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Patrimoine

Henri Bouchard, Apollon, Palais de
Chaillot. Photo: Musée Bouchard
© ADAGP

À la recherche d'Henri Bouchard

L’exposition consacrée aux sculptures parisiennes de l’artiste invite à un petit parcours à travers la capitale…

D’Henri Bouchard (1875-1960), on connaît quelques œuvres monumentales comme l’Apollon de bronze qui, du haut de ses six mètres, domine la façade du palais de Chaillot, côté Seine, brandissant sa lyre et dédaignant la maléfique pythie de Delphes qui se soulève dans un dernier sursaut après qu’il l’a transpercée d’une flèche. On se rappelle également la façade de l’église Saint-Pierre de Chaillot, 35, avenue Marceau, gigantesque fresque en pierre consacrée à l’histoire du saint dont le passant ne voit souvent que le premier registre : deux files d’apôtres rigides qui forment colonnes et entourent le portail. Paris recèle pourtant de nombreuses autres sculptures de l’artiste, oubliées à une époque où son style était jugé trop «désuet» ou tout simplement invisibles à qui ne sait les repérer dans la ville.

Ces œuvres permettent de retracer la totalité de la carrière du sculpteur. En 1910, c’est sur les hauteurs du parc Montsouris qu’a été installé le très réaliste marbre de l’Accident de carrière, dernier envoi de l’artiste qui était alors à la Villa Médicis. Un premier succès lié aux circonstances climatiques puisque ce déplacement intervint après la crue qui inonda le dépôt dans lequel reposait la sculpture ! Quant au Monument au maréchal Vauban, il n'a été inauguré qu'après la mort de l’artiste, sur la place Santiago du Chili, à la sortie du métro La Tour-Maubourg, en raison de retards survenus dans son financement par la Fédération parisienne du bâtiment.

Toutes illustrent également la grande diversité des œuvres créées par l’artiste. Les sculptures décoratives destinées à des bâtiments relèvent de commandes privées obtenues par l’intermédiaire d’architectes qui l’appréciaient. La plupart d’entre elles ont été créées dans les années dix et vingt, alors que Bouchard était à l’affût de commandes pour subvenir à ses besoins. On peut ainsi évoquer des reliefs commandés par les frères Tissier pour la façade d’un immeuble qu’ils faisaient construire au 67, boulevard Raspail et complétés en 1918 par deux rondes-bosses épurées représentant un coq et une cigogne qui symbolisent la fin de l’annexion de l’Alsace. Par ailleurs, l’architecte Georges Wybo l’a associé en 1920 à la création du décor de la rotonde du magasin du Printemps pour lequel il a conçu quatre reliefs très «Art déco» sur ce thème «saisonnier». C’est le même Wybo qui sept ans plus tard l’a fait participer au projet de la façade de l’Hôtel George V : de belles femmes dans un goût grec pour les clefs de voûtes de façade principale et deux demoiselles échevelées, côté rue Albert Ier, pour l’entrée de service.

À l’ombre de la grande œuvre que représente Saint-Pierre de Chaillot, Bouchard a réalisé les symboles des quatre évangélistes qui ornent les angles du campanile du Sacré-Cœur, réminiscence des animaux qu’il aimait étudier au Jardin des plantes ou aux concours agricoles de la porte de Versailles lorsqu’il n’était encore qu’élève à l’École des beaux-arts. Mais c’est sans doute à travers les monuments funéraires que le génie et la sensibilité du sculpteur trouvent leur meilleure expression. Certains ont été créés dans des circonstances assez obscures, comme le gisant du sculpteur Albert Bartholomé, installé au Père-Lachaise à proximité du grand Monument aux morts qui fit sa célébrité. Aucune archive ne subsistant, on peut supposer que Bouchard le réalisa en hommage à son aîné. D’autres, au contraire, relèvent de commandes publiques. C’est le cas du Monument aux héros inconnus installé dans le transept sud du Panthéon ou du Monument aux morts de la Légion d’honneur. Lors d’un déplacement du monument, de la cour d’honneur de l’Hôtel de Salm au porche Solférino, ce dernier fut réduit en largeur et en épaisseur, perdant au passage le bas-relief qui ornait le socle, entassement de corps rappelant le traumatisme de la guerre que Bouchard passa aux premières lignes, comme camoufleur.


 Zoé Blumenfeld
13.04.2002