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Expositions

Victor Hugo croqué par les caricaturistes

La maison de Balzac accueille les portraits-charges de la «plus forte tête romantique».


Le panthéon charivarique
© Maison de Balzac
Pendant que la Bibliothèque nationale expose les caricatures léguées à l’État en 1881, la maison de Balzac présente des portraits-charges du grand homme, issus du fonds de la maison Hugo. Les uns comme les autres soulignent les deux versants d’un même personnage, fier mais revendiquant la liberté de pensée. S'il a illustré les aventures caricaturales de Toto à l'intention de ses enfants et attaqué les représentants de l'autorité avec les têtes d'expression cruelles du Théâtre de la Gaîté, Victor Hugo semble avoir accepté de bonne grâce les railleries dont il était la cible. Preuve s’il en est, certaines des planches présentées ici sont signées ou annotées de sa main, comme la une de «La Lune», un dessin de Gill représentant son visage émergeant de l’océan. Curieusement, les travers qu'il a soulignés dans certains de ses dessins font écho à ceux dont il a pu être accusé. C'est bien un Hugo soulignant le triomphe de la médiocrité bourgeoise à travers le personnage de Pista -type réduit à une tête et deux jambes- qui est raillé pour sa fierté démesurée dans deux dessins de 1849. Le premier, signé Quillenbois, exploite le modèle de la frise à l’antique pour le représenter rayonnant, lors de son entrée solennelle au Bal des Gens de lettres. Quant à Daumier, il le saisit, pour «Le Charivari», juché sur une pile de livres et pensif : «On vient de lui poser une question grave, il se livre à des réflexions sombres – la réflexion sombre peut seule éclaircir la question grave ! – aussi est-il le plus sombre de tous les grands hommes graves !».


Là-bas dans l'île. La Lune Rousse
22 septembre 1878 © PMVP
L’exposition propose un parcours dans la vie et l’œuvre de l’écrivain depuis ses débuts, en 1830, jusqu'à l’annonce de sa mort en 1885. «La Caricature provisoire» met en scène Hugo, Dumas et Frédérick-Lemaître, exclus de la Comédie française après la représentation de Ruy Blas, en novembre 1838, sous le titre Les romantiques chassés du temple. Grandville, dans la Course au clocher académique (1839) représente Victor Hugo trônant, coiffé des tours de Notre-Dame, devant l’entrée de l’Académie française. Il y est admis en 1841 après un premier échec. «Le Caricaturiste», de 1850, ne manque pas d’ironiser sur le «changement de front» de ce «grand poète d’Etat» qui grimpe une montagne tandis que Bertall le nomme représentant du Congrès de la Paix dans le «Journal pour rire» de 1849. Son retrait à Jersey puis à Guernesey s’accompagne d’une caricature de Déloyoti pour «Le Hanneton» (1867) sur laquelle l’écrivain se tient debout sur un rocher, une pieuvre à ses pieds, une plume à la main et une mappe-monde dans l’autre. Les Travailleurs de la mer, roman écrit en 1866, fait naître l’image de «l’Homme-océan», souvent repris par les caricaturistes. Ainsi Gill utilise l’une de ses citations «Combien faut-il de poux pour tuer un lion ?» pour représenter un homme lion face au poux-archer sur un rivage déserté. La publication des Châtiments et d’Histoire d’un crime dans les années 1870 font de l’écrivain un nouveau justicier. Pour Alfred Le Petit, dans «Le Pétard», Hugo marque au fer le front de Napoléon III enchaîné, tandis que le poète force l’Empereur à boire le sang coulé durant le coup d’état du 2 décembre sous le crayon de Gilbert-Martin. La dernière période de sa vie se traduit par une glorification. Gilles-Martin le désigne sous les traits d’Orphée dans «Le Don Quichotte» de 1882, de la même manière que Gill l’installe sur l’Olympe, un lion à ses pieds et une lyre à la main. L’année de sa mort correspond à une apothéose officielle, comme le traduit Gilbert-Martin dans le «Don Quichotte» du 5 juin 1885, qui préfigure la cérémonie d’entrée au Panthéon.


 Zoé Blumenfeld
Stéphanie Magalhaes
10.05.2002