Accueil > Le Quotidien des Arts > Raphaël, ordre et clarté

Livres, CD, DVD

Raphaël, ordre et clarté

Spécialiste du maître de la Renaissance, Pierluigi De Vecchi lui dédie une monographie solidement charpentée.

«Raphael Urbinas» signe-t-il comme pour marquer son attachement à l’une des plus admirables cités-Etats de la Renaissance italienne, celle d’Urbino, où il a vu le jour. Sous la houlette éclairée de Federico da Montefeltro – le prince borgne qui se fait systématiquement reprendre de profil, sur son bon œil, par Berruguete ou Piero della Francesca - officient architectes, sculpteurs et peintres. Et beaucoup d’artistes complets qui mélangent les genres, des dalmates Laurana à Bramante. Mais Raphaël (1483-1520) est le contraire d’un sédentaire. Très tôt, il quitte les Marches, où son père Giovanni Santi était déjà un praticien réputé, pour parcourir l’Italie : il se rend à Venise avec la cour en exil (après l’attaque de César Borgia), en Ombrie (il y travaille avec Pérugin et y peint notamment Le Couronnement de la Vierge, dit retable Oddi), en Toscane (il assiste Pinturicchio dans les fresques de la Libreria Piccolomini au Duomo de Sienne). Mais son but, c’est évidemment Florence, Rome, les étapes obligées pour être admis dans le cénacle des grands. A Florence, il étudie enfin le nu «avec l’application nécessaire» et s’éloigne ainsi du «style grêle» de Pérugin (ce sont les mots de Vasari). Il ne réussira jamais à égaler la perfection de Michel-Ange dans la représentation du corps humain mais il y produit un véritable cortège de Madones, que les spécialistes distinguent par le nom du collectionneur – Cowper, Esterhazy, Bridgewater, Terranuova ou Tempi – et que l’on ne peut aujourd’hui admirer qu’au prix d’un tour du monde. Rome, c’est le triomphe. Plus souple, plus mondain (il est ami de l’Arétin et de Castiglione), moins susceptible que Michel-Ange, il y devient l’artiste de cour de la papauté. C’est l’époque des Chambres au Vatican – de la Signature, de l’Audience, de l’Incendie, cette dernière étant considérée depuis le 19e siècle comme marquant le début de son déclin : Raphaël est alors à la tête d’une véritable «usine» et délègue beaucoup. Sa nomination au poste d’architecte de Saint-Pierre, où il succède à Bramante, marque sa consécration.

L’iconographie impeccable est dans la lignée des ouvrages de référence de Citadelles & Mazenod. Pierluigi De Vecchi, à qui l’on doit le commissariat de la récente exposition au musée du Luxembourg, soulève quelques questions classiques : y a-t-il eu un contact direct entre Raphaël et Léonard de Vinci ? De quand date la genèse de Raphaël architecte ? Il rappelle la valeur des œuvres de Raphaël aux yeux des contemporains : ses dessins font très tôt l’objet d’un marché actif. Si les problèmes de composition sont abordés au long de l’ouvrage, ils ne font pas l’objet du développement «en bloc» que l’on aurait pu en attendre, connaissant leur fortune future. Mais l’analyse iconographique, par l’accumulation d’éléments qu’elle fournit – pourquoi Jules II porte-t-il la barbe sur son portrait ? comment interpréter le jeu des regards sur le Portrait de Léon X ? - sont autant de clés à la compréhension. De même, l’étude des héritiers du «divin Raphaël» est à peine esquissée. Mais c’est là une autre histoire tant ils pullulent…


 Rafael Pic
29.05.2002