musées new-yorkais

Les attentats du 11 septembre ont bouleversé le paysage culturel américain. Face à la baisse de la fréquentation, licenciements et réorganisation sont à l’ordre du jour.

Le plus exposé est aussi le plus médiatique des musées new-yorkais. Le Guggenheim est devenu global avant les autres mais au prix d’investissements considérables pour ouvrir de nouvelles structures à travers le monde et aux Etats-Unis même. Deux clones ont été inaugurés au début du mois d'octobre à Las Vegas. La direction a rapidement reconnu que les chiffres de fréquentation y étaient bien inférieurs aux prévisions.

Les choix de Thomas Krens, le flamboyant patron du groupe, sans appel il y a encore quelques mois, sont aujourd’hui contestés. On lui reproche notamment de ne pas avoir su augmenter l’endowment de la fondation Guggenheim qui est passé de 24 à 37 millions de dollars en dix ans, alors que d’autres institutions réalisaient des performances bien supérieures. Fait notable, le capital a été écorné de 23 millions de dollars l’an dernier pour combler les dettes. Les attentats du 11 septembre ont frappé de plein fouet le vaisseau-amiral, le Solomon Guggenheim dessiné par Franck Lloyd Wright. Un quart de ses visiteurs seulement proviennent de New York et 50% sont des touristes étrangers. Se muant en gestionnaire avisé, Thomas Krens a aussitôt lancé un plan de licenciement – 80 personnes sur 400 ont été remerciées au siège – et de «rééchelonnement» des expositions. Les rétrospectives Matthew Barney et Kasimir Malévitch en font les frais. Même si cela n’a pas été annoncé formellement, le nouveau projet de Guggenheim à Rio de Janeiro pourrait être annulé ou reporté.


Le Metropolitan Museum ne se porte guère mieux. Les estimations y font état d’une perte d’un million de francs par semaine en raison d’une baisse de la fréquentation d’environ 25% : moins de monde aux expositions, cela signifie aussi moins de monde aux restaurants, moins de monde dans les boutiques… Pour ajouter à la déconfiture, le parking du musée, qui apportait des revenus supplémentaires, a dû fermer pour des raisons de sécurité. Au Whitney, la chute approche le seuil de 30% et l’on a retiré du programme une exposition Eva Hesse. Quant au Smithsonian Institute, son budget, qui dépend de la Maison Blanche, devrait être diminué de 45 millions de dollars. Cela n’aurait pas d’effet visible dans l’immédiat. Mais ses deux grands musées en restauration – l’American Art Museum et la National Portrait Gallery – n’ouvriraient qu’en 2006 et non en 2005.


Les musées new-yorkais sont confrontés à un effet bien connu de ciseau. D’un côté les recettes baissent, et pas uniquement à cause de la flexion du nombre de visiteurs ; les donateurs, d'habitude très généreux aux Etats-Unis, se montrent beaucoup plus prudents ou sont eux-mêmes en difficulté. Le cas d’Enron est emblématique : le colosse de l’énergie, qui vient de faire faillite, soutenait de ses largesses aussi bien les musées de Houston que le Guggenheim. De l’autre côté, les coûts augmentent : les frais de sécurité et de gardiennage sont évidemment en hausse mais également les polices d’assurance.

Pour faire face à ce qui est présenté par le Center for Urban Future comme «la plus grave crise que les institutions artistiques aient eu à affronter en 30 ans», les fondations se mobilisent pour apporter une aide significative. C’est le cas de la Andrew W. Mellon Foundation, créée par l’ancien roi de l’acier. Disposant d’un capital de près de 4 milliards de dollars, qui lui autorise un investissement annuel de 170 millions de dollars, elle a annoncé en novembre avoir mis en place un fonds de 50 millions de dollars, qui sera utilisé pour des subventions pouvant s'élever jusqu'à 2 millions de dollars. Conscient de l'urgence, le président de la fondation, William Bowen a souligné que les fonds seraient très rapidement débloqués.


 Rafael Pic
02.01.2002