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Expositions

Bob & Roberta Smith
Courtesy Galerie Praz-Delavallade

Vernissages à la dizaine

Devenues un haut lieu de l’art contemporain à Paris, les galeries de la rue Louise Weiss inaugurent leurs nouvelles expositions.

Le public, comme à son habitude, était au rendez-vous samedi dernier pour le vernissage collectif des galeries des rues Louise Weiss et Duchefdelaville. Cette fois encore, on a pu observer le succès de ces galeries qui ont su s’imposer, malgré un emplacement a priori difficile, comme un lieu incontournable, un révélateur de la scène artistique contemporaine. Si les vernissages se font de concert depuis 1997, il n’y a cependant pas d’entente préalable sur la programmation. Cette autonomie assure la pluralité des artistes présentés et permet à chacune des galeries de préserver son identité. Les media investis sont divers, de la photographie couleur à la sculpture et la peinture en passant par l’installation sonore et le design.


Javier Vallhonrat, ETH, 2000
photographie couleur, 70 x 140 cm
Courtesy Galerie Emmanuel Perrotin
Les expositions prennent des formes différentes : chez Jennifer Flay, la galerie s’en fait le théâtre, l’espace est investi dans sa totalité, au-delà des traditionnelles cimaises. Sans dessus dessous consiste en une inversion des aires fonctionnelles et d’exposition, à l’occasion des travaux de réaménagement de la galerie. Le bureau et la réserve emplissent l’espace habituellement dévolu à l’exposition. Cette dernière se constitue de plusieurs performances, dont nous retiendrons celle réalisée par Tsuneko Taniuchi. Lors du vernissage, l’artiste japonaise s’est fait photographier devant un fond de nature sauvage, en tenue de mariée et en compagnie de maris fictifs choisis parmi l’assistance, en une séance de photos à l’issue de laquelle des certificats de mariage ont été établis. D’autres micro-événements auront lieu ces prochains samedis. La galerie Praz-Delavallade expose Bob et Roberta Smith. It Is Not Easy Being A Famous Artist propose, sur un mode ironique, une réflexion sur la nécessité, imposée à l’artiste, de «communiquer» sur son œuvre. Les Smith miment l’incompréhension et la très classique accusation d’imposture, par des pancartes insultantes adressées aux monuments de l’histoire de l’art, des mosaïstes de Ravenne à Beuys, en passant par Brunelleschi et Toulouse-Lautrec. Autant d’atteintes qui nous paraissent aujourd’hui blasphématoires à l’égard de ces artistes, désormais membres du Panthéon.

Quant à la photographie, elle s’est ménagée, une fois encore, une part non négligeable au sein de cette programmation. Chez Almine Rech avec Miwa Yanagi et chez Emmanuel Perrotin (Nano galerie) avec Javier Vallhonrat, c’est l’image et son travestissement, avoué ou dissimulé, qui sont ici interrogés, dans le cadre d’un propos largement fictionnel et narratif chez l’artiste japonaise ou d’une réflexion sur la frontière entre réel et fiction chez Vallhonrat. A noter, l’installation sonore chez Air de Paris, You du théoricien et artiste Joseph Grigely. Des noms d’artistes apparaissent sur des feuilles de papier de couleur et d’un bouquet de mini-enceintes, suspendu au plafond, nous parviennent des voix diverses qui prononcent, chacune à leur manière, le nom que l’on imagine lu sur ces feuilles. L’oralité prend chez cet artiste, devenu sourd à l’âge de onze ans, une dimension signifiante quand l’on sait qu’elle lui est désormais étrangère. Le spectateur et auditeur se voit ainsi offrir une œuvre qui échappe partiellement à son auteur. La galerie Kreo présente, quant à elle, les créations marquantes du design italien de ces cinquante dernières années, l’occasion pour ceux qui n’ont pas pu assister à la rétrospective Memphis remembered au Design Museum de Londres, de voir quelques unes des célèbres réalisations pyramidales et baroques des années 80 ainsi que leur ascendance.


 Raphaëlle Stopin
30.01.2002