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Marché

New York se met au dessin

Trois ans après le succès de la vente du Christ et de la Samaritaine de Michel-Ange, la fondation suisse Martin Bodmer se sépare d'une quarantaine de dessins.


Urs Graf (1485-1527), Femme portant
un chapeau à plume, paysage à l'arrière
,
1511. Estimation : 300 / 500 000 $
Comment Martin Bodmer a-t-il constitué cette collection ?
Charles Mela, directeur du conseil de la Fondation Martin Bodmer. À la fin de sa vie, Martin Bodmer (1899-1971), d'origine zurichoise, s’est installé à Genève. Passionné par toutes les «expressions écrites de l’intuition artistique», il a décidé de compléter sa collection de papyrus, manuscrits, incunables, livres, autographes et partitions qui comptait déjà près de 160 000 pièces… Il a choisi les œuvres graphiques qui, selon lui, traduisaient, bien mieux que les tableaux, le jaillissement de la pensée. Dans les années 1950-60, il a rassemblé une centaine de specimens caractéristiques des courants de l’art, du Quattrocento jusqu’à Cézanne, et même au-delà.


Nicolas Poussin (1594-1665),
Études d'après des reliefs antiques
Estimation : 200 / 300 000 $
Pourquoi avoir décidé de vendre une partie de cette collection ?
Charles Mela. Nous avons plusieurs raisons de nous séparer de cette quarantaine de pièces. D’abord, elles déparaient un peu avec la qualité de notre collection. Quand Martin Bodmer les a achetées, les attributions n’étaient pas aussi finement établies qu’aujourd’hui. Nous savons à présent que des dessins signés Dürer, Holbein ou Titien ne sont pas de la main du maître mais d’artistes de l'atelier ou de l'entourage. Et comme nous préparons l’ouverture d’un nouveau musée pour 2003, dans un bâtiment conçu par Mario Botta, nous conservons les œuvres qui y trouveront leur place. Des pièces qui ont un rapport étroit avec notre bibliothèque comme un Faust de Delacroix qui fait écho au manuscrit de Goethe, le King John de Blake qui rappelle l’important fonds Shakespeare ou la Bénédiction d’Isaac de Rembrandt, qui renvoie à la Bible, l’un des piliers de notre collection.

Y-a-t-il une autre raison à l’organisation de cette vente ?
Charles Mela. Oui, nous voulons que notre collection soit vivante. Pour cela, il faut continuer à vendre et à acquérir. La vente du Christ et la Samaritaine de Michel-Ange (Ndlr chez Sotheby’s, le 28 janvier 1998) nous a rapporté environ 10 millions de francs suisses, de quoi financer les travaux pour le nouveau musée. En 2000, nous avons acheté les premiers placards de «Du côté de chez Swann» issus de la collection de Jacques Guérin, ceux où le titre «À la recherche du temps perdu» remplace « Les intermittences du cœur »… Alors, si nous souffrons un peu de nous séparer de ces pièces superbes, il s’agit d’un choix. Le résultat de la vente sera entièrement destiné à un fonds d’acquisitions futures et nous espérons ainsi ne plus passer à côté du « Voyage au bout de la nuit » de Céline ou d’« On the road » de Jack Kerouac.


 Zoé Blumenfeld
23.01.2002