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Patrimoine

Eric Gill, Ariel, 1932, © BBC

La BBC et l'affaire des tableaux perdus

La plus célèbre des stations de radio du monde vient de lancer une initiative inattendue. Désireuse d’effectuer le recensement de son patrimoine artistique, elle a demandé à ses employés de rendre les œuvres «empruntées».

Le plus célèbre service radiophonique du monde est engagé dans de grandes manœuvres. La nomination en septembre de son nouveau président, le milliardaire Gavyn Davies, a été reçue avec circonspection car il s’agit d’un ami proche du chancelier de l’Echiquier, Gordon Brown. Mais les remous sont passés inaperçus, dix jours à peine après les tragiques événements américains. Dans le même temps, le choix de Tessa Jowell, ministre de la Culture, a satisfait les critiques qui voyaient dans la politique du précédent directeur, Greg Dyke, une dérive sans issue vers un commercialisme à outrance. Gavyn Davies, qui connaît la maison puisqu’il était le bras droit de Greg Dyke, poursuit les grands projets architecturaux – refonte de Broadcasting House à Londres et construction d’un nouveau centre en Ecosse, confié à James Chipperfield.


Broadcasting House,
par Val Mayer, 1932, © BBC
Il a par ailleurs lancé une initiative inédite en demandant le recensement de tous les objets d’art qui sont la propriété de la BBC. Si certains sont des biens immeubles, comme les sculptures de la façade, dues à l’artiste Eric Gill, il semblerait qu’un certain nombre de tableaux, dessins et autres œuvres d’art aient disparu des bureaux. Un expert, Emily Cruz, a été chargée d’effectuer l’inventaire. L’annonce en a été faite le 5 janvier sur le site internet de la BBC, BBC Online, dans la création duquel ont été englouties des fortunes (plus de 70 millions d’euros pour la seule année 2000) mais qui est aujourd’hui dans le peloton de tête européen (près de 5 millions de visiteurs par mois). L’accroche «BBC hunts for missing art» («BBC : la chasse aux œuvres d’art perdues» a dépassé les intentions de ses promoteurs. La presse s’est aussitôt inquiétée d’éventuels vols et malversations.

«Il n’en est rien, précise Donald Steel, l’un des responsables. Les pièces de plus grande valeur sont conservées dans les archives. On y trouve notamment des lettres et de nombreuses partitions originales. Quant aux œuvres d'art qui ornent les bureaux, il s'agit plutôt de portraits des dirigeants ou de vues du bâtiment. Celles qui manquent n'ont pas forcément été volées. Beaucoup ont, au contraire, été emportées pour éviter qu'elles ne soient perdues lors de déménagements intérieurs ou jetées car ne correspondant plus aux goûts du moment». Le bâtiment, conçu par l'architecte Val Mayer, est en revanche un bon exemple de l'architecture «paquebot» des années trente. Pour lui laisser la place, on n'a pas hésité à l'époque à démolir une charmante rotonde georgienne due à John Nash. Les sculptures d'Eric Gill, qui représentent Ariel et Prospero, ont défrayé la chronique et choqué les ligues de vertu en 1932. On raconte qu'un député, décimètre à la main, souligna l'inconvenance des parties intimes d'Ariel. Le célèbre sculpteur Art déco dut réduire lui-même les attributs du personnage shakespearien…


 Rafael Pic
09.01.2002