Accueil > Le Quotidien des Arts > Filets d’or et tranches de cuir

Expositions

Filets d'or et tranches de cuir

Complétant l'exposition du Grand Palais, consacrée aux arts décoratifs sous Louis XIII et Anne d’Autriche, le musée Condé présente la collection de reliures du duc d’Aumale.


Reliure aux armes de Louis XIII
et Anne d'Autriche

© Musée Condé
Institut de France
Quelle est la spécificité des reliures du 17e siècle ?
Emmanuelle Toulet, conservateur en chef.
La présentation du musée de Chantilly a pour principal objectif de compléter la grande exposition parisienne. Devant les clauses qui empêchent nos collections de sortir du château, il nous a semblé cohérent de présenter nos reliures parallèlement aux quinze exemplaires exposés au Grand Palais. Sur l’ensemble du 17e siècle, nous possédons cent cinquante pièces illustrant des styles différents. L’exposition propose de découvrir, dans une première partie, les pièces les plus spectaculaires du siècle de Louis XIII et Anne d’Autriche, et, dans un second temps d’aborder les années 1690-1710 et ses reliures dites «archaïsantes». C’est la première fois que ces œuvres sont présentées au public.

Connaît-on des noms d’artistes ?
Emmanuelle Toulet.
En règle générale, les reliures ne sont pas signées. Si les arts décoratifs du 17e siècle restent très peu étudiés faute de témoignages artistiques, le domaine de la reliure compte près de 300 pièces dans le monde. Trois noms sont aujourd’hui connus : le relieur du roi, Macé Ruette, Le Gascon et Florimond Badier. Vrai nom ou surnom, La Gascon est reconnaissable par l’utilisation de fers pointillés et filigranés. Nous possédons six reliures au musée et 25 sont identifiées dans le monde. Quant à Florimond Badier, il a signé trois de ses œuvres.

Comment peut-on qualifier les travaux du 17e siècle ?
Emmanuelle Toulet.
Il s’agit avant tout d’un siècle d’exubérance avec l’utilisation massive de dorures. Les couvrures de maroquin étaient en général de couleur rouge mais pouvaient également varier du vert «olive» au brun clair aussi appelé «citron». Si le relieur conçoit le décor, c’est au doreur de l’exécuter à l’aide de fers et de poinçons. On peut noter différentes structures décoratives : le décor «à la fanfare», «à la Du Seuil» ou encore «à l’éventail». Chacune se différenciant par l’utilisation de filets, de courbes et de rosaces aux variations nombreuses. Ces ouvrages reliés étaient souvent des commandes de bibliophiles ou d’auteurs en quête de protecteurs. Nous présentons ainsi deux ouvrages offerts à Marie de Médicis, trois reliures aux armes d’Anne d’Autriche, deux aux armes du Chancelier Séguier et une reliure aux armes de Louis XIII.


Le Gascon Reliure
© Musée Condé
Institut de France
Quelles sont les pièces majeures de cette exposition ?
Emmanuelle Toulet.
On doit la collection de reliures du musée Condé à l’intérêt porté par le duc d’Aumale à toutes les branches de la bibliophilie. Acquisitions ou héritages, les pièces conservées illustrent les créations du 16e au 18e siècle. Dans la première partie de la présentation, le visiteur peut admirer une reliure en satin brodé appartenant à Marie de Médicis. Seules treize pièces de ce type ont été répertoriées aujourd'hui. Pour la même destinataire, Macé Ruette réalise une reliure aux trois tranches peintes d'un décor de fleurs. L’artiste emploie or, argent et mosaïque de cuirs sur les plats tandis que la doublure ( le nom donné au verso de la couverture) présente un décor de cuirs ciselés et décorés d’inspiration orientale. Nous avons essayé de présenter, dans la mesure du possible, les papiers marbrés utilisés comme page de garde. Une technique qui s'est développée à cette époque et permet aujourd'hui de dater plus précisément les ouvrages.

Connaît-on les sources décoratives des relieurs ?
Emmanuelle Toulet.
En dehors d'une influence orientale due à la diffusion des reliures du Coran en Occident, on ne connaît, pour le moment, aucune source d’inspiration des artistes du 17e siècle. Seuls les décors en filigranes font penser à l’orfèvrerie comme principale influence.


 Stéphanie Magalhaes
25.04.2002