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Expositions

Monet : une affaire rentable

Une grande exposition et un colloque en Italie, des enchères londoniennes en février : le maître français est sur tous les fronts.


Claude Monet, Prairie de Limetz,
en vente le 4 février 2002, Christie’s London
Trévise figure depuis longtemps sur les itinéraires du tourisme raffiné. Il faudra maintenant la placer sur la carte de l’impressionnisme. L’exposition que la jolie cité vénète consacre actuellement à Monet vient de dépasser les 300 000 visiteurs. A sa clôture, le 17 février, elle devrait flirter avec les 400 000 entrées, soit cinq fois la population locale… Quel est le secret de cette réussite ? Marco Goldin, 41 ans, conservateur du musée de Conegliano et fondateur de la société Linea d’Ombra, ne se cache pas derrière des périphrases. La recette, c’est l’impressionnisme ! «Les expositions qui fonctionnent, du moins en Italie, peuvent être divisées en trois groupes : l’impressionnisme, l’archéologie – les Grecs, les Goths, les Etrusques – et les grands maîtres du passé comme Caravage ou Titien. En 1996, j’ai fondé ma société, avec un salarié. Aujourd’hui, j’en ai quinze. Le chiffre d’affaires est passé d’environ 1 million d’euros en 1998 à 6 millions l’an dernier. Notre approche a été d’organiser des expositions de qualité sur l’histoire de l’impressionnisme en s’assurant le prêt de tableaux importants – ce qui implique 4 ou 5 mois de voyages de prospection – et en soignant nous-mêmes la communication, le merchandising, l’édition des catalogues.»

Après les 80 000 visiteurs de 1998 («De Van Gogh à Bacon»), les 195 000 de 1999 («De Cézanne à Mondrian») et les 230 000 de 2000 («Naissance de l’impressionnisme»), Linea d’Ombra, associée à la fondation bancaire Cassamarca, bat un nouveau record, avec des chiffres qui feraient saliver plus d’un musée. Pour ne pas être suspecté de ne s’intéresser qu’au «business» grand public, les expositions se doublent à partir de cette année d’un colloque international. Le premier se tient aujourd’hui et demain, sous la direction de Rodolphe Rapetti, Michael Zimmerman et MaryAnne Stevens, qui présentera notamment une communication sur la difficile datation des toiles de Monet et sur l’habitude du peintre vieillissant de retravailler ses tableaux. Anne Distel, du musée d’Orsay, offrira un petit «scoop» : la correspondance avec le baron d’Estournelles de Constant, prix Nobel pour la paix, qui révèle un Monet aux opinions politiques très ancrées à gauche.

Là ne s’arrête pas l’actualité concernant Monet. On le reverra en tête d’affiche le 4 février. Christie’s met en vente à Londres Prairie de Limetz (1888), un tableau longtemps tenu caché par son actuel possesseur. L’œuvre, estimée à 3 millions de £, a été brièvement exposée à Londres le 11 janvier, pour la première fois depuis 1889, lorsqu’elle avait été achetée par Théo Van Gogh. Sotheby’s place la barre aussi haut en proposant le lendemain deux toiles, Arbres au bord de l’eau. Printemps à Giverny (1885), qui bénéficie d’une évaluation similaire, et Saules au soleil couchant (1889), à 0,8 millions de £. Soit, en deux jours, une offre de Monet avoisinant les 10 millions d’euros. On sait le marché gourmand d’impressionnisme. Mais ne risque-t-on pas l’indigestion ?


 Rafael Pic
16.01.2002