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Expositions

Chassériau ressuscité

Le Grand Palais célèbre à partir d'aujourd'hui le plus romantique des élèves d'Ingres.


Chassériau, Etude de Saint Jean,
1842, musée Calvet © RMN
Magistrale leçon d'histoire de l'art, la rétrospective Chassériau est présentée dans un décor, fleurant l'Empire, qui lui sied bien. Tentures vert sombre, velours d'un rouge théâtral, cadres dorés : on se croirait dans l'atelier parisien, où le baron Chassériau (1819-1856) se plaisait à recevoir sa clientèle aisée, amateur de portraits, de tableaux d'églises ou de fresques décoratives. Chronologique, la présentation (200 œuvres) permet de découvrir, d'abord, les dessins très habiles de ce fils de diplomate en poste aux Antilles. Tôt repéré, un tel coup de crayon valut à l'artiste d'entrer dans l'atelier d'Ingres dès 1830 (il avait onze ans). Certes, on reconnaît le style du maître dans les premiers bustes aux visages en amande, légèrement inclinés et à la raie bien coiffée. Mais très vite, quelques figures particulièrement lippues détonent.


Chassériau, La toilette d'Esther,
détail, 1841, musée du Louvre
© RMN
«Chercher dans la simplicité des effets forts et nets, être extrêmement naturel et toujours très élevé, voir dans les têtes en les copiant la beauté éternelle et choisir la minute heureuse», telle fut l'intention de l'artiste, dès 1841. On passe ensuite dans les salles consacrées au voyage en Italie, puis à la carrière parisienne, jalonnée d'expositions au Salon et de commandes officielles. Les compositions sont parfois ennuyeuses, trop appliquées. Les figures féminines sauvent l'ensemble. Car si les visages restent souvent classiques, la chaste Suzanne a le sein qui pointe. Le nombril d'Andromède, la chevelure de Vénus, les fesses de Diane, les aisselles d'Esther, la nuque de Sapho, la hanche de Daphné, l'oreille de Cléopâtre... Que de sensualité délicieusement retenue, toujours monumentale ! Certes, les sujets orientalistes ne supportent pas la comparaison avec ceux de Delacroix ; ni les figures de baigneuses avec celles de Courbet ; et moins encore les peintures les plus libres avec celles de Daumier. Chassériau n'invente pas. Il rêve. Sans doute est-ce pour cela qu'on l'avait oublié : sa dernière rétrospective parisienne date de 1933 !


 Françoise Monnin
28.02.2002