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Marché

Lionne stylophore, Bologne, fin
du 12e siècle, marbre de Vérone,
82 x 38 x 60 cm
© Galerie Gabrielle Laroche


Bas-relief : la légende de
Saint-Georges
,
Franconie, 16e siècle, tilleul
polychrome et doré,
95 x 98 cm
© Galerie Gabrielle Laroche


Les peurs médiévales de Gabrielle Laroche

À l’occasion du 25e anniversaire du Carré Rive Gauche, la galerie met en avant deux sculptures symbolisant ses spécialités : le Moyen Âge et la Renaissance.

Une lionne veille sur l’entrée de la galerie située au 25, rue de Lille. Elle provient de l’ancienne collection d’Edward Tuck (1842-1938), ce collectionneur américain qui décida de faire profiter son pays d’adoption, la France, de sa générosité. Autour de 1930, il offrit ainsi la propriété de Bois-Préau à l’État, qui put l’associer au parc de Malmaison, et fit don de nombreuses porcelaines, tapisseries et peintures à la ville de Paris, autant de pièces aujourd’hui présentées au musée du Petit-Palais. Récemment encore, cette sculpture en marbre rouge dit de Vérone, haute de 82 cm, demeurait mystérieuse. Après recherches, c’est une pièce bien identifiée qui est proposée par la galerie pour 230 000 €. Cette sculpture stylophore – c’est-à-dire porte-pilier - est en effet semblable en tous points à celle de la collection Ferguson aujourd’hui conservée au Herbert F. Johnson Museum of Art de l’université Cornell à Ithaca, aux États-Unis. Comme elle, elle est assise sur ses pattes arrière, allaitant deux lionceaux dont l’un est assis sur sa queue et l’autre a la queue posée à hauteur de la nuque. De même, elle a une large crinière bien ordonnée autour de la tête et une gueule entrouverte laissant apparaître deux crocs… Autant de données qui permettent de supposer que la lionne a été sculptée dans un atelier de la région de Bologne, à la fin du 12e siècle, pour supporter la colonne d’un porche ou d’un baptistère et veiller ainsi sur une église romane…

Tout près du fauve protecteur, on a installé un superbe bas-relief qui symbolise la survivance des peurs ancestrales dans la Franconie du 16e siècle. La sculpture mise en vente pour 115 000 € est constituée de deux parties bien distinctes, séparée par un arbre nu. À gauche se déploie une représentation directement inspirée d’une gravure sur bois de Lucas Cranach datée de 1512, Der Werwolf, «Le Loup-garou». On y voit un homme à quatre pattes dévorant un enfant de ses crocs, à côté d’une femme déjà décédée et d’un cadavre, tandis que la mère terrorisée donne l’alerte et que le père se précipite à la fenêtre de l’écurie. Sur la partie droite du relief figure la légende de saint Georges avec la princesse qui doit être sacrifiée au dragon, puis le retour triomphal de saint Georges et de la jeune femme vers la ville de Trébizonde, à dos de cheval. Mais, - oh, surprise ! - le dragon ne montre ici que sa tête dont les traits rappellent étrangement ceux d’un mammifère bien connu, le loup… Comme si le sculpteur de cette école originale qui se développa à Würtzbourg dès le milieu du 15e siècle avait proposé aux fidèles d’invoquer le saint pour se protéger et exorciser leurs peurs.


 Zoé Blumenfeld
31.05.2002