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Expositions

Ma banlieue bien-aimée

Usines, chantiers ou bateaux lavoirs : depuis deux siècles, les alentours de Paris frémissent d’une intense vie ouvrière.


Marie-Anne Lanciaux-Ronis, Jardin
de banlieue
, huile sur toile, musée
de l'Ile-de-France, Sceaux (en dépôt à
la maison Crous de Châtenay-Malabry)
La peinture peut offrir un agréable voyage dans le temps. Prenez, par exemple, l’île Seguin à Boulogne-Billancourt, dont la reconversion alimente actuellement les polémiques : dans une huile de Louis Charles (vers 1900), on la voit avant que Louis Renault n’y installe ses ateliers. Dieu ! que la banlieue savait être bucolique. Pour nous en souvenir, il ne reste guère qu'une poignée de jardins ouvriers, de ceux que chroniquait avec un amour non feint Marie-Anne Lanciaux-Ronis, l’épouse du photographe Willi Ronis. En revanche, les cheminées dont les fumées noircissaient le ciel – celles que Kupka peignit à Puteaux en 1906 sont emblématiques - ont pour la plupart disparu, remplacées par celles, moins nombreuses mais encore plus élevées, du Syctom, le syndicat intercommunal chargé de l’incinération des ordures ménagères. Chez Maurice Falliès, les usines de l’entre-deux-guerres sont alignées en une impressionnante théorie sur les quais du chemin de fer à Saint-Denis. A Gentilly, patrie des tanneurs, elles sont postées le long de la Bièvre.


André Lhote, L'usine à gaz, huile sur
toile, 1937, musée de l'Ile-de-France,
Sceaux.
Devant ces évocations, on est aussi dépaysé que si l’on observait des tribus de Sioux ou d’Algonquins. Que sont devenus les blanchisseuses et les violoneux du Bas-Meudon que dépeint Louis Tauzin (vers 1890) ? Et ces vendangeurs d’Argenteuil, croqués par un certain Debreaux, qui en conserve le souvenir, en dehors des livres d’histoire ? Avant que les nouvelles directions prises par l’art entraînent le dépérissement de cette forme de témoignage (mais elle a survécu par l’entremise de la photographie), les peintres n’éprouvaient aucune honte à planter leur chevalet devant ces instantanés de vie quotidienne, ces campaniles fumants, ces bords de Seine anonymes. Quelques-uns ont persisté. Après les verriers de Louis Tauzin, les maçons de Maximilien Luce, les terrassiers trapus de Marcel Gromaire, les casseurs de cailloux de Jules Dalou, c'est Edouard Pignon qui étudie les électriciens en 1955. Plus près de nous, Jean Kiras a produit une série au crayon sur les vêtements de travail (1980), Jurg Kreienbuhl a enregistré patiemment la construction de HLM et Yves Collet celle de l'arche du CNIT, à la Défense, en 1958.


 Rafael Pic
07.01.2002