Accueil > Le Quotidien des Arts > Nini, réducteur de têtes

Expositions

Jean-Baptiste Nini,
Benjamin Franklin américain
© Musée des beaux-arts de Blois

Nini, réducteur de têtes

Le château de Blois aborde les portraits de petit format à travers l’œuvre de Jean-Baptiste Nini et de ses contemporains. Barbara Sibille, commissaire de l’exposition, nous initie à l’artiste.

Quel est le parcours artistique de Nini ?
Barbara Sibille.
Né à Urbino, en Italie, en 1717, Jean-Baptiste Nini commence sa formation à l’Académie clémentine de Bologne dans les années 1730. En 1735, il obtient le prix Marsili de la seconde classe de sculpture et excelle déjà au travail de l’argile. L’artiste parcourt ensuite le monde à la recherche de nouvelles commandes. A Vérone, il se lie d’amitié avec un riche marchand de soie, Pier Antonio Serpini. Son séjour à Madrid débute par un franc succès pour son alphabet illustré et s’achève par un emprisonnement de deux ans pour vol et hérésie. C’est à Paris qu’il s’initie, à partir de 1758, à l’art du portrait en médaillons. Il y construit sa notoriété grâce à sa rencontre avec Jacques Donatien Leray de Chaumont, intendant de l’hôtel Royal des Invalides et propriétaire du château de Chaumont-sur-Loire. Très prisés à la cour de France, ses portraits apportent un témoignage de la société de son époque, des souverains aux aristocrates en passant par les membres du clergé.

Vos recherches ont-elles permis d'affiner la chronologie concernant l'artiste ?
Barbara Sibille.
Avant de faire escale à Blois, l’exposition était présentée au Palazzo Ducale d’Urbino. Il y a en France deux collections majeures des œuvres de Nini : celle d’Alfred Villers, conservateur du musée de Blois, et celle du prince Amédée de Broglie au château de Chaumont. Seules deux biographies, datant du 19e siècle, relatent la vie de ce maître du médaillon sculpté. Nos recherches se sont basées sur ces précieuses traces écrites, sur les archives françaises mais aussi sur la collaboration avec un professeur d’université d’Urbino et son collègue espagnol qui ont permis de faire le point sur le passage de l’artiste dans ces deux pays. Si l’Italie ne possède pas de sculpture de l’artiste, les gravures y sont nombreuses. Ces recherches ont abouti à une nouvelle chronologie de ses œuvres de 1762 à 1785 avec des datations plus précises.

On remarque un Benjamin Franklin au bonnet de fourrure.
Barbara Sibille.
Cette pièce est certainement une commande de Jacques Donatien Leray de Chaumont, entre 1777 et 1779, pour immortaliser l’un de ses hôtes, Benjamin Franklin. Représenté à la manière des philosophes français, souvent coiffés d’un bonnet, ce portrait est le plus célèbre de l’artiste. Tiré à sept cents exemplaires, le Benjamin Franklin au bonnet de fourrure est présent dans d'importants musées français ainsi qu’à Londres et à New York. Le naufrage du bateau transportant la centaine d’exemplaires destinés à l’Amérique reste également lié à l’histoire de l’œuvre.

En quoi son œuvre est-elle importante dans l’histoire du portrait sculpté dans l’art occidental?
Barbara Sibille.
Injustement oublié, Jean-Baptiste Nini fréquente et travaille pour des grands noms de la vie politique et culturelle : Louis XV, Louis XVI, Catherine II de Russie, Voltaire, le comte de Caylus, Benjamin Franklin. L’artiste s’inspire des médailles de la Renaissance, déjà remises à l’honneur par Pisanello au 15e siècle. La virtuosité avec laquelle il recrée cette forme d’art le place en maître du médaillon sculpté au 18e siècle. Il n’est pas étonnant de constater que des sculpteurs comme Jean-Antoine Houdon ou David d’Angers se sont partagés son héritage.


 Stéphanie Magalhaes
10.01.2002