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La Souveraineté restaurée…

Après deux années de restauration, le musée Calvet retrouve l’un des grands plafonds peints par Philippe Sauvan pour l’ancien Hôtel de ville d’Avignon.


Philippe Sauvan (1697-1792), La souveraineté,
1749, 300 x 765 cm, après restauration
© André Guerrand. Musée Calvet, Avignon
Au début des années 1740, Philippe Sauvan, l’un des élèves de Pierre Parrocel, est le véritable maître des cérémonies publiques de la ville d’Avignon. C’est à lui qu’échoit, par exemple, le projet de décoration provisoire destiné à marquer l’entrée solennelle de l’architecte Jean-Baptiste Franque. Il n’y a donc rien d’étonnant au fait qu’il soit sollicité en décembre 1748 par l’assemblée des consuls qui souhaite témoigner de sa reconnaissance envers le pape Benoît XIV et le vice-légat Pascal d’Aquaviva, pour avoir envoyé de grosses cargaisons de blé alors que la région traversait une période de famine. Au début de l’année suivante, Philippe Sauvan se lance dans la réalisation de cette commande monumentale : trois plafonds destinés à la grande salle d’apparat de l’Hôtel de ville soit 70m2 de peinture…

Tout comme La souveraineté qui rend hommage aux donateurs sous la forme de portraits et d’attributs de la papauté, Le génie gouvernemental et Le génie consulaire ont connu bien des déboires. Au cours de la Révolution, les portraits d’ecclésiastiques, les objets liturgiques et les inscriptions sont couverts de repeints noirs. Paradoxalement, cette dégradation les a sauvés puisque, ainsi détériorés, ils restèrent en place jusqu’en 1845, date à laquelle l’Hôtel de ville est détruit et les peintures à la détrempe descendues pour être acheminées jusqu’au musée Calvet. C’est là qu’en 1982 elles ont subi d’importants dégâts des eaux. Tendues au plafond de la galerie Joseph Vernet, elles servent de poches d’eau lors d’un violent orage. Une nouvelle péripétie qui les laisse auréolées et déformées.

Depuis, La Souveraineté a fait l’objet d’une restauration dont le coût de 200 000 francs a été pris en charge par la ville d’Avignon et par la fondation BNP Paribas. Pendant deux ans, cinq personnes ont été tour à tour mobilisées in-situ et au Centre inter-régional de conservation et de restauration du patrimoine (CICRP) de Marseille. Tout a commencé avec le refixage général des pigments et le nettoyage des séquelles de l’humidité, étapes préalables au déplacement sur rouleau vers le CICRP. Une fois à Marseille, une table à basse pression a été utilisée pour contre-coller le support sur une toile en polyester de type Dacron. Normalement utilisée pour la voilerie marine, elle a été choisie pour sa légèreté, sa stabilité et son très faible index de distension, autant de critères assurant que la composition demeurera aussi plane que possible une fois remise au plafond. De retour à Avignon, les badigeons révolutionnaires ont été nettoyés, même si, de l’aveu de Susanna Guéritaud, l’une des restauratrices de la couche picturale, «les repeints ont pénétré la couche picturale de sorte que l’enlèvement ne peut pas être complet et que le blanc retrouver toute sa blancheur.» Dernière étape avant de réintégrer les salles d’expositions, les lacunes ont été comblées à l’aide d’une technique qui rend l’impression de matité de la détrempe, celle de la peinture à la gomme arabique.

Cette restauration aura également été l’occasion pour le musée Calvet de redécouvrir son fonds d’œuvres de Philippe Sauvan : des peintures de chevalet et une soixantaine de dessins qui constituent peut-être, sans qu’on le sache, des dessins préparatoires aux décors monumentaux qui ont fait la célébrité du peintre…


 Zoé Blumenfeld
11.03.2002