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Expositions

Pablo Picasso, Le cerf, 1936
© Christine Ruiz-Picasso.

Les arts et le monde animalier

Des eaux-fortes de Picasso et un bestiaire musical pour poursuivre la visite du Jardin des plantes.

L’idée exploitée par le Museum d’histoire naturelle est simple. Les animaux exercent une fascination sur les enfants et les adultes et si la peinture cubiste ou la musique symphonique peuvent les rebuter, ce thème peut faciliter l’accès à tout un pan de la culture… D’où le projet de monter un parcours pluridisciplinaire, composé d’une exposition et d’un spectacle musical. La première présente dans la galerie de minéralogie les 31 eaux-fortes conçues par Picasso pour répondre à la commande de son marchand, Ambroise Vollard, qui voulait rééditer l’Histoire naturelle de Buffon. Quant au second, il réunit trois musiciens complices, avides de redonner des couleurs à un bestiaire musical allant des mélodies de Poulenc aux chansons réalistes du début du siècle ou aux comptines enfantines…

Les deux pendants de ce parcours distrayant invitent à virevolter entre traditions savante et populaire et à jongler entre les images… Parmi les planches de Picasso, créées entre 1936 et 1937, le taureau, devenu pour l’occasion un toro s’élançant à l’intérieur de l’arène dans un nuage de poussière, plonge dans l’iconographie du maître espagnol. Contrairement au chien dont le poil hirsute et l’attitude menaçante évoquent plutôt l’imagerie traditionnelle des basilics et autres animaux mythiques, au gracieux cervidé dont le corps flotte dans les airs à la manière des quadrupèdes de Chagall ou au lézard dont la peau rugueuse est rendue par un effet de tatouages primitifs.

De même, les mélodies célèbres ou méconnues choisies par le trio saisissent les postures caractéristiques des animaux pour les tourner, parfois, en dérision, comme l’indolence du chameau dans la truculente chanson interprétée dans les années 50 par Marie Dubas, Le chameau s’en fout. Ces petits airs font écho aux œuvres graphiques. Les gros dindons, dont les paroles d’Edmond Rostand raillent ces «bourgeois de la gent volatile», renvoient immanquablement au dindon fier et rigide de l’estampe. Quant à la puce, elle rappelle en musique ou en images que les animaux font l’objet de projections de comportements humains. Une chanson friponne du 18e siècle nous fait suivre les explorations de l’insecte indiscret sur un corps féminin. Quant à Picasso, il la transforme en une pucelle demi-nue et contorsionnée pour saisir la petite bête… qui n’a jamais illustré le livre de Buffon.


 Zoé Blumenfeld
20.03.2002