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Expositions

Daniel Templon expose deux stars de la scène américaine.

Frank Stella et Bruce Nauman présentent leurs derniers travaux, peintures-reliefs pour l’un et vidéos pour l’autre.


Franck Stella
Mersin XXIV, 2001,
technique mixte sur aluminium fondu,
208 x 266,5 x25.5 cm © ADAGP
Auteur des quatre «striped black paintings» (peintures à bandes noires), montrées lors de l’exposition «Sixteen Americans», au MoMA en 1959, Frank Stella est une figure majeure de l’art américain d’après-guerre. Avec lui, se tourne la page de l’expressionnisme abstrait : l’abstraction emprunte une autre voie, celle d’une peinture minimaliste, géométrique. Dans la lignée du modernisme, l'artiste tente une redéfinition du tableau. L’espace pictural n’est plus pensé comme un ensemble d’éléments subordonné à une composition. Déhiérarchisée, la surface peinte est égale en tous points. La démarche de Stella se distingue cependant des expressionnistes abstraits en ce qu’elle récuse le primat de la main de l’artiste dans le processus de fabrication de l’œuvre. Dans les années soixante, Stella radicalise et emprunte les techniques du peintre en bâtiment. Puis, le motif réapparaît dans ses toiles. Dans un premier temps géométrique, il se fait peu à peu forme distincte, puis décorative. En 1976, l’artiste introduit le relief, l’arabesque et la courbe dominent, les couleurs sont vives. Commence alors une période baroque, qui se poursuit encore aujourd’hui et dont témoignent les six peintures-sculptures monumentales, exposées chez Daniel Templon. Réalisées en 2000 et 2001, dans une technique mixte, ces œuvres associent à la variété des formes, celle des surfaces. Bosselées, planes, rugueuses ou tramées, les plaques d’aluminium semblent des empreintes de quelque vestige archéologique, référence que vient confirmer les titres des œuvres, Neonikomedia, Hacilar ou encore Mersin. Ces compositions chaotiques, aux coloris vifs et artificiels sont, là encore, a-focales. Frank Stella poursuit ici la déhiérarchisation de l’espace pictural, non sur le mode de l’uniforme mais du composite. La dichotomie forme/fond est bel et bien révolue.


Bruce Nauman,
Prendre le bon angle, video,
1999 © ADAGP
Planter un bon pieu d’angle (allégorie et métaphore) est la vidéo présentée par Bruce Nauman. D’une durée d’une heure, l’on y voit l’artiste, habillé en tenue de fermier, en train de planter un poteau, à partir duquel il entreprend la construction d’une clôture. Filmée en plan fixe, l’action est répétitive, banale. Nauman scie des morceaux de bois, tire un enclos, sort parfois du champ de l’image le temps d’aller quelques outils. Seul le bruit de la scie et du souffle du vent vient ponctuer le déroulement de l’action. À l’image succèdent deux textes, non dépourvus d’humour, décrivant pour l’un, le processus de fabrication, ses matériaux, ses dimensions et pour l’autre, «l’épilogue », rassemblant les conseils d’un ami fermier de Nauman, Bill Riggins. À mesure que l’ouvrage avance, on s’interroge sur l’intérêt d’une telle construction. Posée au milieu de nulle part, la clôture dessine l’angle d’un ensemble qu'on ne peut saisir. Il semble que Nauman nous donne à voir autre chose que la construction. L’objet placé dans le champ de l’image, centre de notre attention, est des plus ordinaires, mais point focal, il acquiert une valeur autre. Ne pourrait-on pas voir dans cette œuvre, comme dans Double cage en acier (1974), une ironisation de la part de Nauman sur le désir moderne de focalisation et le retour à un certain savoir-faire ?


 Raphaëlle Stopin
13.05.2002