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Les commissaires priseurs laissent le temps au temps

Face à l'offre de Pierre Bergé, ouverte jusqu'au 31 janvier, et à celle du groupe Barclays, les actionnaires de Drouot SA choisissent l'attentisme.

La bataille qui se mène aujourd’hui a pour enjeu Drouot SA. Cette société anonyme à conseil de surveillance et directoire a été créée en 1990 pour fournir aux membres de la compagnie des commissaires-priseurs de Paris, qui en sont actionnaires, une assistance administrative, légale ou éditoriale (pour la publication des catalogues), etc. Drouot SA possède la Gazette de l’Hôtel-Drouot et l’Hôtel-Drouot, par l’intermédiaire de la SCI Drouot. Son capital social de 50 millions de francs a été converti le 22 novembre 2001 en euros en même temps qu’il a été légèrement augmenté pour s’établir à 8 millions d’euros. La Gazette de l’Hôtel Drouot est souvent présentée comme le joyau de Drouot SA. Entrée dans sa 110e année, elle tire à 60 000 exemplaires et dégage une large marge bénéficiaire.

Il est un point sur lequel les commissaires-priseurs de Drouot semblent concorder : c'est l’intérêt pour eux d’une union plus étroite afin de s’opposer efficacement aux géants anglo-saxons, nouvellement installés en France. Même ceux qui ont pris leurs distances en conviennent. Chez Tajan, on se dit bienveillant envers le scénario Bergé dans l’attente de mieux analyser le projet concurrent. Chez Poulain-Le Fur, même approche : «Nous souhaitons que Pierre Bergé réussisse dans son entreprise. Nos collègues de Drouot ne réussiront pas à s’unir tout seuls, ils ont besoin d’un chef de file, estime Rémi Le Fur. Francis Briest, qui s’est allié avec Artcurial, avec l’appui financier de la maison Dassault, se félicite de l’évolution : «La réforme provoque un certain nombre de changements dont je suis ravi. Nous avions pris les devants mais je vois que la redistribution des cartes est plus rapide que prévu. La loi stipule que les actifs de Drouot SA seront redistribués. On passe du virtuel au pratique. Les parts ne seront plus portées par la Compagnie des commissaires-priseurs de Paris mais par les 70 études, qui deviennent libres de les céder».

S'unir, oui. Mais comment, avec qui, et à quelle échéance ? La stratégie est, là, moins claire. Beaucoup semblent intéressés par le projet Bergé, qui aurait l'avantage d'une grande visibilité médiatique… tout en regrettant les modalités financières, jugées insuffisantes. «Nous sommes les premiers animateurs de l'Hôtel-Drouot, en chiffre d'affaires, et les premiers locataires. Et nous avons bien l’intention de continuer à y vendre, précise maître Audap, de Piasa. Nous sommes prêts à apporter nos parts à Pierre Bergé. Cela dit, nous étudions la proposition de BPE, nous sommes pour le mieux-offrant.». Le principal point d’achoppement de la proposition de Pierre Bergé est l’estimation de la valeur des parts de chaque étude. Le capital de Drouot SA est divisé en 144 parts. Chaque étude dispose, sauf exception, de 2 parts, dont l'une représente un quota de la Société Civile Immobilière. Pierre Bergé propose 300 000 euros par part. «C'est trop peu, estime maître Ader, quand vous connaissez les comptes, le montant des réserves, les actifs que sont la Gazette et l'Hôtel-Drout. Il faut une augmentation - raisonnable - de cette offre.» Les commissaires-priseurs ne semblent donc pas pressés de répondre favorablement au patron d'Yves Saint Laurent. Maître Briest estime que sa date «est morte» et que d'autres candidats, proches du Crédit Lyonnais, se seraient déjà manifestés. Même analyse chez maître Binoche : «Même si la piste Bergé ne donne pas de résultat, elle aura eu le mérite de montrer aux commissaires-priseurs qu'ils possèdent un capital. Il y aura d'autres propositions. J'en connais qui n'attendent que le 31 janvier pour se manifester.» Le suspense ne sera pas long…




 Rafael Pic
21.01.2002