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Expositions

Le carnaval sous le crayon de Gavarni

Autrefois, pendant plus d’un mois, Paris se trouvait sous l’emprise de la drôlerie et de la farce. Gavarni nous fait revivre ces moments à travers ses dessins.


Gavarni Chicard,
séries «souvenirs du bal Chicard»
© Paris-Musées, 2001,
photo : Karine Maucotel
Trois grands dessinateurs se sont imposés au 19e siècle, Gavarni, Robida et Daumier. Grand ami de Balzac, Paul Gavarni (1804-1866) illustra un grand nombre de ses articles. Son originalité réside dans ses légendes, qu’il prenait soin de rédiger et dans ses dessins à la plume. Il portait un regard critique et surtout amusé sur la société de son époque, tout en restant neutre. On dit que son analyse sociale trouve son pendant littéraire dans la Comédie Humaine de Balzac. Ses dessins ne sont pas être des caricatures. D’une grande esthétique, ils sont très réalistes. Réputé pour être un «homme à femmes», Gavarni s’attachait à les embellir sous sa plume, même quand elles ne l’étaient pas de nature.


Gavarni,Et vos pauv' femmes ?
Affreux gueux !

© Paris-Musées, 2001,
photo : Karine Maucotel
De l’Epiphanie jusqu’au mercredi des Cendres, Le Viveur avait un goût prononcé pour l’amusement, en particulier pour les bals costumés, organisés un peu partout dans Paris, du «populo» au plus «sélect». De réputation européenne, il devançait à l’époque celui de Venise. Le Carnaval parisien, durant la première moitié du 19e siècle, était une véritable institution. Pour faire revivre les temps forts de cette période de licence joyeuse, 110 dessins et gravures, récemment acquis pour certains, témoignent de cette fête où tous les excès, ou presque, étaient permis. L’exposition s’ouvre avec la présentation des différents types de costumes : celui du sauvage au débardeur (ceux qui déchargeaient les bateaux), aussi bien porté par les hommes que par les femmes, ce dernier était le plus prisé car simple à réaliser, mais aussi celui du célèbre titi parisien, du garde-champêtre, de la duègne, de la messagère et bien d’autres… Les œuvres les plus amusantes sont sans aucun doute les « situations » de carnaval évoquées par Gavarni. Le thème du mari qui cherche sa femme désespérément, dit le « cocu », repris avec une certaine malice. Les scènes de séduction professionnelles faisant référence aux prostituées convoitant de nouveaux clients. Le thème de l’ambiguïté et de la tromperie illustré par des femmes déguisées en homme ou inversement, donnant lieu à un comique de situation.


Paul Gavarni, Série Nouveaux
travestissements

© Paris-Musées, 2001,
photo : Karine Maucotel
Cependant un obstacle demeurait, celui du «municipal» chargé de surveiller les bonnes mœurs : « Malheur à ceux qui se livreront à un entre-deux trop endiablé ou qui revêtiront un déguisement de nature à troubler l’ordre ou à blesser la décence ; ils risquent fort de terminer la nuit derrière les barreaux ! » écrit Balzac en 1841. En revanche, certains villages de la banlieue n’étaient pas soumis à la même surveillance, donc les carnavaliers pouvaient en toute tranquilité festoyés sans risque de répression. Ces gravures témoignent également de ce grand brassage social où se mêlaient étudiants, bourgeois, aristocrates et ouvriers, moment où les barrières traditionnelles s’annulaient. Cependant, il arrivait de rencontrer des bals privés où le calme et l’austérité étaient de rigueur. Grand observateur, Gavarni n’a pas omis d’évoquer les fins de bal, qu’elles soient fructueuses ou ratées. En effet, heureux celui ou celle qui aura trouvé chaussure à son pied pour terminer la soirée. Pour la situation inverse, une gravure fort amusante représente une jeune femme en présence de ses compagnons ivres morts et leur disant : « 1 fiole et c’est chaud, 2 fioles et c’est terrible, 3 fioles et voilà ce que c’est. On devine des lendemains difficiles…


 Souad Hali
31.01.2002