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Affiche de Jules Grandjouan,
La révolution, 1906
© Collection Bernard et Annette Langevin

Grandjouan ou le trait de la révolte

En attendant la rétrospective de l'Hôtel des Invalides, un ouvrage invite à la découverte de l’affichiste anarchiste Jules Grandjouan.

Plus qu’un catalogue d’exposition, cet ouvrage est un véritable manuel de l’affiche politique illustrée en France. Artiste nantais, Jules Grandjouan peut être considéré comme un féroce détracteur des institutions dominantes de son époque : l’Église, la police, l’armée et la justice subissent la virulence de ses satires. La puissance communicative de ses affiches contribue à sa notoriété. La richesse des événements politiques et artistiques des années 1900-1930 donne à l’artiste matière à exercer sa verve. Très lié aux milieux de gauche, Jules Grandjouan dénonce les injustices de la Troisième République et revendique une totale liberté d’expression. Ce catalogue, largement illustré, donne la possibilité de mesurer toute la différence qui existe entre l’ironie d’un Daumier et la violence d’un Grandjouan. Le lecteur peut suivre l’évolution stylistique de Jules Grandjouan, ses affinités avec certains courants politiques, les différentes phases de sa vie ou encore ses rapports avec ses contemporains. Mais il n’est nullement nécessaire de respecter l’ordre des chapitres, chacun d’eux étant consacré à un sujet précis : Créateurs, syndicalistes, intellectuels autour de 1900 ou encore Dessiner dans les années folles, les caricaturistes politiques.

Les articles écrits par des spécialistes comme Fabienne Dumont, Marie-Hélène Jouzeau ou Joël Moris restent accessibles et recèlent des informations précises et fondées. On y apprend que Grandjouan s’est rendu en Russie en 1904 pour enquêter sur les pogroms, qu’il fréquentait Van Dongen, Caran d’Ache, Juan Gris, Steinlen et qu’il a été condamné à 18 mois de prison pour des dessins antimilitaristes. L’article de Michel Dixmier sur la revue contestataire et artistique, «L'Assiette au beurre» retrace l’évolution de cette référence majeure de la presse satirique entre 1901 et 1912. À l’instar de «La Caricature» ou de «Charlie Hebdo», «L'Assiette au beurre» accorde à l’image une place prépondérante. Certaines pages de l’ouvrage, identifiables par leur couleur grise, rassemblent et confrontent les motifs récurrents du langage publicitaire. Ainsi l’image du couteau entre les dents des hordes communistes trouve sa place sur une carte postale de 1914 comme sur la sérigraphie «Renault Flins» de 1968.

Un défaut cependant : malgré la multitude d’illustrations, des légendes complètes, aucun index ne permet de retrouver une affiche citée dans le texte. La seule solution reste alors de passer en revue les 285 pages de l’ouvrage. À moins de connaître parfaitement l’œuvre de l’artiste ! On ne peut qu’apprécier la qualité graphique des planches reproduisant les affiches mais aussi les dessins préparatoires et certains gros plans sur des détails éloquents. La comparaison de l'œuvre de Grandjouan avec ses prédécesseurs et l'avis éclairé d'artistes d’aujourd’hui comme Cabu, Gébé, Plantu ou Willem sont instructifs. La dernière partie de l’ouvrage recense les lieux où sont conservées des œuvres de Grandjouan : les Silos à Chaumont, le musée d’histoire contemporaine ou encore le musée du Château de Nantes.


 Stéphanie Magalhaes
30.01.2002