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Marché

Le musée dicte sa mode

De l'écharpe à la petite tasse, des lunettes au parapluie, on peut désormais consommer «tout musée».


© Françoise Monnin
Se mettre à l'abri sous les bulles du Jardin des Délices de Jérôme Bosch ou sous les fanfreluches des Ménines de VélaSquez (parapluies Layma), arborer une cravate dont les motifs sont empruntés à Picasso (VDH Galerie), ou un pin's représentant des danseuses de Degas (Multilana), et boire dans une tasse sur laquelle sont imprimés certains célèbres iris (Van Gogh Museum)… A droite, la Joconde montre ses dents, à la première page d'un carnet de notes (DDIE Delta Diffusion) ; à gauche, des moulages de bouddhas afghans veillent (Elya)… Les «arts maniaques» ont décidément tous rendez-vous, jusqu'à ce samedi soir, à la Porte Maillot : au fil des allées du Salon Museum Expressions, qui fête sa septième édition, tous les créateurs spécialisés dans les objets pour boutiques de musée sont là. Il y a certes quelques masques vénitiens et poupées russes dont on aurait pu se passer, mais pour le reste, les jolies idées de cadeaux pour amateurs d'art fleurissent sur l'essentiel des 250 stands.


© Françoise Monnin
Si la grande majorité des gadgets présentés se contentent de reproduire des chefs-d'œuvres populaires, sur des objets quotidiens plus d'une belle surprise est possible. Ainsi sur le stand de l'orfèvre britannique Paule Bolton, qui a redessiné, d'après certaines toiles, le bracelet de la femme de Rembrandt ou les boucles d'oreilles de la fille de Vermeer. C'est raffiné, gracieux, et cela s'emporte pour 12 £ 50 (les boucles) ou 36 £ (le bracelet). Le même artisan vient également de recréer l'unique boucle d'oreille de Shakespeare, d'après le seul portrait existant, à la National Portrait Gallery de Londres. A noter, aussi, l'élégante et conceptuelle sobriété d'écharpes et de bonnets de laine gris (Design Northern Ireland), simplement brodés, en blanc, des lettres du mot «museum»… Enfin, le plus réussi de tous est peut-être le stand des cafés Illy, qui n'en finissent pas réaliser des séries limitées de tasses rudement esthétiques, en demandant à certains artistes actuellement «branchés» d'en imaginer les décors. Il ne s'agit pas ici de reproductions mais bien de créations. Parmi les nouveaux services, si celui qu'a dessiné Jeff Koons est un peu ridicule, Marina Abramovic vient de concevoir un ensemble, à partir d'autoportraits photographiques pris en bord de mer, qui donne à la boisson traditionnelle une allure étrangement solaire et ludique. Les élèves de la Saint Martin's School de Londres ont également eu une idée lumineuse, en dissimulant au centre de chaque soucoupe un petit personnage, toujours différent (en fait, à chaque fois, il s'agit d'un des élèves de cette célèbre école d'art, photographié en pieds et en plongée). Il regarde intensément le buveur, qui ne le découvre qu'au moment où il lève sa tasse... Les plus jolis objets d'art sont décidément ceux auxquels on s'attend le moins.


 Françoise Monnin
12.01.2002