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Marché

© Léonce Laget


© Bernard Quaritch


Paris est une fête du livre

La foire du livre ancien, ouverte jusqu’à dimanche à la Mutualité, invite à une promenade sans fin à travers les siècles, les continents, les savoirs…

A la librairie Cappelli, de Bologne, on ne tarit pas d’éloges : «C’est le meilleur salon du genre, avec un pubic averti. Nous avons déjà vendu deux de nos principaux ouvrages, la Formaggiata di Sere Stentato, le premier livre en italien sur le fromage, par Giulio Landi (Piacenza, 1542, 15000 euros), qui ne figure que dans quelques collections, notamment à la BN, et les Œuvres poissardes de Vadé (chez Didot le Jeune, 1796, 5000 euros)». L’américain Ben Kinmont, qui chasse sur les mêmes terres – la gastronomie – a lui aussi une édition du fameux traité de Sere Stentato sur le fromage, au même prix, mais qui a l’avantage d’avoir sa reliure d’époque et non, comme chez Cappelli, une reliure en veau framboise du 19e siècle. Kinmont, qui est installé à quelques pas de l’ancien World Trade Center et dont les locaux ont souffert lors des attentats, propose dans son élégant catalogue son autre spécialité, le parfum. «Ce n’est pas le livre homonyme de Patrick Suskind qui m’a poussé dans cette voie, même si je l’apprécie beaucoup. C’est simplement un domaine passionnant, lié à l’art de vivre, qui est mal exploré.» En avant donc pour Secreti nobilissimi dell’arte profumatoria de Bonaventura Pellegrini (Bologne, 1762, 8000 $) ou The Distiller of London de 1698 dans une boite en maroquin bleu (4000 $).

En matière de catalogues, les plus somptueux sont ceux du londonien Bernard Quaritch, une maison qui fête ses 150 ans. Volumineux, excellemment annotés, illustrés, ils valent tous les manuels en matière d’introduction à la bibliophilie. Si l’on ne peut se permettre un Discours de la méthode de Descartes à 75000 livres (Leyden, 1637), on pourra étudier l’histoire de Quaritch, ses liens avec William Morris, son réseau européen (le français Caulin, lors Stanley of Adderley à Aden, etc), gratuitement, dans un numéro spécial de «The Book Collector». Le néerlandais Dieter Schierenberg s’est pris de passion pour un homme de science montpelliérain du 19e siècle, Marcel de Serres (1783-1862), dont il propose une grande quantité d’écrits autographes sur les volcans, la prospection minière, les végétaux fossiles, les ours des cavernes ou le magnétisme (de 295 à 3400 euros). Une curiosité de la même espèce a poussé l’artiste Jean-Baptiste Debret a coucher sur papier la société brésilienne du début du 19e siècle. Faisant partie de la commission chargée de fonder l’académie des Beaux-Arts, Debret est une vedette au Brésil, où ses gravures sont publiées en livre de poche (on peut en voir une superbe série au musée Castro Maya de Rio de Janeiro et elles avaient été exposées, il y a quelques années, à la galerie de la Seita, à Paris). Le Bail-Weissert dispose de son Voyage pittoresque et historique au Brésil en trois volumes (Paris, Firmin-Didot, 1834, 61000 euros), d’une grande fraîcheur, sans les rousseurs qui affligent tant d’ouvrages imprimés au 19e siècle.

Arenthon propose le Parole futuriste de Marinetti, un extraordinaire exemple des livres en fer blanc du prophète futuriste, dans une mise en page de D’Albisola (1932, 60000 euros). Chez Florence de Chastenay, le Libro della Strega de Pic de la Mirandole (Bologne, 1524, 6400 euros) est marqué de l’ex-libris de Maurice Garçon, académicien, bibliophile et ténor du barreau de l’entre-deux-guerres, qui a notamment défendu des écrivains en odeur de censure. René Cluzel a un plaisant ouvrage érotique de Nicolas Chorrier, L’Académie des dames (1775, 6000 euros). La littérature française a toute sa place chez Giraud-Badin (une série de dessins de Victor Hugo, 25000 euros), chez Henner (Notes de voyage à Naples de Sainte-Beuve, manuscrit de 1839, 7800 euros), ou chez Dominique Laucournet (Gaspard de la Nuit d’Aloysius Bertrand avec une belle reliure de Charles Meunier, Paris, 1914, 15000 euros).


 Rafael Pic
25.05.2002